La foi est un tout indivisible
Entretien avec l’Imam Emrullah HATIPOĞLU
L’Imam Emrullah Hatipoğlu est né en 1945 dans l’arrondissement Of de Trabzon. À l’âge de 9 ans, avec l’aide de son père, il devint Hafiz, et, après avoir obtenu les diplômes d’étude primaire, il entra l’année du coup d’État militaire de 1960 dans l’école Imam Hatip d’Ankara où il fit ses études. Après avoir été diplômé de l’Institut Islamique d’Istanbul où il fit ses études de 1968 à 1972, il étudia en 1975 la littérature arabo-persane à l’Université d’Istanbul. Puis, sur procuration d’un certain Khalil Efendi, il devint imam de la mosquée Hamid-i Evvel de Beylerbeyi. Après avoir été imam de la mosquée Teşvikiye et effectué son service militaire. En 1978, il fut nommé imam de la mosquée Sultanahmet (la Mosquée Bleue). Il est maintenant retraité après avoir été imam pendant 43 ans.
Altınoluk : Hodja, la sensibilité du Credo a été transmise pendant des siècles de génération en génération. En matière de religion, ce qui vient à l’esprit en premier lieu, est le Credo que les enfants apprennent et cela se perpétue des générations durant. Qu’est-ce que la Profession de foi, qu’est-ce qu’on entend lorsqu’on parle de Credo, pouvez-vous tout d’abord nous les expliquer ?
Emrullah Hatipoğlu : Que les louanges reviennent au Seigneur et Maître des Univers, et que la paix et le Salut soient pour notre Prophète Muhammad, sa famille et ses compagnons. Que comprenons-nous quand on parle de Credo, comment la communauté (Oumma) l’a-t-elle compris dans le passé et pourquoi elle a été sensible à cette question jusqu’à présent ? En effet, lorsque le terme Credo est prononcé, l’eau s’arrête de couler. Qu’est-ce que ce Credo qui fait que les eaux s’arrêtent de couler ? Tout d’abord, nous devons voir ce qu’est le Credo dans l’Islam. J’essaie de l’expliquer avec la question suivante :
Que veut-on dire quand on parle de religion ?
Lorsque nous parlons de religion, nous entendons les principes de base de la croyance religieuse et qui sont exprimés sous la forme de croyance (Amana)[1].
On nous a enseigné que la Profession de foi « Amana Billah » signifiait : je crois en Allah, à Son existence et en Son unité.
“Wa Malaikatihi” signifie : “J’ai foi dans l’existence des Anges !”
“Wa koutoubi” signifie : “J’ai foi dans Ses livres, et dans les livres qui ont été révélés avant le Noble Coran !”
“Wa Rousoulih”signifie : J’ai foi dans Ses prophètes mentionnés dans le Coran, et ceux dont les noms ne sont pas mentionnés dans le Coran, mais qui sont en rapport avec le verset qui stipule : « Il n’est pas une nation qui n’ait déjà eu un avertisseur. » (Fâṭir, verset 24).
L’expression “Wa bil Yawm al Akhir” exprime le fait que la mort dans ce bas-monde a un futur qui est la vie dans l’Au-delà. Alors que la vie dans ce monde est éphémère, la vie dans l’Au-delà est éternelle. Nous sommes venus dans ce monde pour gagner la vie de l’Au-delà. Il y a donc un endroit que j’ai choisi comme objectif final pendant que je vis. Cette destination finale est soit le Paradis, si Dieu le veut, soit, Dieu nous en préserve tous, l’Enfer. Lorsque nous disons “Je crois en l’Au-delà”, nous démontrons aussi notre croyance. Ainsi, qu’il s’agisse de notre vision de la vie ou de notre vision du monde, quelque chose émerge. Une compréhension de la vie prend forme avec la formule “Amana”. Par conséquent, la religion, les fondements de la croyance sont, en quelque sorte, formulés avec cette parole.
Altınoluk : Le Credo est une vision de la vie en soi, n’est-ce pas cher maître ?
Emrullah Hatipoğlu : Effectivement c’est ainsi. La Profession de foi contient des éléments essentiels qui séparent le croyant musulman de l’infidèle, et de l’hypocrite. Qui est l’hypocrite ? Qui est l’infidèle ? Le Coran nous les présente avec toutes leurs qualités. Qui est le croyant ? Toutes les qualités du croyant sont révélées dans le Coran d’une manière dont on peut dire qu’elle est détaillée. Le début de la sourate Al-Baqara décrit les croyants puis vient la description des mécréants, et ensuite la description des hypocrites.
Le Coran nous explique comment le croyant conçoit la vie. Par exemple, il relate l’histoire de Moïse (u) et des magiciens qui vivaient avec Pharaon pour servir sa cause. Puis, lorsqu’ils réalisèrent la faiblesse de leur cause face aux vérités divines apportées par Moïse (u) et qu’ils étaient de ce fait dans le mensonge, ils s’exclamèrent : « Nous croyons au Seigneur des mondes, au Seigneur de Moïse et d’Aaron ! » Pharaon intervint alors : « Croyez-vous sans ma permission ? » Puis viennent les menaces. Les réponses à ces menaces sont très importantes, car nous trouvons ce qu’un croyant qui a la foi attend de la vie et le défi qu’elles contiennent : « Est-ce que tu nous menaces de nous tuer ? Fais ce que tu peux ! Nous avons compris la vérité de telle manière qu’il ne nous est plus possible d’y renoncer. Notre objectif est d’obtenir l’approbation d’Allah. »
Sans plus tarder, répétons que la Profession de foi (le Credo) contient toutes les normes qui distinguent le croyant d’un infidèle et d’un hypocrite. Je vois le Credo comme un indicateur de foi, pour ainsi dire. Vous savez, il y a un baromètre. La croyance est aussi en quelque sorte le baromètre de notre foi.
Altınoluk : Un baromètre de la foi ?
Emrullah Hatipoğlu : Oui, un baromètre. Lorsque vous divulguez la Profession de foi, vous faites apparaître les caractéristiques fondamentales et indivisibles des croyants, des mécréants et des hypocrites.
La foi n’accepte pas la fragmentation. C’est la plus importante et fondamentale question concernant la foi. Le Credo est un tout indivisible. Les principes fondamentaux de croyance énoncés dans le Credo éliminent le droit de choisir “croyons en ceci ou n’y croyons pas”.
Ce verset explique : « Croyez-vous donc en une partie du Livre et rejetez-vous le reste ? » L’état de ceux qui font cela dans le monde est la disgrâce. Dans l’Au-delà, ils seront jetés dans les plus durs tourments. Ces versets et d’autres similaires démontrent que la fragmentation n’est pas acceptée en termes de croyance. En d’autres termes, la croyance inclut ce que nous appelons les conditions de la foi (zarûrat-ı diniyye),c’est-à dire qu’elle comprend à la fois le point d’acceptation, le point d’affirmation et le point de croyance.
Que sont-ils ? Ce sont des questions de foi et du côté de l’adoration.
Par exemple, la prière est-elle obligatoire ? Oui, elle l’est. Même s’il ne prie pas, un homme doit l’accepter comme tel. C’est comme pour la Zakat, même s’il ne s’en acquitte pas, il ne pourra pas dire qu’elle va venir. C’est d’ailleurs comme le jeûne.
Autre exemple : Le plus fondamental problème de notre époque est la question du voile. Personne n’a le droit de dire : « Mon frère, est-ce qu’à notre époque cela se fait de porter un voile ? » Pourquoi ? Parce que c’est le commandement d’Allah, c’est dans le Coran. Un musulman doit accepter cela comme un élément de croyance.
Comme on le disait autrefois : le voile est un détail ; c’est un problème secondaire. Oui, même s’il en va ainsi de cet acte, l’ordre le concernant est un ordre qui, tout comme la prière, la zakat, le jeûne … est dans le cadre du Credo de la religion. Par exemple, l’alcool, les jeux de hasard, l’adultère sont illicites (haram). Ici, l’expression » haram » prend place dans la partie des obligations de la religion. Si un homme boit de l’alcool, joue aux jeux de hasard, ou commet un adultère, puisqu’il accomplit ces actes en sachant que c’est haram, il fait une faute, un péché majeur, et son fardeau est très élevé. Une telle personne encourt la menace d’un incendie, mais on ne peut pas l’exclure de la religion parce qu’elle ne commet pas de défaut dans la foi. Ainsi, la vie pratique a aussi une dimension religieuse, un aspect de croyance. Ce que nous appelons zarûrat-ı diniyye, qui permettent à un musulman d’acquérir une identité musulmane, sont les sujets inclus dans le Credo, et tous les croyants qui disent : “Je veux être un serviteur dont mon Seigneur est satisfait” préservent cette sensibilité à la foi. C’est le cas depuis des siècles. Le premier enseignement qu’on reçoit à l’école porte sur les fondements de la foi. En disant la Talbiya[2], on voit par étape d’où elle part et comment elle se développe.
Pourquoi l’adhan est-il récité ? L’adhan contient d’une certaine manière les principes du Credo et les obligations de la religion (Zarûrat-ı diniyye). Il y a la Prière, le Tawhid, la croyance en Allah, le rejet du polythéisme et la croyance aux prophètes.
En conséquence, le Credo n’accepte pas la fragmentation. Rejeter un de ces principes éloigne une personne du cercle de la foi, parce qu’il contient les impératifs de la religion. À cet égard, les musulmans ont toujours essayé de les protéger et de les préserver.
Altınoluk : Pouvons-nous développer le contenu du Credo ? Quelle est la place du Credo dans les principes fondamentaux de la religion ? Pouvez-vous donner des informations sur la place de la croyance dans la vie d’un musulman ?
Emrullah Hatipoğlu : La Profession de foi, en tant que ”credo zarûrat-ı diniyye“, englobe en fait toute la vie. Parce que les principes de croyance, de culte, de licéité et d’illicite (halal et haram) sont tous là. » La Profession de foi contient tout ce qui fait qu’on puisse dire « Allah (Y) veut me voir ainsi ». Il y a aussi des friandises. Nos relations au quotidien… Du droit des personnes à la vie commerciale, des questions liées à l’administration, aux sanctions pénales… Tous les principes de base qui s’y rapportent sont dans le contenu du Credo. Si l’intégrité de ce contenu n’est pas préservée, on aura jeté de la dynamite dans les fondements de la religion. C’est ce que nous vivons aujourd’hui. Autrefois, alors que la religion était protégée dans son intégralité et avec la sensibilité de la foi, les musulmans n’avaient pas ce qu’ils vivent de nos jours à savoir les faiblesses de la foi, les différentes visions de la vie et certaines conceptions différentes de la moralité. Par exemple, les références qui forment la base de ma compréhension morale sont aujourd’hui différentes de celles qui constituent la compréhension de quelqu’un d’une autre moralité. Il y a une morale dite capitaliste, une autre morale est dite socialiste, une morale laïque a été apportée. Chacun se sent dépendant de ses propres normes morales. On dit “je dois respecter ce que la morale laïque exige”. Lorsque l’individu se déclare moral ou lorsqu’il décrète qu’un autre est immoral, il se base sur sa propre référence. En conséquence, ce que l’un appelle vol, peut très bien être attribué à un autre comme étant très sage.
Altınoluk : Hodja, mis à part ce que vous avez mentionné, nous voyons qu’il existe des points de vue différents, même parmi les musulmans d’aujourd’hui. La foi musulmane comprend une série de principes qui commence par la foi en Allah et se parfait par la croyance au fait que le bien et le mal ne viennent que d’Allah. Alors, le fait que les Musulmans de nos jours ne parviennent pas à assurer l’intégralité de ces principes ne nuit-il pas à la sensibilité du Credo ?
Emrullah Hatipoğlu : C’est en fait notre principal problème. Nous ne faisons que prononcer la Profession de foi. Nous répétons ces composants avec notre langue. En théorie, nous n’avons aucune objection, mais en fait, dans la pratique, tout le monde fait des erreurs et les vit.
Les gens qui font de leurs erreurs une vie essaient alors de légitimer leurs erreurs. Ensuite, la fissure s’agrandit. Par exemple, lorsque nous considérons le principe selon lequel le bien et le mal viennent d’Allah, cela peut conduire à une sorte de paresse. Eh bien, que devons-nous faire ? On dit qu’Allah l’a ordonné ainsi, et on essaie de ne rien faire. Prononcer le Credo est une chose, le comprendre et l’assimiler correctement sont deux choses différentes. Par conséquent, c’est une chose d’essayer de comprendre la nécessité de la religion de la manière dont Allah veut qu’elle soit comprise, et c’en est une autre de maintenir d’une manière ou d’une autre une vision erronée précédemment acceptée. Je pense que nous mettons le mal pour le bien et nous sommes très prudents quant à la poursuite de ces torts. Que se passe-t-il alors ? Nous vivons des compréhensions très différentes, une anarchie intellectuelle au sein de la masse musulmane, et le trouble de ne jamais pouvoir se rassembler autour de la vérité du Credo !
Altınoluk : Hodja, dans la communauté actuelle, à quels problèmes faites-vous face dans l’enseignement et l’apprentissage de la mémorisation du Credo, et à la transmission et le transfert de génération en génération de la sensibilité de la Profession de foi ?
Emrullah Hatipoğlu : Avant de répondre à cette question, il est nécessaire de répondre à la question « Comment appréhender la méticulosité de la Profession de foi ». C’est tout une éducation que, je crois, nous avons eu dans une certaine mesure dans nos villages, à la maison et à l’école primaire. Nous avons grandi avec la Profession de foi. Notre mère, notre père, notre enseignant à l’école primaire, tous nous ont informés théoriquement sur ce contexte, et ils ont essayé de le faire d’une façon qui se répercutera sur nos actions et dans notre vie pratique. Prenons, par exemple, la croyance aux anges. Ils nous ont dit : « Regarde, il y a des anges appelés Qiraman katibin (gardiens enregistreurs) à côté de toi, à ta droite et à ta gauche. » « Que font-ils ? Ils enregistrent les bonnes actions, et aussi les mauvaises. Mais la miséricorde de notre Seigneur se manifeste alors et une opportunité est donnée pour les mauvaises actions qui ne sont pas enregistrées immédiatement, les anges attendent un moment pour que le serviteur aie le temps de comprendre et regretter le problème. S’il le regrette, ils ne l’écrivent pas. C’est ainsi que les anges nous l’ont expliqué. Par exemple, quand nous marchons dans la rue, ils disent : « InnAllah kan aleykum rakîbâ ». C’est-à-dire « Certes Allah veille parfaitement sur vous », n’est-ce pas qu’ils le disent ? C’est ce qui nous a été transmis pendant notre enfance. C’est ainsi qu’ils nous ont donné la première foi en « Dieu nous voit ». Ils ne se sont pas contentés de terminer en disant : « Écris-le, mon enfant, il y a Dieu, Il est Un, Ses attributs sont les suivants ». Ils l’ont rappelé avec des exemples tirés de la vie. “Si vous avez des vues sur le fruit d’un autre et qu’en passant vous le prenez à l’insu de son propriétaire, c’est haram, et même s’il ne l’a pas vu, Allah vous voit et vous en demandera compte”.
Ils dirent : « Voilà le Paradis et voilà l’Enfer et voilà comment les mériter. »
Tout cela nos mères et nos pères nous l’ont enseigné. Les principes contenus dans la Profession de foi sont ainsi ancrés dans la vie. Alors, maintenant comment le réaliser ? Et bien la base de cela est l’éducation. L’enseignement viendra après le renforcer. L’école, l’environnement proche et lointain vont aussi l’alimenter et la soutenir. En ce sens, de nos jours, tous les moyens de communication, que ce soit la télévision, la presse ou l’internet ont la capacité d’assistance. Il faut voir dans quelle mesure nous maîtrisons tous ces moyens de communication pour faire face aux difficultés rencontrées dans la transmission du Credo aux nouvelles générations. Il en va de même en ce qui concerne l’éducation… Lorsque les points de vue sont différents, la compréhension de l’éducation est aussi différente. Notre appréhension de l’éducation doit se faire dans la compréhension du Tawhid. C’est le sens qu’il y a au fait de réciter l’adhan à l’oreille et d’enseigner le nom Allah comme le premier mot enseigné. C’est aussi le sens d’enseigner suffisamment de Coran pour prier avant l’âge de sept ans, et de commencer la prière à l’âge de sept ans. Combien y a-t-il de ceux-là dans des établissements d’enseignement ? C’est là que la difficulté commence.
Altınoluk : Hodja, je suppose que vous voulez dire ceci : Enseigner la méticulosité du Credo semble être un effort total qui concerne toutes les branches de la vie active.
Emrullah Hatipoğlu : Tout à fait. Si vous me dites : « Hodja, lis un sermon sur les inconvénients de la corruption », je prépare un « sermon sur la corruption » pour le lire dans la mosquée. Est-ce que la congrégation vient à la mosquée pour traficoter des pots-de-vin ? Il y a peut-être des gens impliqués dans la corruption ou des gens qui doivent recourir à la corruption pour répondre à une demande justifiée. Mais qui en est le principal organisateur ?
Maintenant, si parmi ceux qui sont assis, il y en a dont la vie est basée sur la corruption, et qu’ils en sont coupables, mes paroles ne seront rien d’autre que ridicules.
Cet homme englué dans la corruption dira aux gens : « Hé ! Mais jusqu’où va le Hodja dans son prêche ? Vit-il dans une vie de chimère ? Qu’il fasse une pause et revienne dans la vie telle qu’elle est ! » C’est ce qui se produit quand les rouages sont inversés.
Une autre difficulté rencontrée dans l’assimilation du Credo dans la pratique est la suivante : Allah veut de nous qu’on intègre la totalité de sa Profession de foi. Cependant, aujourd’hui, selon certains qui ont perdu la sensibilité du Credo, la religion est une question de conscience. Imaginez qu‘un chapelet de l’imam se brise. Chaque grain se dispersera. C’est pareil en ce qui concerne les zarûrat-i diniyya de la Profession de foi.
Lorsque l’embout du chapelet se brise les grains commencent à tomber un à un et quelqu’un dit : « La religion, c’est une affaire entre Allah et le serviteur. »
Un autre en rajoute légèrement en disant : « Il en va de même en ce qui concerne la foi et l’adoration. »
Il existe une compréhension individuelle, limitée, religieuse qui n’existait pas lorsque vous étiez dans une telle institution ou dans une telle autre… Allez-vous prier ? Allez-y du vendredi au vendredi ou d’un Aïd en Aïd, cela suffit.
La Fête des mères vient d’être célébrée récemment. Allons-nous nous souvenir de nos mères, dont nous devrions nous souvenir chaque jour qui passe, en une seule journée ? Et bien, ils disent : « Eh mon cher ! Ne devrait-il pas en être ainsi ? Eh bien, il vaut mieux un jour plutôt que rien. De la même façon, puisqu’Allah nous a ordonné de prier cinq fois par jour et deux prières de l’Aïd par an… Si nous ne faisons que deux prières de l’Aïd par an, aurons-nous rempli notre devoir ? Pas du tout. Mais si on y va, est-ce que ce ne serait pas mieux que de ne pas y aller ? C’est quand même mieux. Mais c’est comme si l’amour n’était montré aux mères que le jour de la Fête des mères, et quand ensuite on complète la célébration par les deux prières de l’Aïd. C’est ainsi que le point de rupture de la religion est atteint quand l’intégrité est brisée.
Une autre opinion agrandit encore un peu plus l’affaire. Ils disent : « Si vous croyez, accomplissez vos actes d’adoration, que vous ne voliez pas et ne faites pas de mauvaises plaisanteries, cela suffit. »
Mais en fait est-ce que c’est ça la religion ? La religion, c’est la croyance, le culte, la moralité et les activités. C’est-à-dire la vie… Autrement dit, c’est toutes les règles qu’il nous faut appliquer lorsque nous sommes en vie. C’est l’ensemble des principes et dispositions qu’il faut suivre dans les relations individuelles, les relations sociales, les relations interétatiques, les relations commerciales, les relations inter-institutionnelles, les mécanismes administratifs. Ah ! L’énumération de la liste en est venue à ce point-là ? C’est impossible ! Lorsque vous dites que c’est impossible, c’est à ce moment que la Profession de foi se parcelle. Mais vous n’êtes pas sans savoir que c’est le côté de la foi. Mais aujourd’hui personne ne veut le voir de cette façon. Certains milieux rejettent l’intégrité de la religion. Lorsqu’ils disent : « Une partie est suffisante », l’œuvre de la Profession de foi ne subsiste pas et quand les fondements ont brisé l’œuvre, en conséquence la religion elle-même disparaît.
Si nous voulons rester croyants et saisir cette opportunité matérielle en tant que musulmans, nous devons d’abord réaliser les conditions dans lesquelles Allah (Y) nous acceptera en tant que croyants.
Cela relève de la sensibilité du Credo et il ne dépend que de nous de préserver l’intégralité de la Profession de foi.
Altınoluk : Hodja cette intégrité n’apparaît-elle pas même sur la base du premier Credo ? Par exemple, croire en un Dieu (U) dans le cadre de la croyance signifie qu’Il enverra des livres, enverra des prophètes, etc. Cela n’exige-t-il pas aussi la croyance en des choses ? Donc, les principes du Credo présentent aussi une intégrité en soi, n’est-ce pas ?
Emrullah Hatipoğlu : S’il en va ainsi, dans mes mouvements, mon comportement, mes agissements, mes pas, quand j’ouvre ma bouche, je ne dis pas un mot, quand j’ouvre mes yeux, quand mes oreilles écoutent, tous ces actes devront être conformes aux normes établies par Allah le Plus Grand, et ainsi nous continueront ainsi. Mais, d’une part, si nous disons Allah est le Plus Grand (Allahu Akbar) et que, d’une autre part, nous nions Allah face aux évènements auxquels nous sommes confrontés, nous nous appuierons sur des considérations fondées sur la satisfaction de l’intérêt personnel. Cela ne signifie rien d’autre que de rejeter et nier la vérité d’Allahu Akbar. Alors comment la croyance en Allah restera-t-elle si la vérité d’Allahu Akbar n’y est pas ?
C’est pareil en ce qui concerne les récits prophétiques : “Nous croyons au Prophète, mais il n’y a pas de place pour le Prophète dans nos vies. Il ne sera pas notre guide, il y aura d’autres guides, pionniers et leaders” alors que je ne dois jamais renoncer à faire en sorte que le Prophète soit le guide que je suivrai dans ma vie. Alors après avoir dit « Je peux le remplacer par un être humain », quel sens a le fait de dire « Nous croyons au Prophète » ? Il n’y a pas de foi dans ce cas !
Le Livre… Qu’attend de nous le Livre… Le Livre est une loi. C’est la loi qu’Allah veut voir appliquer par Ses serviteurs et mettre en vigueur telle quelle… Comment peut-on prétendre croire en Allah avec une compréhension telle qu’on dise : « Je crois au Livre, mais je ne fais jamais ce qu’il dit, que Dieu me préserve, de suivre les ordres du Coran… » Comment ? Ou bien encore : » Je crois en Allah, au Prophète et au Coran, mais quand il s’agit du hijab, je ne pourrai jamais le faire. Qu’Allah me protège du port du hijab. » Oui, nous entendons des gens prier comme ça. Soi-disant, ils ont foi dans le Livre ici. Mais en pratique, ils le nient. Les intérêts, les désirs et les nafs entrent en jeu. Il dit avec sa langue « Je crois aux livres », mais ses actes et ses préférences le font mentir.
Altınoluk : Hodja, pourquoi les humains ont-ils une compréhension différente alors qu’ils disent : “Nous croyons et avons la foi ?”
Emrullah Hatipoğlu : La raison pour laquelle les gens le comprennent de cette façon est très importante. En observant les croyances des polythéistes durant l’ère de l’ignorance, nous pouvons le comprendre. Le Coran nous prévient en révélant ce verset : « Et si vous leur demandez… » (Wa idha saltahum). Ils croient en Dieu, du moins, ils le disent. Mais Ils disent que c’est Allah qui fait pleuvoir… Mais en fait, c’est Allah qui crée et sustente les gens… Allah, qui est le Souverain des cieux et de la terre. Si on leur demande : “Eh bien, selon ce que tu dis, Allah a fait descendre un livre. Viens et suis-le !”, ils refusent et disent : « Au contraire, nous sommes soumis à la compréhension, à la croyance, à la vision du monde sur lesquelles nos ancêtres l’ont fondé. »
Pourquoi ? Parce que c’est une structure qui présente pour eux bon nombre de centres d’intérêt. La compréhension païenne a apporté un unique ordre économique. Elle leur procure des avantages depuis différents canaux. L’entreprise se déplace là où elle a à faire. Peut-être qu’aujourd’hui, les luttes de la vie sont en fait des conflits causés par une sorte d’intérêt et de profit personnel camouflés derrière des images idéologiques et philosophiques. Ils ne peuvent pas le dire, mais c’est le cas. Car le fait de le reconnaître les culpabilise. C’est pour cela qu’ils revêtent certains masques idéologiques. Ce qui s’est passé à cette époque se produit de la même façon aujourd’hui. Quand vient le temps des paroles, la Profession de foi est correcte : « Je suis juste comme toi. » Mais c’est différent quand il s’agit de s’y conformer en pratique et de la vivre. C’est pour cela qu’un des plus gros défis à relever est celui de l’intérêt. C’est une question d’intérêt… Alors les divinités ont changé.
Vous connaissez le dicton « Dînuhum, dînâruhum- Leur argent est leur religion »…
Un verset commande : « Ne vois-tu pas celui qui a fait de sa passion sa divinité ? »
Ils sortent… Alors ils changent de divinité… Ce qui alimente leur affection est différent. De ce fait, ce qu’ils ont dans le cœur est différent de ce qu’ils ont dans la bouche. La parole « Lâ Ilâha ill Allah » sort de leur bouche, mais elle est sans effet dans leur vie, car les gens ont adopté d’autres divinités.
Altınoluk : Nous vous remercions beaucoup Hodja pour les informations que vous nous avez transmises.
[1] La formulation “Amana” (Amantu en turc) est partiellement issue du verset qui enseigne : « …Tous ont cru en Allah, en Ses anges, à Ses livres et en Ses messagers » qui est prononcé en phonétique : “ kullun amana billâhi wal malaikatihi wa kutubihi wa rousoulihi” formulation complétée par l’exclamation extraite du Coran : « … et au Jour Dernier ! … qui se prononce en phonétique : “ wa bil yawm al akhir”. (N.d.T).
[2] La Talbiya : “Labbayk Allahumma labbayk, labbayk la sharika Laka labbayk, innal hamda wa-niʿmata laka wal mulk la sharika lak.” signifie : « Je réponds à Ton appel ō Allah je réponds a Ton appel ! Les louanges te reviennent de droit, les bienfaits, ainsi que la royauté. Tu n’as pas d’associé. » est dite lors du Hajj ou de la ‘Omra (N.d.T).