La question du temps, du cadre de vie et des moyens dans l’éducation de l’âme

Nov 26, 2023 par

Adem Ergül

L’âme représente l’essence de l’être humain. C’est notre personnalité. Et quand on parle d’éducation de l’âme, il est question d’épurer notre personnalité de tout caractère indigne, et de la doter de beautés qui lui feront mériter l’honneur et la noblesse. En d’autres termes, c’est de métamorphoser spirituellement l’humain brut en humain parfait. Ce processus de métamorphose a été à l’ordre du jour de tous les croyants depuis l’époque de notre père Adam jusqu’à nos jours et continuera de l’être jusqu’au Jour du Jugement.

Chaque religion et chaque culture a essayé d’établir à sa façon un système d’éducation dans le but de forger les individus qui la composent. Au cours de l’histoire, la civilisation islamique a également établi de nombreuses institutions à cette fin et a acquis une grande expérience dans ce domaine. La sagesse de l’existence des écoles, des médersas, des loges des derviches (couvents) et des voies spirituelles réside dans le fait que l’Islam aspire toujours et à avant tout à bâtir des serviteurs imprégnés des valeurs qui sont siennes.

En vérité, la personnalité est le fruit de la combinaison de plusieurs facteurs qui sont liés ou non les uns aux autres. L’éducation commence depuis la formation du fœtus dans l’utérus. La structure biologique, l’orientation psychologique, la mentalité, les connaissances scientifiques, la croyance et les valeurs humaines de la mère sont des éléments déterminants dans l’éducation de l’enfant. Le rôle du père, également, ne doit jamais être ignoré. L’environnement familial, le quartier, l’école, l’enseignant et les amis de l’enfant sont extrêmement influents. De même, l’emploi que l’homme exerce, sa femme et son environnement social sont à prendre en compte dans la formation de sa personnalité. Il faut ajouter à cela l’influence du milieu géographique, des moyens matériels et spirituels, des amis fréquentés, de la communauté et de l’État dans lequel l’homme vit. Même si le degré d’influence de tous ces facteurs mentionnés diffère d’un facteur à un autre, une chose est certaine, ils ont tous une part d’influence plus ou moins considérable sur la personnalité de l’individu. C’est pour ce motif qu’il a été dit que « l’homme est l’enfant de son environnement ».

D’autre part, il y a un autre facteur suprême qui transcende tous les facteurs susmentionnés, dont nous ne pouvons entièrement résoudre le secret sur le plan humain, c’est la volonté d’Allah. Nous n’avons pas beaucoup d’informations à donner au sujet de cette question qui dénote de l’ordre d’une réalité « invisible » (incompréhensible) ; nous ne pouvons que croire à cette réalité sans pouvoir la maîtriser. En tenant compte de tout ce qui précède, on ne peut donc confirmer que la personnalité de l’individu résulte exactement de tel ou tel facteur, sinon on aura commis l’erreur de ne pas aborder la question dans une perspective générale.

Notre volonté et nos choix sont extrêmement importants dans la formation de notre personnalité. À tel enseigne que la personnalité a été définie dans ce sens comme « la résultante des choix de l’humain ». Oui, même si tout ne dépend pas de nos choix, les conséquences de nos choix sont si importantes sur notre personnalité qu’on ne pourrait les sous-estimer. Même si nous ne pouvons pas choisir nos parents, nous pouvons, par la permission divine, choisir notre quartier, notre école, notre guide, notre mentor, nos amis, notre conjoint (e), notre travail, notre environnement social, les livres que nous lisons, les programmes que nous suivons, le chemin que nous empruntons, notre croyance, nos actes et autres. Ce qui nous incombe, c’est de faire le bon choix au sujet de ce qui est laissé à notre volonté. Si nous procédons ainsi, nous mériterons l’intimité avec Allah le Très-Haut, et accéderons au salut, au bonheur sans fin.

Face à cette multi-dimensionnalité de la formation de la personnalité, si nous nous abandonnons aux influences extérieures, nous aurons perdu d’avance. Ce que nous sommes censés faire, c’est de courir après la miséricorde divine et d’atteindre le port du salut en faisant montre de perspicacité, de maîtrise de soi et de vigilance face aux conditions de la vie. Ceux qui parviennent à œuvrer dans ce sens connaîtront la facilité et bénéficieront toujours de l’aide divine. Notre Seigneur annonce cette bonne nouvelle comme suit :

وَالَّذِينَ جَاهَدُوا فِينَا لَنَهْدِيَنَّهُمْ سُبُلَنَا وَإِنَّ اللَّهَ لَمَعَ الْمُحْسِنِينَ

 » Et quant à ceux qui luttent pour Notre cause, Nous les guiderons certes sur Nos sentiers. Allah est en vérité avec les bienfaisants.[1]

Chaque personne est appelée à trouver le temps nécessaire, le milieu et les moyens les plus adéquats au nom de la formation de sa personnalité. Jusqu’à l’âge de la puberté (12-17 ans), l’éducation d’un enfant incombe principalement à la famille, à l’environnement et à l’État, mais une fois passée cette période, la personne est elle-même responsable de son éducation. Il est de la responsabilité et de l’intérêt de tous les musulmans, de l’individu lambda à la société tout entière, dans la mesure de leur possible, d’islamiser, d’améliorer et de perfectionner tout groupe de personnes à même d’impacter leur éducation et leur purification.

Aucun effort au nom de l’éducation ne peut être considéré comme insignifiant. Car même le maillon le plus faible a une part de rôle à jouer dans le maintien de la force d’une chaîne. Et puisque l’éducation est un processus, chaque étape de ce processus est vitale. L’histoire a démontré qu’à n’importe quelle étape du processus de l’éducation, il y a toujours la possibilité que l’individu trébuche. La tâche de l’éducation est si précieuse qu’elle ne doit pas être laissée au hasard. Il n’est pas bienséant d’implorer l’assistance divine sans remuer les causes qui sont mises à notre disposition. Dans ce contexte, à cette époque de la globalisation où les gens interagissent les uns avec les autres comme les habitants d’un petit village, quelle est la voie que nous devons suivre pour notre propre salut et celui de notre progéniture ? Bien sûr, chacun doit répondre à cette question selon ses propres termes. Cependant, il existe des principes de base à considérer en tout temps et en tout lieu. Bien entendu, il faudra y ajouter les exigences de notre époque.

À ce stade, nous pouvons énumérer comme suit certains points dont nous pouvons faire de la résolution une activité et un objectif au nom de la construction de notre personnalité :

  • 1) Tout d’abord, nous devons veiller à la licéité de notre subsistance. En effet, tous les enseignants et guides religieux sont convenus à l’unanimité que les aliments que nous consommons, en plus de nourrir physiquement le corps, ont un impact spirituel sur lui. L’énergie spirituelle positive produite par la subsistance dépend de sa licéité et de l’état du cœur éveillé (orienté vers Allah) avec lequel elle est consommée.
  • 2) L’exemple donné par les parents constitue la base de l’éducation d’une personne. L’enfant est un don d’Allah. Et chaque parent est tenu d’élever et d’éduquer son enfant dans les limites des commandements divins. Le foyer familial constitue l’épine dorsale dans l’adhérence à une croyance, l’accomplissement des actes d’adoration, la formation du caractère et de la moralité. À cet égard, le cadre familial doit être établi, non pas sur la base du plaisir et de l’intérêt, mais sur la base des valeurs humaines. Après l’avoir établi, l’on doit pouvoir en faire un centre de formation avec la baraka (bénédiction) de la connaissance, de la sagesse, de la décence et du service dans le sentier divin.
  • 3) Nous devons faire le bon choix du quartier et de notre cadre de vie. L’homme est par nature un être social. Et il n’est pas facile pour lui de demeurer indifférent aux influences de son environnement, de son entourage. Par conséquent, plutôt que d’être dans une posture de confiance en soi, il faut agir intelligemment et prudemment, et choisir le bon endroit pour soi et pour l’éducation de ses enfants.
  • 4) Il faut être prudent quant au choix de l’école et de l’enseignant de son enfant. En effet, l’école/médersa correspond à une période de temps qui couvre presqu’un tiers de la vie humaine selon les conditions d’aujourd’hui. Les écoles représentent les mécanismes d’éducation et de transformation humaine à même de déterminer la personnalité et l’orientation de l’homme. Dans ce contexte, les musulmans doivent sérieusement s’investir dans l’établissement d’un système scolaire et éducatif qui rime avec leurs propres valeurs éducatives. Dans le cas contraire, il sera difficile pour eux de bâtir des générations de croyants à la personnalité digne de la satisfaction divine.
  • 5) Nous devons avoir une base solide au sujet de la culture du Saint Coran, de la vie du Messager d’Allah r et de sa moralité exemplaire, de la réalité de l’histoire et de notre époque. Sans une telle base, il nous sera presqu’impossible de bâtir et de préserver le prototype de la personnalité islamique dans un monde si globalisé en mutation permanente. Car, pour se protéger des attaques hostiles, il faut bâtir une forteresse solide.
  • 6) Nous devons méticuleusement tenir compte des valeurs islamiques dans le choix de notre emploi et de notre conjoint. Car le mauvais choix à propos de ces deux questions est à même d’induire très facilement à la dérive et à l’égarement. Il suffit de prêter attention dans notre environnement et l’on pourra voir de nombreux cas illustratifs de cette réalité.
  • 7) De nos jours, où nous sommes assiégés de partout par les moyens de communication et les médias, il est difficile pour une personne de préserver toute seule sa foi même si elle a tous les moyens à sa disposition. L’homme s’isole de plus en plus. La solitude est pourtant une faiblesse. À cet égard, il est d’une nécessité capitale de vivre au sein d’une communauté saine, et d’être en compagnie des personnes justes et loyales. Allah nous commande ceci : « Coopérez dans la bonté et la piété » ; cela montre que pour demeurer pieux et vertueux, il faut participer à une telle coopération.
  • 8) Par rapport aux époques précédentes, notre époque actuelle est celle où le vice a atteint son apogée. L’égo de l’être humain est mis au premier plan et « l’égocentrisme » et le « nombrilisme » sont de plus en plus encouragés. Dans une telle situation, les valeurs humaines se corrompent davantage sous la direction du « nafs-i ammâra », qui incite au mal de toutes ses forces. Pour freiner cette dégénérescence et faire prévaloir la vertu, il faut miser sur la prolifération des écoles de sagesse à même de promouvoir la civilisation islamique.
  • 9) Les communautés dépourvues de maîtres inspirés, de guides vertueux et d’hommes sages seront progressivement gangrénées par la dépravation des mœurs au point de perdre toutes leurs valeurs nobles et leur sens d’humanité. Car, il n’y aura que le vice et les intérêts mondains qui prendront le dessus au sein de telles communautés. Dans le passé, les gens avaient besoin des érudits et des guides pieux. Aujourd’hui, ce besoin est encore plus impérieux. Car, le bon sens n’est plus. La promotion de la culture mondialiste et du libertinage a fait naître une génération instable et hédoniste. Le nombre de serviteurs pourvus de patience, de résilience spirituelle et de persévérance dans la voie du bien a considérablement diminué. Dans cette époque qui est nôtre, l’éducation soufie (formation spirituelle) est plus que nécessaire. Il faut impérieusement avoir recours aux guides vertueux. Malheureusement, l’on doit admettre aussi que de nos jours, les vrais savants et maîtres sages sont en nombre insuffisant. On assiste plutôt à une prolifération de pseudo-savants loin de refléter les valeurs qu’ils enseignent. Nous sommes dans un monde d’ingurgitation de connaissances sans discernement et sans pratique. Nous rappelons avec regret que les centres et les couvents qui assurent un cheminement spirituel digne de ce nom diminuent également de jour en jour et tendent même à disparaître. Nous faisons face aujourd’hui à un nombre insuffisant de vrais formateurs ; ce qui fait qu’on se trouve dans une situation où les disciples ne peuvent pas recevoir une formation digne et parachevée. La communauté islamique doit donc prendre toutes les précautions nécessaires pour pallier cette situation, car l’éducation n’est pas un processus qui commence et prend fin d’emblée. C’est un processus long qui doit être continu. Les instituts qui assurent le mieux une formation continue et accomplie sont les écoles de sagesse. Ces établissements ont accompli cette mission de la meilleure façon à travers leurs services et leurs assises religieuses. La prolifération et la continuité de ces établissements devraient être l’une des principales priorités d’aujourd’hui au nom de l’éducation et de la purification de l’homme.
  • 10) Il est très difficile de nos jours d’éduquer un individu en l’internant dans un cadre pendant une durée très prolongée. Ceci dit, il est nécessaire de développer de nouvelles méthodes d’éducation adaptées aux réalités de notre époque, c’est-à-dire trouver les moyens d’éduquer l’homme en le maintenant dans la vie active. Il faut donc miser sur un système d’éducation à même d’imprégner l’homme de détermination et d’une volonté ferme. Il faut également rechercher et développer les moyens et les méthodes permettant de profiter sainement des outils de communication. On doit permettre à l’individu de développer ses compétences organisationnelles, tout comme on doit établir des réseaux (de formation) pour chaque personne en fonction de son âge, de son niveau et de ses moyens.
  • 11) L’éducation de la personnalité ne doit pas se réduire à une simple information. Organiser et participer aux programmes de développement des systèmes éducatifs, réaliser des projets sur le plan éducatif avec les personnes adéquates et qualifiées, et encourager des systèmes de formation pragmatiques sont les moyens les plus efficaces. À cet égard, l’augmentation du nombre des organisations bénévoles et la promotion d’un système d’apprentissage commode doivent toujours être à l’ordre du jour.

En résumé, il faut reconnaître que de nos jours la purification de l’âme (formation de la personnalité) s’avère beaucoup plus difficile et complexe. Cependant, notre Seigneur le Très-Haut couvre chaque époque de l’humanité avec une miséricorde particulière et suffisante. La faiblesse et le pessimisme ne conviennent pas à un musulman. Il ne faut jamais oublier qu’il y a un remède à chaque difficulté ; rien ne doit donc nous empêcher d’emprunter le chemin qui mène au remède.


[1]Sourate Al-Ankabût, verset 69.

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