L’Islamisation doit être renouvelée

Mai 17, 2022 par

  Mehmet Sevket EYGI

Altinoluk : La question « Pourquoi le monde islamique a-t-il pris du retard » est-elle significative selon vous ?

Mehmet Sevket EYGİ : La question à savoir pourquoi le monde islamique a pris du retard est une question importante. Les musulmans ont pris du retard au sujet de deux points : premièrement, ils ont pris du retard sur l’islam, et deuxièmement, ils ont pris du retard par rapport au progrès, à l’évolution du monde. Ceci dit, ils ont besoin de rattraper leur retard sur l’islam et l’évolution du monde afin d’être sauvés de l’esclavage, de l’humiliation, et de connaitre le salut.

Altinoluk : Selon vous, quelle est la réponse à la question  » Pourquoi sommes-nous dans cette situation ?  » ?

EYGİ : Nous prétendons être musulmans, mais nous ne pouvons pas comprendre, interpréter et mettre dûment en application l’islam dans notre vie. En avançant de tels propos, je n’insinue pas qu’il faut reformer l’Islam. Je suis un musulman fortement attaché aux traditionalistes (Ahl as-Sunnah) qui sont fidèles à la charia et au fiqh. L’islam ne consiste pas seulement en une compilation de règles et de connaissances théoriques. L’Islam requiert une pratique, une mise en application. Nous sommes dans une posture de grande faiblesse, de carence, de négligence et même de trahison vis-à-vis de cette pratique et cette mise en application. Par exemple, la plupart des fervents musulmans et des dévots ne vont pas à la mosquée suite à l’appel à la prière. Ils ne se joignent pas à la communauté. Pourtant, selon la charia et le fiqh ne permettent pas aux musulmans pubères et résidents d’abandonner la communauté pour moins de vingt excuses religieuses valables. Toujours selon la charia et le fiqh, le témoignage de celui qui abandonne la communauté ne peut être pris en compte. En ce qui concerne aussi notre relation avec les règles morales de l’islam, elle n’est pas fameuse. Nous sommes généralement plongés dans l’innovation et dans le péché en matière de gains illicites, de médisance, de commérage, l’espionnage, l’excès, la vanité, et le gaspillage. Chaque religion et chaque communauté dans le monde a un seul guide spirituel à travers lequel ses membres se reconnaissent, mais les musulmans n’en ont pas. On demanda au prophète : « Qu’est-ce que la religion ? « , et il répondit : « La religion c’est le conseil ». La question lui a été posée trois fois, et à chaque fois, il répondait « C’est le conseil ».

D’autre part, nous ne fournissons pas assez d’efforts pour avertir, éduquer et conseiller le monde islamique et nos frères croyants. Ce que nous faisons en matière de propagation de la religion ne vaut pas le millième de ce que font les Témoins de Jéhovah. Le monde islamique et les musulmans sont dans un grand retard en termes de savoir, de pratique (morale), d’art et d’esthétique. Nous ne pouvons connaitre le salut et la prospérité avec seulement un grand nombre d’adeptes, uniquement à travers la littérature et des conseils vains. Le début de la tâche qui est la nôtre consiste à former des musulmans compétents, forts et déterminés à servir la communauté de Muhammad, et à constituer ensuite à partir d’eux des cadres vertueux. 

Altinoluk : Que faut-il faire pour relever ce défi ?

EYGİ : Il peut écrire tout un livre pour répondre à cette question. Je vais résumer pour éviter les points moins essentiels :

1) L’amélioration de la croyance.

2) La bonne mise en pratique des cinq prières obligatoires, et aussi des obligations religieuses qui impliquent la langue, le corps et les biens.

3) La conformité au Coran, à la Sunnah et aux avis des savants pieux de l’Islam en matière de moralité et de caractère. L’effort incessant pour être de bons et vertueux musulmans à l’instar de nos pieux prédécesseurs (Salih Salaf). Aucune ville, aucune nation prospère ne peut être bâtie avec des musulmans corrompus et indignes.

4) L’Islam est une religion de ville. Les musulmans doivent être urbanisés et civilisés sur des questions telles que la mentalité, l’ouverture d’esprit, la culture, la science, la sagesse, l’art, l’architecture, le droit, etc. On ne peut aller nulle part avec l’esprit borné et l’ignorance.

5) La vie mondaine consiste en une épreuve et une lutte constante. Pour être plus forts et plus qualifiés que les autres et les ennemis de l’islam, il faut accorder de l’importance à la science, à la sagesse, à l’art et aux recherches. 

6) Le respect du droit de tout un chacun et de son dû ; le népotisme et la corruption doivent être évités. Les congrégations et les membres des sectes et organisations ne devraient pas se voir attribuer des emplois et des faveurs pour lesquels ils ne sont pas qualifiés.

7) Dans le monde islamique d’aujourd’hui, l’argent, la propriété, l’intérêt matériel et le plaisir de l’âme sont devenus des valeurs fondamentales. La sobriété, l’humilité et la modération sont des valeurs bafouées ; le luxe, le confort, l’excès, la vanité, le faste, l’arrogance, l’orgueil et le gaspillage ont pris de l’ampleur. De tels vices ont causé la destruction et la ruine de grands empires dans l’histoire. Bref, un mouvement de retour à l’islam et d’islamisation doit être fait à nouveau, et ce avec une grande volonté et sérieux. D’autre part, il suffit largement comme mal pour une personne de se considérer pieuse, d’être satisfaite de soi, et de ne voir le mal que chez les autres tout le temps.

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