L’excitation du don doit l’emporter sur la joie de la réception

Nov 26, 2023 par

Ali Rıza Temel

Dans le monde d’aujourd’hui où la cupidité a pris le dessus, il ne suffit pas d’appliquer le principe du « Le mien est à moi, le tien est à toi » ; il faut nécessairement cultiver la compréhension du « Le tien comme le mien est à toi ».

La racine du problème est que la cruelle logique capitaliste stipule “Le mien est à moi et le tien aussi est à moi. La vérité sur le sujet est que  » Ni le mien n’est à moi ni le tien est à toi, tout est à Dieu « . Telle est la vérité la plus simple et la plus fondamentale. Si nous agissons selon cette vérité, le contentement l’emportera sur la cupidité, la paix sur l’hostilité, et l’excitation du don sur la joie de la réception.

Parmi les noms et attributs sublimes du Créateur, ceux liés à la générosité sont les plus cités : Ar-Rahmân, Ar-Rahîm, Al-Latîf, Al-Wahhâb, Al-Karîm, Ar-Ra’ûf, Al-Bâsit, Ar-Razzâq, Al-Mu‘tîyy, As-Samad, An-Nâfi, etc.

Allah Tout-Puissant n’a pas besoin de recevoir, car tout le monde a besoin de Lui, et Lui se passe de tout. L’attribut Samad exprime cette réalité. Il nous cite :

« Ô hommes, vous êtes les indigents ayant besoin d’Allah, et c’est Allah, Lui qui se dispense de tout et Il est Le Digne de louange. »[1]

« Ne voyez-vous pas qu’Allah vous a assujetti ce qui est dans les cieux et sur la terre ? Et Il vous a comblés de Ses bienfaits apparents et cachés… »[2]

« Il vous a accordé de tout ce que vous Lui avez demandé. Et si vous comptiez les bienfaits d’Allah, vous ne sauriez les dénombrer. L’homme est vraiment très injuste, très ingrat. »[3]

Le fait qu’Allah Tout-Puissant exige de nous adoration et gratitude ne signifie pas qu’Il a besoin de nous, Il veut simplement nous éprouver. C’est nous-mêmes qui seront bénéficiaires de la récompense des bienfaits matériels et spirituels que nous accomplissons. C’est aux nécessiteux que nous donnons la zakat ; c’est nous-mêmes qui mangeons la viande des sacrifices que nous immolons. Allah se passe de tout ça. Si tout le monde sur terre croyait en Lui, cela ne Lui profiterait pas ; et si tout le monde Le reniait et se rebellait contre Lui, cela ne Lui causerait aucun tort. En tant que manifestation de Son nom béni Ar-Razzâq[4], Il comble d’abondantes bénédictions toutes Ses créatures, croyants et incroyants, juste par miséricorde et compassion. C’est ce que nous dit ce verset coranique :

« Il n’y a point de bête sur terre dont la subsistance n’incombe à Allah qui connaît son gîte et son dépôt. »[5]

Les serviteurs, eux aussi, sont appelés à être généreux à l’image de leur Créateur qui est infiniment Généreux et Miséricordieux. Le devoir du serviteur consiste à fournir sans cesse des efforts à la hauteur de son possible pour être une manifestation des noms et attributs divins.

Allah le Très-Haut donne sans contrepartie, mais lorsque nous donnons pour Sa cause, Il nous donne des récompenses énormes et même davantage ; et même quand sans rien attendre en retour, Il ne nous laisse jamais bredouilles.  

En effet, le plaisir de donner est bien plus grand que le plaisir de recevoir. Lorsque nous donnons, un plaisir profond se produit en nous, et la joie de celui à qui on donne augmente également notre joie. Nous gagnons son amour et bénéficions de ses prières. Malgré leurs défauts, les gens généreux sont aimés à la fois par Allah et par Ses serviteurs.

Il existe de nombreux exemples de serviteurs célèbres pour leur générosité. Le loyal prophète Ibrâhîm u, le sublime Prophète Muhammad r, les nobles compagnons Abû Bakr et Othmân y, le vertueux Hatim al-Taî …

Le Noble Prophète r ne renvoyait personne les mains vides ; il donnait toujours quand il avait, ou soit, il cherchait et donnait ce qu’il trouvait.

La générosité et l’encouragement au bien sont les attributs des croyants, tandis que l’avarice est la caractéristique des négateurs. Il est mentionné dans un hadith :

« Il y a deux caractéristiques qu’on ne trouve jamais chez un croyant. Ce sont en effet l’avarice et la mauvaise moralité. »[6]

Allah le Sublime définit ainsi l’impie :

« Vois-tu celui qui traite de mensonge la Rétribution ? C’est bien lui qui repousse l’orphelin, et qui n’encourage point à nourrir le pauvre. »[7]

Ceux qui ont été formés à l’école du Prophète r sont ceux qui aiment donner plus que recevoir. Le meilleur exemple de cette vérité est la confrérie, la fraternité religieuse établie entre les Ansars et les Muhadjirines. Les Muhadjirines, au nom de la préservation de leur foi, avaient tout abandonné à La Mecque pour émigrer à Médine. Ils furent fraternellement accueillis par leurs frères croyants Ansars de Médine, et personne ne resta dans la faim ni dans le besoin. Ceci est l’un des meilleurs exemples de fraternité religieuse dans l’histoire de l’humanité tel que le relate le Saint Coran :

« Il [appartient également] à ceux qui, avant eux, se sont installés dans le pays et dans la foi, qui aiment ceux qui émigrent vers eux, et ne ressentent dans leurs cœurs aucune envie pour ce que [ces immigrés] ont reçu, et qui [les] préfèrent à eux-mêmes, même s’il y a pénurie chez eux. Quiconque se prémunit contre sa propre avarice, ceux-là sont ceux qui réussissent. »[8]

La charité consiste à donner sans rien attendre, alors que le prêt à intérêt consiste à prendre sans compenser. La charité apporte la bénédiction, tandis que les actes illicites tels que les intérêts, les jeux de hasard et les pots-de-vin corrompent à la fois l’individu et la société. Parmi les signes d’une bonne personne et d’un bon musulman, il y a le fait de soulager les peines d’autrui, d’épauler les faibles, de nourrir les affamés, d’abriter les sans-abris, de réjouir les déprimés…

Allah Seul est le Vrai Propriétaire de ce que nous avons. À Lui appartient tout ce qui est sur la terre et dans les cieux. Nous ne sommes pas propriétaires de ce que nous possédons, nous sommes juste des témoins et des dépositaires. Nous sommes censés gérer méticuleusement tout ce dont Allah nous a fait largesse, tout comme nous veillons méticuleusement sur un bien qui nous a été confié par autrui.

Il est contraire à l’esprit de charité d’offenser ceux à qui nous faisons don ou de les obliger à nous remercier. Le donateur devrait en fait remercier le récepteur. N’eût été ceux qui reçoivent nos dons, comment allions-nous vivifier nos sentiments de générosité, comment aurions-nous les mérites qui sont pour nous un capital pour l’au-delà ? Nous devons donc considérer les mains auxquelles on donne comme nos destinataires de la vie future. Le Coran nous annonce cette bonne nouvelle :

           « Tout bien que vous vous préparez, vous le retrouverez auprès d’Allah, meilleur et plus grand en fait de récompense. »[9]

Après tout, ce n’est qu’une petite part de ce qu’Allah nous a donné gratuitement que nous donnons à Ses serviteurs, à Ses créatures. D’ailleurs, qui les avares privent-ils des biens de qui ?

Quelle que soit la quantité énorme de biens que nous possédons, c’est Allah qui nous donne les moyens, la capacité de les gagner. Nous sommes venus au monde démunis et, pourtant, tout avait été préparé à notre intention, y compris le lait maternel. Nous devons nous considérer comme des intendants et des ouvriers dans la propriété d’Allah. Le monde est une propriété de cession en quelque sorte. Nous transmettons les biens mondains l’un à l’autre et retournons ensuite à Dieu pour rendre compte de nos faits. Si nous ne nous considérons pas comme un dépositaire, un étranger, un voyageur dans ce bas-monde, nous aurons du mal à partir. Si un étranger oublie qu’il est étranger dans un lieu, il sera difficile pour lui de quitter ce lieu. Rien n’est éternel dans cet univers. Comme l’a dit Al-Ma’arrî :

 « Dans ce monde, le nid de la colombe et le palais du roi sont tous deux voués à la disparition. »

« La richesse et les enfants sont l’ornement de la vie mondaine. Quant aux bonnes actions, elles sont meilleures aux yeux de ton Seigneur et plus dignes d’espérance. »

En donnant pour Allah ce qui est éphémère, nous le transformons en récompense éternelle. Ce que nous donnons à autrui, c’est comme si nous l’avons investi d’une certaine manière pour nous-mêmes pour obtenir plus à l’avenir. Nous investissons pour le monde futur en étant dans le monde présent. Mais nous sommes hésitants au sujet de l’investissement pour la vie future. Et pourtant, ne pas investir pour la vie éternelle est synonyme d’énorme stupidité.  

L’humain est avare par nature. Il est enclin à amasser les biens. Aimer les biens est un fait normal, mais l’avarice est anormale. Sans l’amour des biens et le désir de ramasser, il n’y aura pas de progrès. Le désir de ramasser et de vivre plus confortablement est le moteur du développement de la terre, sinon on assisterait à aucun progrès.

Cependant, ce désir inné de posséder les biens ne doit pas nous pousser à l’égoïsme, mais plutôt au partage et à l’établissement d’un climat de paix et de cohésion sociale. Car l’égoïsme est un obstacle à la convivialité et au bien-être communautaire. La solidarité, la coopération et l’action commune renforcent la fraternité et allègent le fardeau de la vie.

Qu’est-ce que la cupidité, les ambitions démesurées, la course effrénée aux richesses ont apporté à notre monde sinon l’inimitié et la dislocation des liens sociaux ?

Ceux qui ont été délesté de leurs biens sont restés, tout comme ceux qui les ont dépossédés n’ont pas connu la satiété. Plutôt que de s’accaparer injustement les biens d’autrui, ne serait-il pas préférable de se contenter de ce qu’on a et d’assister les autres comme on le peut ?

Est-il plus raisonnable que les deux parties (les coupables et leurs victimes) aient faim, ou est-il plus raisonnable qu’on crée un environnement de gain basé sur la miséricorde, la compassion, le respect des droits d’autrui, et dans lequel tout le monde mangerait à satiété ?

Dans le monde d’aujourd’hui où la cupidité a pris le dessus, il ne suffit pas d’appliquer le principe du « Le mien est à moi, le tien est à toi » ; il faut nécessairement cultiver la compréhension du « Le tien est à toi et le mien aussi est à toi ».

La racine du problème est la logique capitaliste cruelle qui stipule “Le mien est à moi et le tien aussi est à moi ”. La vérité sur le sujet est que “Ni le mien n’est à moi ni le tien est à toi, tout est à Dieu”. Telle est la vérité la plus simple et la plus fondamentale. Si nous agissons selon cette vérité, le contentement l’emportera sur la cupidité, la paix sur l’hostilité, et l’excitation du don sur la joie de la réception. Venez pour que nous appliquions cette méthode ! Faisons en sorte que l’excitation de donner prenne le dessus sur la joie de recevoir !


[1] Sourate Fâṭir, verset 15.

[2] Sourate Luqmân, verset 20.

[3] Sourate Ibrâhîm, verset 34.

[4] Celui qui pourvoit Ses créatures intensément. Celui qui pourvoit les hommes, croyants et incroyants, bons et mauvais.

[5] Sourate Hûd, verset 6.

[6] At-Tirmidhî, Birr, 41.

[7] Sourate Al-Mâ’ûn, versets 1-3.

[8] Sourate Al-Ḥashr, verset 9.

[9] Sourate Al-Muzzammil, verset 20.

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