N’attends de personne ta subsistance de nul autre qu’Allah

Nov 26, 2023 par

Süleyman Derin

Cherche ta subsistance auprès du Créateur et non des créatures ! Espère la richesse d’Allah Seul et non du trésor ou d’une quelconque source ! Demande de l’aide au Seigneur, pas à tes proches ! Alors ressaisis-toi et réfléchis pour voir jusque-là qui implorais-tu, de qui demandais-tu de l’assistance ! Maintenant, détourne-toi des mortels et prie le Digne d’être adoré, afin qu’Il te comble de Ses largesses…

Le Sublime Coran et la Sunna, qui constitue sa version pratique, contiennent les solutions à toutes sortes de problèmes et de troubles auxquels l’humanité sera confrontée jusqu’à la fin des temps. Lorsque les enseignements du Coran et de la Sunna sont dûment mis en application, ceux-ci dissipent toutes sortes de problèmes matériels, moraux, familiaux et sociaux ; dans le cas contraire, c’est la porte ouverte aux difficultés et aux soucis illimités.

Tout d’abord, le Coran nous rappelle sans cesse que nous sommes venus dans ce monde pour subir l’épreuve de la vie, et que la véritable aisance est certes dans la vie future et non ici-bas. En effet, il nous cite :

وَلَنَبْلُوَنَّكُمْ بِشَيْءٍ مِّنَ الْخَوفْ وَالْجُوعِ وَنَقْصٍ مِّنَ الأَمَوَالِ وَالأنفُسِ وَالثَّمَرَاتِ وَبَشِّرِ الصَّابِرِينَ

« Très certainement, Nous vous éprouverons par un peu de peur, de faim et de diminution de biens, de personnes et de fruits. Et fais la bonne annonce aux endurants. »[1] 

Ce verset nous avertit qu’une vie sans épreuve ne sera jamais possible et que la patience dans l’adversité nous conduira inéluctablement au Très-Haut. En fait, l’abondance et l’adversité sont toutes deux pour le croyant une source de miséricorde car, en période d’abondance, il rend grâce et dépense dans le sentier divin, tout comme dans l’adversité il ne se plaint pas et se résigne à la volonté divine.

Notre Prophète , à travers le hadith suivant, nous enseigne le bienfait enfouit dans cette posture adoptée par le croyant :

« ‏ عَجَبًا لأَمْرِ الْمُؤْمِنِ إِنَّ أَمْرَهُ كُلَّهُ خَيْرٌ وَلَيْسَ ذَاكَ لأَحَدٍ إِلاَّ لِلْمُؤْمِنِ إِنْ أَصَابَتْهُ سَرَّاءُ شَكَرَ فَكَانَ خَيْرًا لَهُ وَإِنْ أَصَابَتْهُ ضَرَّاءُ صَبَرَ فَكَانَ خَيْرًا لَهُ ‏ »

 « Que le cas du croyant est étonnant ! Son cas est toujours bon et cela n’appartient qu’au croyant. Si une joie le touche, il se montre reconnaissant, ce qui est bon pour lui ; et si un malheur le touche, il patiente, ce qui est bien pour lui. »[2]

Bien sûr, les administrateurs, les municipalités, les fondations, les personnes aisées doivent faire de leur mieux pour aider les croyants à dissiper leurs soucis et ennuis ; ils ne doivent pas se dérober à leurs responsabilités en disant : « Ils subissent en fait l’épreuve d’Allah, on ne peut donc rien faire pour eux ». Dans cet article, nous n’allons pas aborder les devoirs de ces autorités, mais allons plutôt parler des devoirs des croyants en temps d’épreuve.

Puisque le croyant est pleinement conscient que cette vie mondaine n’est pas la finalité de l’existence humaine, même en période d’aisance et d’abondance, il s’attèle à mener une vie sobre. Il demeure toujours dans la voie du juste milieu, s’éloigne autant que possible d’une vie de luxe et de gaspillage ; et peu importe son degré d’opulence, il n’oublie jamais le hadith suivant de notre bien-aimé Prophète r :   

« L’adversité n’est pas une souffrance pour le sobre. « [3]

Les croyants vertueux savent comment transformer n’importe quelle situation dans laquelle ils se trouvent à leur avantage ; en temps de maladie, de pauvreté et d’ennuis, ils se battent pour trouver une issue favorable à leur situation, mais ne se plaignent jamais.

Comme cette parabole exprime bien leur état :

Un des amis d’Allah fut victime de la colère du sultan de son époque qui ordonna ceci à ses soldats :

« Mettez la main sur un tel cheikh et jetez-le en prison ! ».

Les soldats, tous embarrassés, se rendirent auprès du cheikh et dirent :

« Nous sommes désolés, maître, mais le sultan nous a ordonné de vous mettre en prison « .

Le cheikh réagit ainsi en toute confiance et résignation :

« Qu’Allah soit satisfait de mon sultan, pendant longtemps j’ai voulu me retirer pour être seul avec mon Seigneur, mais vu les visites incessantes de mes disciples et invités, je n’ai pu trouver l’occasion. Le sultan m’a offert cette occasion que j’attendais depuis. » Il se réjouit donc face à cette situation et rassembla ses effets pour suivre les soldats.

Après avoir été informé de cette étonnante attitude du cheikh, le sultan, tout abattu, proféra ces mots :

« Nous pensions punir ce cheikh en l’enfermant mais, apparemment, il s’est soumis volontiers à cette peine au point de s’en réjouir ; ça ne vaut vraiment pas la peine de s’intéresser à ce cheikh, laissez-le partir. »

Le serviteur pieux sait transformer chaque mauvaise situation en sa faveur ; s’il est emprisonné, il fait de la prison un lieu d’enseignement à l’instar du tendre prophète Yûsuf, et s’il est en difficulté, il se tourne vers le Très-Haut avec un cœur apaisé.

En effet, Ibn Ajiba, l’un des amis d’Allah, avait été emprisonné après avoir été victime d’une calomnie. Il décrit sa situation en prison comme suit :

« J’ai été en prison pendant trois jours. Je jure devant Allah, je ne me souviens pas d’un meilleur moment de ma vie que ces trois jours, car on a transformé la prison en couvent. Avec les prisonniers, nous invoquions Allah tous ensemble. Ces derniers étaient dans un état de grande joie et de tranquillité au point d’oublier tous leurs soucis quand ils étaient en notre compagnie. J’ai même donné des cours de tarîqat (soufisme) à quatre ou cinq personnes. »[4]

Ces dernières périodes, avec la confiance en soi fournie par l’abondance, nous n’avons pas manqué d’élargir les limites du mubah[5] au point même de nous adonner à des dépenses proches du gaspillage. Cependant, toutes les voies soufies (tarîqat) conseillent à leurs fidèles de mener une vie simple et modérée, et de limiter même le mubah (permis).

L’Imam Rabbani, figure centrale de notre chemin spirituel, exprime ainsi cette attitude dans la Naqshbandiyya :

« Ô fils ! La question principale consiste à éviter l’excès dans les choses permises en se contentant toujours du nécessaire. Cela doit être fait avec l’intention de gagner en force pour remplir ses devoirs de servitude et d’exhorter le plus grand nombre de personnes dans la voie du bien. Par exemple, le but de l’alimentation, c’est d’avoir la force et l’énergie pour adorer dûment Allah. Le but de l’habillement, c’est de couvrir les parties intimes et de se protéger du froid et de la chaleur. Les autres actes permis et impératifs doivent également être évalués de cette manière. Les éminents maîtres de la Naqshbandiyya veillaient toujours à accomplir les actes d’adoration avec énergie et détermination ; aussi, évitaient-ils autant que possible les actes licencieux. Se contenter du nécessaire apporte de la détermination. S’il nous est impossible d’atteindre ce degré, nous devons au moins éviter d’outrepasser les limites du permis pour ne pas finalement franchir la zone du douteux et de l’illicite. »[6]

 Mawlânâ (Rûmî) pense également que l’abondance des moyens matériels n’apporte pas toujours du bien aux gens. En période d’abondance, les insouciants mangent beaucoup et ne manquent pas de souffrir de diverses maladies :

« Si la faim n’existait pas, ton estomac serait plein en permanence, et cela ouvrirait la porte à toutes sortes de maladies. Comparée aux autres maladies, la faim est certainement la meilleure en ce sens qu’en état de faim, on devient doux, léger, et on éprouve le besoin d’implorer Allah. »[7]

La relation des pieux avec le bas-monde est vraiment étonnante ; même en temps d’abondance et d’aisance, ils ne s’adonnent pas au gaspillage. En effet, ils se considèrent comme un dépositaire des bienfaits qu’Allah leur a accordés et n’en jouissent pas de façon incontrôlée. Ils ne courent pas sans cesse après les jouissances mondaines et disent :

« Une bouchée et un cardigan nous suffisent (pour bien vivre). Ce qui importe pour nous, c’est la vie future. »

En fait, Ibrahim b. Adham est le meilleur exemple au nombre de ceux qui ne s’intéressent pas à ce bas-monde. Allah préserve toujours l’héritage spirituel de ces bienheureux serviteurs. En effet, Mahmud Sami Ramazanoğlu, l’un de nos prédécesseurs dans la Chaîne d’or (Silsila), n’accepta pas son héritage, bien qu’il fût l’héritier d’un père riche, et mena toute son existence en optant pour un style de vie sobre et très ascétique.

De même, notre pieux défunt Hâce Musa Topbaş nous a également donné le meilleur exemple au sujet de la façon de vivre économiquement et modérément dans l’abondance. Musa Efendi, qui était si généreux comme la pluie dans ses œuvres caritatives, avait lui aussi observé une ligne modérée dans sa vie personnelle et familiale. Même lorsqu’il devait utiliser une serviette de table, il la divisait en deux et la partageait avec ses frères, rien que pour éviter le gaspillage.

Que Le Seigneur ouvre nos cœurs et nous fasse prendre conscience que la vraie pauvreté n’est pas matérielle mais spirituelle. Durant ces périodes critiques, qu’Il nous accorde ce qu’il y a de meilleur, tant matériellement que spirituellement !

Bouclons notre article par les conseils suivants de Mawlânâ :

« Cherche ta subsistance auprès du Créateur et non des créatures ! Espère la richesse d’Allah Seul et non du trésor ou d’une quelconque source ! Demande de l’aide au Seigneur, pas à tes proches ! Alors ressaisis-toi et réfléchis pour voir jusque-là qui implorais-tu, de qui demandais-tu de l’assistance ! Maintenant, détourne-toi des mortels et prie le Digne d’être adoré, afin qu’Il te comble de Ses largesses… »[8]


[1] Sourate Al-Baqara, verset 155.

[2] Muslim, Zuhd, 13,2999.

[3] Ramuz El Ehadis Hadis 8.

[4] Fahrasa, p. 57.  

[5] Mubah est quelque chose qui ne présente aucune objection à faire en termes de religion ; c’est-à-dire qu’une personne est libre de le faire ou de ne pas le faire ; par exemple, s’asseoir, manger, boire, dormir, etc. (Note de la Rédaction).

[6] Maktubat, 73. Mektup.

[7] Mathnawî, vol.5 : 2827-2830.

[8]Mathnawî, vol.5: 1495-99.

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