L’Éducation selon le Coran et la Sunna

Mai 17, 2022 par

Osman Nuri Topbaş

Entretien avec le Shaykh Osman Nuri Topbaş publié dans le Magazine Yüzakı N°158 d’Avril 2018

YUZAKI :

« Cher Maître ! Pourriez-vous s’il vous plaît donner votre point de vue précieux sur l’enseignement et l’éducation d’une génération de croyants ? Comment le Noble Prophète enseignait-il le Coran ? Comment était le degré de sa sensibilité et de son importance accordée à l’éducation selon les préceptes du Coran ? »

SHAYKH OSMAN NURI TOPBAŞ :

« Notre honorable Prophète aimait beaucoup ses Compagnons. Il avait un amour profond tant pour les Muhâjirunes (les immigrés de La Mecque) qui ont sacrifié leurs âmes au nom de la foi que pour les généreux Ansars (les résidents de Médine). Cependant, son plus grand objectif et combat consistait à éduquer et à forger une génération de croyants dignes qui lui succéderait. C’est pour cette raison qu’il a consacré la majeure partie de sa vie à éduquer les gens et à former une génération de croyants vertueux.

À Dâru’l-Arkam à La Mecque, il commença d’abord à former des jeunes croyants comme Mus’ab et Ibn Mas’ud (que Dieu soit satisfait d’eux). Il consacra beaucoup de temps et d’attention aux Compagnons de Suffa (Ashab-i Suffa) à Médine où de grands compagnons comme Abû Hurayra, Anas et Muadh furent formés (que Dieu soit satisfait d’eux). Il leur dispensa à la fois des enseignements et constitua pour eux un exemple vivant à travers son caractère.

Le Prophète (pbsl) enseignait d’abord dix versets à ses Compagnons, puis leur apprenait la mise en pratique conforme de ces versets. Par exemple, les versets exhortant à la charité étaient révélés ; et dans ces versets, il était mentionné : « Qui dépensent dans l’aisance et dans l’adversité… »[1].

Galvanisés par ces paroles divines, les Compagnons de Suffa (Ahl-i Suffa) allaient immédiatement dans les montagnes, coupaient du bois, le vendaient et présentaient leurs gains au Messager d’Allah (pbsl). En d’autres termes, ils ne se conformaient pas à l’Islam de façon verbale seulement, mais s’évertuaient sans cesse dans la mise en pratique des recommandations divines. Ils souffrirent beaucoup à ce sujet. En situation d’adversité et de pauvreté, ils observaient la patience et l’endurance.

Abû Talha (que Dieu soit satisfait de lui) raconte ce qui suit :

« Un jour, je suis allé voir le Prophète. Ce Sultan des Prophètes avait attaché une pierre au ventre pour redresser son dos courbé à cause de la faim. Il se tenait dans cet état et enseignait le Coran aux Compagnons. »[2]

Abû Hurayra (que Dieu soit satisfait de lui), l’un des Compagnons de Suffa, avait l’habitude de décrire ses jours à Suffa comme suit :

« Pendant que nos frères Muhâjirunes s’occupaient de commerce et nos frères Ansars s’occupaient de l’agriculture et des dattiers, moi je restais toujours en compagnie de l’Envoyé de Dieu (pbsl), à moitié affamé et à moitié rassasié. Je demeurais auprès du Messager de Dieu (pbsl) pendant que ces derniers vaquaient à leurs occupations et mémorisais ce qu’ils n’ont pu mémoriser. »

Abdullah Ibn Mas’ud (que Dieu soit satisfait de lui) a également dit :

« (Nous avions atteint un tel degré de spiritualité, d’extase et de délicatesse du cœur grâce à l’éducation du Prophète que) nous pouvions entendre les sons de glorification divine des bouchées qui nous passaient à la gorge ! »[3]

Telle était la façon dont les Compagnons (r.a.) apprenaient le Coran. Un apprentissage du Coran fait avec sincérité et dévouement, dans une harmonie du cœur et de l’esprit, dans une harmonie de la langue et du for intérieur… C’est ainsi que le Prophète (pbsl) éduqua ses Compagnons (r.a.), puis les envoya partout dans le monde pour transmettre l’Islam.

L’éducation est donc une problématique du cœur. C’est une ligne courante d’un cœur à un autre. L’abnégation de notre Prophète s’est reflétée sur la moralité des Compagnons (r.a.).

YUZAKI :

Cher Maître ! Pouvons-nous avancer que les Compagnons du Prophète étaient précieux pour lui plus que tout le monde et que son souci de forger une génération de croyants dignes était plus important pour lui que tout autre problème ?

SHAYKH OSMAN NURI TOPBAŞ :

La sollicitude du Prophète (pbsl) à l’endroit de ses valeureux Compagnons était extraordinaire. Quand il recevait de la nourriture comme cadeau, il ne la mangeait pas lui-même ; il l’envoyait à ses Compagnons qui apprenaient le Coran auprès de lui…

Fatima (c), la fille bénie du Prophète, était très faible et innocente. Les années d’enfance de Hassan et de Hussein (r.a.) étaient également très mouvementées. Pour cette raison, notre mère Fatima (c) demanda au Prophète (pbsl) de lui prendre une servante. Cependant, il ne satisfit pas sa demande en lui disant :

« Ô ma fille Fatima ! Je ne peux te prendre une servante alors vous que les orphelins de Badr et les compagnons de Suffa sont sous l’emprise de la faim. »

Il enseigna un dhikr à notre mère Fatima et lui dit :

 » (Ma fille, si tu récites constamment ce dhikr durant chaque nuit, Dieu t’assistera.) Cela est meilleur pour toi qu’une servante. « [4]

Cela montre que les besoins et les problèmes des Compagnons de Suffa préoccupaient plus le Prophète (pbsl) que sa propre famille. Et l’incident qui chagrina le plus notre Prophète (pbsl) fut l’embuscade tendue à ses disciples du Coran. Le Prophète (pbsl), qui n’avait jamais maudit personne face à la cruauté qui lui était faite, passa un mois à maudire suite au massacre perpétré contre ses talibés du Coran lors de l’incident de Bi’r-i Maûna.

Cela signifie que nous devons accorder une grande importance à l’enseignement du Coran et assurer par les moyens possibles la pérennisation de l’enseignement du Coran contre tout danger et préjudice. C’est le signe le plus saillant de l’amour d’un croyant pour le Messager d’Allah (pbsl).

En effet, notre tendre Prophète (pbsl) a dit :

اَلْمَرْءُ مَعَ مَنْ اَحَبّ

« L’homme demeure avec celui qu’il aime. »[5]

Le fait de fournir des efforts, d’accomplir des services pour la cause du Coran et de mener un mode de vie conforme à ses préceptes dénote des indices les plus importants qui démontrent notre proximité avec le Messager d’Allah (pbsl). Notre Prophète (pbsl) privilégiait ceux qui avaient mémorisé le Coran, l’avaient dûment appliqué et enseigné aux autres. Lorsqu’il devait choisir quelqu’un à qui remettre la bannière durant les batailles, il préférait ceux qui connaissaient et appliquaient le mieux les règles du Coran.

Même en enterrant les martyrs de la bataille d’Uhud, le Messager d’Allah (pbsl) privilégiait les connaisseurs du Coran en les enterrant en premier. Ces exemples nous enseignent qu’il faut toujours accorder la priorité aux connaisseurs du Coran.

Si nous aussi aspirons à la proximité avec le Messager d’Allah (pbsl) et souhaitons jouir de son privilège de même que nos enfants, nous devons nous atteler à être du nombre des connaisseurs du Coran et accorder beaucoup d’importance à l’enseignement du Coran. Nous devons, nous et nos descendants, nous imprégner profondément de la réalité du Coran et de la Sunna.

YUZAKI :

Cher Maître ! Nous réalisons que le Coran et le Prophète sont l’essence même de l’éducation… Qu’aimeriez-vous dire à ce sujet ?

SHAYKH OSMAN NURI TOPBAŞ :

De prime abord, rappelons que le Coran et le Prophète (pbsl) constituent les deux sources fondamentales à même d’éclairer et d’illuminer nos enfants. Il n’y a aucun doute que ces deux sources représentent pour nous une lanterne et nous assurent le bonheur tant ici-bas que dans l’autre. En effet, elles constituent essentiellement le moyen absolu du salut éternel. Le Messager de Dieu (pbsl) nous a tracé un chemin à suivre. Suivre ce chemin noble demeure le but fondamental de chaque croyant. C’est le but vers lequel le Saint Prophète (pbsl) s’est lui-même orienté durant toute sa vie et a également orienté les membres sa communauté.

D’ailleurs, si nous sommes des croyants sincères, notre vie s’articulera autour de ces questions :

– Que nous a enseigné le Prophète ?

– Comment l’a-t-il enseigné ?

– Sur quoi a-t-il insisté ?

Sa patience dans l’enseignement, sa détermination et son enthousiasme à endurer les épreuves doivent être un slogan et une devise pour nous.

Quand il fut lapidé par les enfants à Taif, le Prophète (pbsl) a dit :

« Ô le Plus Miséricordieux des miséricordieux ! Pourvu que Tu ne sois pas en colère contre moi, je ne me soucie pas des torts et des désagréments que j’ai subis ! »[6] 

En d’autres termes, plus nos efforts dans le sentier divin sont encouragés par l’amour, l’enthousiasme et la détermination, plus les épreuves endurées sur ce sentier nous paraîtront légères et même négligeables.

Les nobles Compagnons allèrent jusqu’en Chine, à Samarkand. Ils n’ont pas fait preuve de paresse ni de lassitude au sujet de la propagation du message de l’Islam. Ils furent une génération illuminée du Saint Coran. Ils furent les disciples dignes du Prophète Muhammad (pbsl).

YUZAKI :

Cher Maître ! À quel point le terme “illuminé” est-il important ?

SHAYKH OSMAN NURI TOPBAŞ :

En fait, quand l’esprit est illuminé, les sagesses, les secrets et les manifestations divines s’offrent à lui.

Le terme “illuminé” est utilisé pour faire allusion aux époux vertueux, aux enfants vertueux, et aussi pour la prière, qui est le suprême parmi les actes d’adoration…

Cela signifie que pour que nous soyons illuminés, nous devons accomplir des prières à même d’illuminer (nos cœurs). Pourquoi de telles prières ? C’est parce qu’il a été ordonné d’accomplir les prières comme si on voyait Allah. En d’autres termes, il a été recommandé d’accomplir des prières avec un cœur illuminé par la lumière d’Allah. Ceci étant, pendant l’accomplissement de la prière, le cœur est habité par une lumière plus lumineuse que le soleil.

Allah Tout-Puissant nous rappelle ceci :

« … Prosterne-toi et rapproche-toi ! »[7] La prosternation étant l’état dans lequel le serviteur est le plus proche d’Allah Tout-Puissant, la prière accomplie dûment acquiert la caractéristique d’illumination. 

Bienheureux sont ceux qui parviennent à accomplir des prières à même de les illuminer ! De tels serviteurs représentent la génération des croyants illuminés du Coran, qui auront l’honneur d’être les frères du sublime Prophète (pbsl).

Il faut accorder une grande importance à la prière. Notre Prophète (pbsl) a dit :

« Priez tel que vous m’avez vu prier ! »[8]

Cela signifie donc que, même si nous ne pouvons prier comme le Prophète, nous devons nous efforcer d’accomplir une prière qui tend vers la sienne. C’est à ce prix que cette parole coranique se manifestera en nous :

س۪يمَاهُمْ ف۪ي وُجُوهِهِمْ مِنْ اَثَرِ سُّجُودِۜ

« … Leurs visages sont marqués par la trace laissée par la prosternation… »[9]  

La lumière et la quiétude apportées par la prosternation se refléteront sur leurs visages.

YUZAKI :

Cher Maître ! À quel genre de prière le Prophète faisait-il allusion ?

SHAYKH OSMAN NURI TOPBAŞ :

Évidemment qu’il n’est pas question de la prière accomplie juste pour être accomplie. Il s’agit de la prière dont la prosternation exalte l’âme jusqu’aux cieux, qui embellit toute la vie du serviteur avec le Coran. C’est la prière qui rend conforme le style de vie à la vie du Prophète (pbsl).

Ceux qui accomplissent leurs prières à l’image de cette prière comprennent que :

Le Messager d’Allah (pbsl) ne s’est jamais offert le luxe de prendre trois jours de répit de son vivant. Peu importe combien il était fatigué, il ne se reposait qu’à travers l’adoration. Il surmontait ses moments de fatigue intense que par la prière. Il est dit dans le verset :

« Ô les croyants ! Cherchez secours dans l’endurance et la Salat. »[10]

Le Messager d’Allah (pbsl) ‒ qui a mis en application ce verset de la meilleure façon tout au long de sa vie ‒ et ce même dans les situations les plus difficiles, ne se réconfortait que lorsqu’il donnait l’exemple de la plus belle morale et de la plus belle action. Son cœur ne s’apaisait que quand il jouait un rôle déterminant dans la guidance de l’humanité et la piété des membres de sa communauté.

Un jour, un disciple venu d’Afrique me rendit visite et me demanda de faire des prières en sa faveur. En général, les jeunes demandent des prières pour l’emploi, la connaissance ou le mariage. Cependant, la demande de ce jeune homme fut telle :

« Priez mon Seigneur Allah de me faire beaucoup aimer la prière ! »

C’était la première fois que je recevais une telle demande de prière.

Cela signifie que ce jeune homme avait un penchant profond pour la prière, qu’il était dans un délice spirituel qui le poussait à vouloir sincèrement accomplir la prière avec plus d’amour et de crainte, c’est-à-dire être capable d’accomplir la prière telle que décrite par le Prophète et accomplie par les cœurs pieux.

Puisque Mawlânâ (Rûmî) voulait que tout le monde goûtât à l’extase qu’il ressentait dans ses prières, il donna le conseil suivant :

« Fais une ablution qui ne s’annule jamais ! Accomplis une prière qui ne s’interrompt jamais ! »

Ce jeune homme aspirait donc à l’accomplissement d’une telle prière.

YUZAKI :

Cher Maître ! De nos jours, les musulmans s’isolent de plus en plus. Comme vous l’avez dit, le Messager d’Allah ne s’est jamais offert le luxe d’un moindre répit. L’homme d’aujourd’hui aspire à une vie individuelle. S’il passe deux jours en activité, il considère nécessaire de passer trois jours dans le repos et l’oisiveté. Que voudriez-vous dire à ce sujet ?

SHAYKH OSMAN NURI TOPBAŞ :

Évidemment, c’est la tendance actuelle. Tout ça n’est que vanité et futilité. Cette tendance corrompt les esprits. La raison en est que passer son temps de la sorte est synonyme de tuer le temps. Cependant, Dieu ne nous a pas fait don de la vie dans le but de « gaspiller et de tuer le temps ». La vie nous a été offerte en don pour que nous puissions éterniser notre existence céleste dans le bonheur en animant et valorisant dignement notre existence terrestre.

Nous voyons aussi cela ; ceux qui partent en vacances reviennent plus fatigués qu’avant qu’ils ne soient partis. Il leur faut du temps pour se reprendre et retrouver leur énergie habituelle.

Pourquoi le Messager d’Allah (pbsl) ne s’accordait-il pas de répit ? En effet, chaque acte d’adoration, chaque assemblée spirituelle qu’il présida et chaque effort qu’il dépensa dans le sentier divin lui apportaient paix et soulagement, et non de la fatigue. Idem, le fait de distribuer ses cadeaux reçus et sa part de butin aux pauvres et aux Compagnons lui permettait d’oublier sa propre faim.

D’ailleurs, même si ses activités l’épuisent énormément, pourquoi un serviteur à l’âme apaisée et au cœur paisible sentirait-il le besoin d’avoir du répit ? En fait, les gens partent en vacances pour atteindre en réalité cette paix et cette quiétude ; seulement qu’ils emploient la mauvaise méthode.

Rappelons que la réalité métaphysique l’emporte sur la réalité physique. Si l’univers du cœur est envahi par la quiétude, le corps ne sera pas en proie à la fatigue. Mais si l’âme est bouleversée et agitée, même des jours de sommeil ne suffiront pas pour apporter le repos au corps. Le corps ne connaîtra aucun soulagement.

Généralement, les personnes atteintes par diverses épreuves et souffrances passent toute la nuit sans pouvoir dormir jusqu’au matin, et ce même si elles se couchent sur les lits les plus confortables. À cet égard, il est nécessaire d’apprendre à connaître la manière d’apaiser l’âme et de soulager le corps autour de la vie du Saint Prophète (pbsl). C’est simplement une illusion d’espérer atteindre la paix et la quiétude à travers des offres de vacances attrayantes et alléchantes faites par des agences de tourisme rien que pour gagner de l’argent. Le fait de ne pas se laisser berner par ces choses et de chercher la quiétude en s’imprégnant de la réalité de la vie du Messager de Dieu (pbsl) nous assurera le bonheur dans les deux mondes.

YUZAKI :

Cher Maître ! Comme vous le dites, la tranquillité d’esprit se perd dans la poursuite du confort exagéré du corps. Quel mode de vie doit-on donc adopter pour atteindre la véritable tranquillité d’esprit ?

SHAYKH OSMAN NURI TOPBAŞ :

Pour nous, le chemin de la quiétude passe par le fait de se conformer inconditionnellement à la Loi Islamique (shari’a), de vivre le Coran et la Sunna avec crainte (taqwâ) et de les enseigner autour de nous en emboîtant le pas à ceux qui recommandent le bien et interdisent le blâmable.

Des allégeances ont été faites au Noble Prophète (pbsl). En d’autres termes, les Compagnons avaient prêté serment et fait des promesses au Messager d’Allah (pbsl) :

– À Aqaba : ils ont prêté allégeance de protéger le Prophète (pbsl) plus que leur vie, de préserver le dépôt qu’il leur avait confié, et de vivre selon l’Islam.

– À Badr : ils ont fait cette allégeance « Si tu te jettes à la mer, nous te suivront aussitôt, ô Envoyé d’Allah ! »

– À Uhud : lorsqu’ils virent le Prophète attristé, ils firent allégeance de combattre jusqu’au martyr.

– À Hudaybiya : ils firent serment de se résigner totalement à lui en disant : « Quoi que tu nous demandes, ô Messager d’Allah ! »

En tant que musulmans, nous devrions prendre exemple sur les Compagnons et prêter allégeance au Prophète comme eux. Nous devons nous efforcer de vivre comme ils l’ont fait, et d’éprouver les mêmes sentiments qu’ils éprouvèrent face au Noble Prophète (pbsl). Nous devons être déterminés et nous évertuer à atteindre leur degré de dévotion à l’Islam et au Messager de Dieu (pbsl).

À travers ces actes d’allégeance, nous sommes appelés à jauger notre degré d’amour et de loyauté vis-à-vis du Prophète (pbsl). Notre mode de vie, est-il compatible à toutes ces allégeances qui lui ont été faites ? Ou bien nos cœurs sont-ils envahis par l’amour de ce bas-monde au point que nos âmes font inconsciemment allégeance à des choses contraires à la cause divine ? 

Tout se résume à ça : nous devons constamment animer notre cœur en usant des questions susmentionnées, et veiller à laisser après nous, en guise d’aumône continue, une génération de croyants à même de prendre comme exemple les Compagnons (r.a.) et de représenter dignement la moralité et la vertu de l’Islam. 

YUZAKI :

Cher Maître ! Malgré toutes ces réalités, l’être humain n’est préoccupé que par ses nombreux objectifs personnels de la vie, et telle est la problématique importante que vous avez mentionnée ; en d’autres termes, mener une existence digne à la lumière du Coran est parfois vu comme une réalité presqu’insignifiante, même pour certains musulmans conscients. La priorité n’est pas accordée au Coran ; et parfois, bien avant que le serviteur ne commence à accorder de l’importance au Coran, la mort se présente malheureusement à lui.

SHAYKH OSMAN NURI TOPBAŞ:  

Pourtant, l’importance accordée au Coran est la problématique la plus importante dans la vie du serviteur. C’est l’indice et le signe le plus distinctif du dévouement à l’Islam, c’est-à-dire le fait de mettre le Coran en premier plan. Et pour dire vrai, l’on doit pouvoir vivre cette vie comme un Coran vivant. Cela dénote de notre degré d’amour pour Allah Tout-Puissant et Son Messager (pbsl). Par conséquent, prétendre aimer Allah et Son envoyé (pbsl) sans s’évertuer à vivre comme un Coran vivant n’est que propos vain, voire de l’hypocrisie. Cela est synonyme de se tromper soi-même. En d’autres termes, si la vie n’est pas consacrée au Coran, elle demeure vanité et vide de tout sens. Certaines personnes dépensent de nombreuses années dans un domaine et estiment cela encore peu en disant :

 « Ce n’est pas facile de devenir un expert dans ce domaine. Je suis prêt à sacrifier encore vingt années. J’acquerrai encore plus de maîtrise. »

Par exemple, quelqu’un qui est dévoué à apprendre une langue étrangère, on lui dit :

 « Si tu ne te donnes pas à fond pendant trois voire cinq ans, tu ne pourras comprendre parfaitement cette langue. » Et ce dernier agit en conséquence. En outre, celui qui a les moyens n’hésite pas à se rendre dans un pays où cette langue est parlée, à dépenser des sommes colossales et à sacrifier beaucoup de temps. Il consent l’épreuve du manque de ses proches, de la nostalgie de sa terre natale et de tous les désagréments, rien que pour son objectif.

Mais quand il s’agit du Coran, malheureusement, certains considèrent que trois à cinq semaines seulement pendant les mois d’été s’avèrent suffisantes pour son apprentissage. On n’y consacre pas assez de temps sous prétexte que nos proches nous manqueront beaucoup. Les parents avancent toutes sortes d’excuses pour ne pas envoyer leurs enfants dans un centre d’apprentissage profond et intense du Noble Coran. D’autre part, il y en a même certains qui méprisent les cours du Coran. Ils mettent l’accent sur l’apprentissage de leur propre culture qu’ils considèrent plus riche, jugent précieux et indispensable la connaissance des autres sciences, mais considèrent malheureusement l’apprentissage du Coran comme une éducation ordinaire dont on peut se passer.  

Qu’Allah nous en préserve, cette approche est synonyme de négligence totale de la Parole Suprême, à savoir le Coran. Si l’on doit définir dignement la Parole de Dieu, on ne peut dire que même si tous les arbres se transforment en kalam (plume) et tous les océans en encre, ils ne suffiraient pas pour L’écrire. Le Saint Prophète (pbsl) a enseigné l’Islam à ses Compagnons (r.a.) pendant vingt-trois années.

À cet égard, la vie de chaque croyant, du début à la fin, doit être vécue à la lumière du Coran. Dans ce cas, au jour du Jugement dernier, la mise à nu du contenu du livre de la vie ne sera que ruine et regrets éternels. Le bonheur éternel ne sera que le privilège de ceux qui ont décoré le contenu de leur existence avec la Parole Divine. Ceci étant, la problématique la plus importante est de pouvoir mener sa vie comme un Coran vivant…

Telle est la caractéristique la plus saillante de la génération du Coran. D’ailleurs, le salut ici-bas et dans l’au-delà a été promis aux serviteurs fidèles du Coran. En effet, chaque réalité de la vie est cachée dans le Coran et tous les secrets du bonheur sont manifestes dans la foi. Les serviteurs les plus heureux et les plus bienveillants du monde sont ceux qui se rassemblent à l’ombre du Coran, se moralisent à la lumière de ses préceptes au point de s’éteindre en lui, c’est-à-dire au point de devenir un Coran vivant. Ce compliment coranique a été adressée au Prophète (pbsl) :

« (Ô mon Messager !)  Et tu es certes, d’une moralité éminente. »[11]

Pour comprendre le secret de cette déclaration divine, on demanda à notre mère Aïcha (c) :

« Quelle était la moralité du Messager d’Allah ? » La mère des croyants a défini cette haute moralité comme suit :

« Sa moralité était le Saint Coran…« [12]

Qu’Allah nous accorde à tous une telle moralité ! Amin…

Deux caractéristiques sont nécessaires pour vivre comme un Coran vivant :

1. La bonne récitation et la mise en application digne du Coran,

2. Purifier le cœur avec taqwâ (crainte et piété).

Autrement dit, il n’est pas possible d’être du nombre des serviteurs dignes du Coran sans la taqwâ.

Une connaissance qui ne rapproche pas d’Allah Tout-Puissant est à même de causer la ruine du serviteur. Cela peut conduire dans le bourbier de la passion. Il est mentionné dans plusieurs versets, à titre de rappel, que les savants égarés des Gens du Livre ont subi la malédiction d’Allah pour avoir marchander Ses versets à vil prix.

D’ailleurs, la connaissance utile ne consiste pas seulement à stocker des informations dans le cerveau. Il faut mettre en application cette connaissance pour qu’il y ait une harmonie entre le cerveau et le cœur dans le cadre de la taqwâ… L’expression “taqwâ” est citée 258 fois dans le Coran. La principale force qui pousse à l’approfondissement de la connaissance est la taqwâ. De facto, le Coran nous rappelle :

وَاتَّقُوا اللّٰهَ وَيُعَلِّمُكُمُ اللّٰهُ

« … Et craignez Allah afin qu’Allah vous enseigne… »[13]

On peut élucider cette réalité par cet exemple :

Une personne sur la plage ne voit que la surface de la mer. Mais celui qui plonge dans la mer pour explorer ses profondeurs y contemple de nombreux paysages et autres réalités merveilleuses.

YUZAKI :

Cher Maître ! Eu égard à vos propos, nous pouvons avancer qu’un apprentissage réussi du Coran se fait dans le cadre de l’harmonie entre le for intérieur et l’aspect extérieur du serviteur. Ceci dit, comment peut-on assurer cette harmonie lors de l’apprentissage coranique d’aujourd’hui ?

SHAYKH OSMAN NURI TOPBAŞ :

Pas besoin de citer beaucoup d’éléments pour détailler ce point. Il suffit seulement de vivre sincèrement le Coran et de l’enseigner avec amour. En effet, lorsque le Coran est vécu, cela accroît son impact, tout comme quand il est enseigné avec amour, son effet augmente. Le disciple doit aimer son maître, et le maître aussi doit aimer son disciple. Quoi qu’il arrive, ce lien d’amour ne doit pas être rompu. Cependant, tout cela ne sera rendu possible que si l’on suit un modèle de vie. Les nobles Compagnons (r.a.) représentent le meilleur et le plus grand exemple de cela. Notre vénéré Prophète (pbsl) a bâti une civilisation de hautes vertus à partir de gens qui avaient été portés (préalablement) par l’ignorance.

Le Prophète (pbsl) n’a pas éduqué ses Compagnons en leur donnant des titres ou bien en les plaçant à des hautes positions sociales. Il ne leur a pas offert également un trésor terrestre. Ses ressources financières étaient très limitées d’ailleurs. Il les a éduqués à ne viser que l’agrément d’Allah. Il les a forgés avec le cœur. Et c’est ainsi qu’ils ont atteint la perfection morale. Ils ont porté le Messager d’Allah (pbsl) au plus profond de leur cœur tout au long de leur vie. Durant toute leur aventure terrestre, ils étaient embrasés par le désir d’être avec lui dans l’au-delà.

Le cas du noble Compagnon Thawbân (que Dieu soit satisfait de lui) en est le meilleur exemple. Il n’avait aucun bien mondain. Tout comme il l’exprimait lui-même, telle était la seule chose qui le préoccupait le plus durant toute sa vie :

« Serai-je avec le Messager d’Allah dans l’au-delà ? »

Un jour, le Prophète vit Thawbân dans un état très triste et tout pâle. Il lui demanda la raison de sa tristesse. Thawbân dit :

« Ô Envoyé d’Allah ! Quand je suis auprès de toi, je vis un énorme plaisir spirituel ; mais lorsque je rentre chez moi, je suis envahi par la mélancolie. J’ai peur de ne plus vivre ce plaisir (à ton absence). Vous serez avec les prophètes dans l’au-delà. Et qui sait où je serai conduit ? »[14]

Le tendre Prophète (pbsl) dit alors à ses aimables Compagnons comme Thawbân :

« Le serviteur sera avec celui qu’il aime. »[15]

Anas dit :

« Mis à part notre entrée dans l’Islam, aucune chose ne nous a réjoui autant que cette parole du Messager d’Allah : « Tu seras certes avec celui que tu aimes.  » »[16]

Comment les Compagnons ont-ils été avec le Prophète dans ce monde ? Dans leurs pratiques religieuses, leur moralité, leurs comportements, leurs rapports interhumains et tous leurs faits et gestes, ils ont suivi pas à pas la Sunna du Prophète, comme s’ils suivaient les traces d’une personne marchant dans la neige.

Le Prophète (pbsl) a également dit à leur sujet :

« Mes compagnons sont comme les étoiles (dans le ciel). Quel que soit celui (d’entre eux) que vous suivrez, vous trouverez le bon chemin.[17]

YUZAKI :

Cher Maître ! Comment pouvons-nous protéger nos enfants contre les tentations de notre époque à savoir l’Internet, la télévision, la mode, et toutes les tendances nocives ? Comment pouvons-nous les préserver du mal de cette époque ?

SHAYKH OSMAN NURI TOPBAŞ :

En premier lieu, nous devons miser sur une bonne éducation. Les enfants copient leurs parents. Ils n’appliquent pas les conseils de leurs parents, mais font généralement ce qu’ils les voient faire. Si nous voulons des enfants vertueux, nous devons être des parents vertueux. Cette éducation spirituelle commence pendant que l’enfant demeure encore dans les entrailles de sa mère par la consommation des bouchées licites.

Après la famille, l’éducation se poursuit à l’école. Cela continue lors de l’apprentissage du Coran. Il est nécessaire de veiller à ce que nos enfants apprennent la connaissance auprès des gens justes et véridiques. Les parents doivent veiller aussi à la bonne fréquentation amicale de leurs enfants. C’est à ce prix qu’il sera possible de les orienter vers la taqwâ.

Il faut songer à initier l’enfant à l’éducation dès le bas-âge. Le vaccin de la foi doit lui être administré depuis l’enfance. L’enfant est comme un CD vierge. Il stocke tout ce qui est enregistré sur lui. Comme le dit l’adage, ce n’est qu’au début de sa croissance qu’un arbre peut être courbé. Les personnes ayant reçu une bonne éducation depuis l’enfance ne sont pas emportées par les vents nocifs des tendances négatives à l’âge adulte.

Il nous faut inculquer à nos enfants la conscience que la vraie vie est certes la vie de l’au-delà… De la sorte, nos enfants ne se laisseront pas aller à l’excès en situation d’aisance, tout comme ils ne seront pas plaintifs en situation d’épreuve et d’adversité. Nous devons, dès leur plus jeune âge, forger leur personnalité avec des caractéristiques telles que la bonne conscience, la compassion, le respect des droits d’autrui et la justice.

L’enfant doit apprendre à aimer toutes les créatures de la nature, depuis les plantes, les arbres jusqu’aux animaux, afin que cela développe en lui les sentiments d’affection et de compassion. On doit lui inculquer le sens de la méditation et lui faire prendre conscience de la Grandeur infinie du Créateur…

On doit habituer nos enfants à l’accomplissement de la prière dès le plus jeune âge, car la prière joue un rôle protecteur. Seule la prière peut les préserver contre toutes sortes de péchés et de sacrilèges. On doit également leur lire et leur faire beaucoup lire le Siyar-i Nabî (le livre de la vie du Prophète). Cependant, cela ne doit pas être une simple lecture ; il faut mettre l’accent sur la manière dont les Compagnons vivaient l’Islam… Ceci pour qu’ils soient imprégnés de l’amour et du dévouement envers l’Islam à l’instar des nobles Compagnons (r.a.).

Il faut leur faire fréquenter les mosquées, tout comme nos ancêtres le faisaient… On doit veiller à ce qu’ils grandissent au son de l’adhan (l’appel à la prière) …

Les parents doivent de temps en temps envoyer leurs enfants visiter les cimetières pour que ces derniers écoutent les cris silencieux des tombes et apprennent à méditer fréquemment sur la mort… Il faut leur faire découvrir l’histoire rayonnante de nos pieux prédécesseurs afin que cela suscite en eux la détermination et l’excitation de constituer une génération suivant leurs traces…

Bref, il faut leur apprendre à vivre en tant que bons musulmans, à grandir dans le cadre de la taqwâ

YUZAKI :

Cher Maître ! Nous avons d’autres questions que nous voudrions vous poser, cependant, avec votre permission, nous aimerions reporter la suite de notre interview au prochain numéro.

Nous vous adressons nos sincères remerciements et nos prières, avec le souhait de forger des générations de croyants dignes pour notre chère patrie et qui seront la lumière de nos yeux dans les deux mondes.

SHAYKH NURI TOPBAŞ :

Qu’Allah Tout-Puissant fasse émerger de nos enfants une génération vertueuse ! Que ce soit une génération pieuse qui assurera la perpétuation de notre combat religieux, notre nation et de notre drapeau avec honneur et gloire !

Puissent-ils tous être une source de fierté pour nous et pour eux-mêmes dans l’au-delà, insha’Allah ! Amin…


[1] Sourate Al-‘Imrân, verset 134.

[2] Abû Nuaym, Hilya, I, 342.

[3] Al-Bukharî, Manaqib, 25.

[4]Abû Dâwûd, Haraj, 19-20/2988; Ahmad, I, 106.

[5]Al-Bukharî, Adab, 96.

[6] Ibn Hisham, II, 29-30; Al-Haythamî, VI, 35; Al-Bukharî, Bad’u’l-Halk, 7.

[7] Sourate Al-‘Alaq, verset 19.  

[8] Al-Bukharî, Adhan, 18.

[9] Sourate Al-Fatḥ, verset 29.  

[10] Sourate Al-Baqara, verset 153.

[11] Sourate Al-Qalam, verset 4.  

[12] Muslim, Kitabu’s-salat, 746.

[13] Sourate Al-Baqara, verset 282.

[14] Voir Al-Wahidî, Asbâbu Nuzuli’l-Kur’an, p. 170.

[15] Al-Bukharî, Adab, 96.

[16] Muslim, Birr, 163.

[17] Mubârakfûrî, Tuhfatu’l-Ahwazî, Le Caire, ts., X, 226, no: 3807; Ibn-i Abdi’l-barr, Jâmiu Bayâni’l-Ilm, II, 91.

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