L’éducation de l’enfant Musulman en Occident

Mai 17, 2022 par

Musa Belfort

Le directeur de rédaction de notre revue Musa (Philippe) Belfort est né en 1962 à Paris. Après des études en théologie et philosophie, il devient chrétien évangélique et œuvre en tant que prédicateur et missionnaire au sein d’une église locale. Après avoir découvert le Coran en 1994, il devient musulman et s’intéresse à toutes les sciences islamiques dont le soufisme. En outre, il a entamé en 2016 des études en histoire de la civilisation islamique à l’Institut « The Upperthames Novum Opus Academy » situé à Londres (Royaume-Uni) et dont il est sorti diplômé. Il traduit en langue française les œuvres du guide de la fondation Aziz Mahmud Hudayi, l’honorable Osman Nuri Topbaş hoca efendi. En raison de ses connaissances sur le christianisme, il est très actif dans le dialogue interreligieux en France.

« Et (rappelle-toi) quand Abraham dit : ‹ Ô mon Seigneur, fais de cette cité un lieu sûr, et préserve-moi ainsi que mes enfants de l’adoration des idoles. »  

(Coran, Ibrahim, 14 : 35).

L’un des noms d’Allah est « ar-Rabb », c’est-à-dire le Maître, Celui qui éduque. Par conséquent, l’éducation de l’enfant en Islam a toujours été l’une des valeurs majeures enseignée dans cette religion. Cette éducation doit prendre en compte non seulement les bases scripturaires (Coran et Tradition Prophétique), mais également les différents contextes auxquels elle doit nécessairement se conformer. Nous parlerons ici du contexte occidental où nombre de musulmans y vivent et y élèvent leurs enfants.

Dès leur plus jeune âge, les enfants sont confrontés au monde qui les entoure. Tout enfant demeure sensible et curieux, attendant des réponses et des orientations pour tout ce qui le concerne. Ils devront devenir de bons musulmans et agir dans ce monde d’ici-bas afin de devenir des hommes et des femmes conscients et responsables.

Pour éduquer les enfants à devenir de bons musulmans en Occident, trois choses sont essentielles :

1) un lien fort entre les parents et les enfants.

2) une forte identité musulmane des parents.

3) une communauté musulmane forte et unie.

  1.  Premier aspect : un lien fort entre les parents et les enfants

L’amour, l’affection, l’attention sont des composantes indispensables à toute relation parents-enfants. Sans ces composantes, les enfants ne pourront jamais connaître la véritable nature de cette relation. Plusieurs hadiths viennent confirmer cette réalité par le truchement du Prophète Muhammad (pbsl) :

 « Faites-en sorte que la première parole de vos enfants soit « Lâ ilâha illa Allah » (c’est-à-dire la profession de foi). »

« Un parent ne peut rien léguer de mieux à son enfant qu’une bonne éducation. »

« Honorez vos enfants et soignez bien leur éducation. »

« Soyez équitables envers vos enfants (Il le répéta trois fois). »

Les parents musulmans doivent éduquer leurs enfants afin qu’ils puissent devenir de bons musulmans, propres à adorer Allah, à pratiquer la justice et à vivre en paix avec les autres membres de la société. Tel est le but fixé pour tout parent qui ne doit absolument pas négliger les valeurs précédemment citées. Ces recommandations restent valables quelles que soient l’aire géographique et les périodes et sont universellement reconnues comme telles. Dans un cadre plus général et dans le monde occidental en particulier où les musulmans sont minoritaires, la démocratie et la liberté d’expression accorde à chacun le droit d’éduquer ses enfants selon la religion de leurs pères, ce qui permet, selon les nations, un cadre plus ou moins ouvert. Bien qu’il y ait parfois des difficultés, les diverses injonctions tant coraniques que prophétiques transcendent le temps et les époques et permettent que l’éducation Islamique soit la même aussi en Occident.

II.  Deuxième aspect : Une forte identité musulmane des parents

Les parents (ou à défaut le tuteur) doivent eux-mêmes être profondément conscients de leur appartenance à l’Islam et vivre en adéquation avec leur foi. Comment les parents peuvent-ils donner à leurs enfants une éducation Islamique si ceux-ci ne la mettent pas en pratique dans leur vie ? Ce serait assurément un non-sens. Les parents musulmans ont donc l’obligation de vivre ce qu’ils enseignent, quel que soit leur niveau d’instruction. 

À titre d’exemple, le sage Luqmân pratiquait lui-même ce qu’il enseignait à son fils quand il disait :

« Ô mon enfant accomplis la Salat, commande le convenable, interdis le blâmable et endure ce qui t’arrive avec patience. Telle est la résolution à prendre dans toute entreprise ! Et ne détourne pas ton visage des hommes, et ne foule pas la terre avec arrogance : car Allah n’aime pas le présomptueux plein de gloriole.  Sois modeste dans ta démarche, et baisse ta voix, car la plus détestée des voix, c’est bien la voix des ânes. » (Coran, Luqmân, 31 : 17-19).

Les parents musulmans doivent impérativement enseigner à leurs enfants le respect d’autrui, le caractère sacré de toute vie, le respect des institutions du pays en vigueur, etc. Les parents qui professent l’Islam doivent posséder l’intelligence du cœur et l’éducation spirituelle de l’âme pour que leurs enfants puissent grandir en harmonie avec leur foi et leur environnement. En outre, connaître la psychologie de l’enfant est nécessaire afin de comprendre les réalités qu’il vit. Par conséquent, il est indispensable de répéter que la famille est le noyau essentiel au sein duquel les enfants s’épanouissent et préparent leur vie d’adulte. Les parents, forts de leur identité musulmane et de l’exemplarité qu’ils affirment, influencent grandement leurs enfants et participent à la construction de leur personnalité.

III. Troisième aspect : Une communauté musulmane forte et unie

L’importance de la communauté musulmane (Umma) est primordiale. L’enfant vivant en milieu occidental doit aussi se mêler aux autres membres de sa communauté de foi ; l’apprentissage de la vie en société s’apprend aussi en côtoyant d’autres musulmans. À ce titre, l’école Islamique (madrasa) offre la possibilité aux enfants de s’instruire et d’être éduqués selon les préceptes de l’Islam : apprentissage du Coran, évocation de la vie du Prophète Muhammad (pbsl), règles morales et citoyennes, participation à la vie de la mosquée…Tout cela présente un aspect non négligeable qui offre aux enfants musulmans un cadre normatif propice à leur épanouissement. Les soufis, en particulier, ont un rôle très important. L’Imam Ahmed ibn Hanbal g avait exhorté son fils à fréquenter les soufis :

« Ô mon fils, tu dois t’asseoir avec les soufis, parce qu’ils sont comme une fontaine de science et ils gardent le souvenir (dhikr) de Dieu dans leur cœur. Ils sont les ascètes et ils ont un pouvoir spirituel très fort. »

Cette « science du cœur » apporte à l’enfant la sérénité et la joie en toute circonstance ; il pense déjà à Allah, à la Vie Future et son esprit est éveillé aux réalités spirituelles. Pour eux, fréquenter un percepteur spirituel est complémentaire au noyau familial amenant équilibre et bonheur aux enfants.

Assurément, une communauté musulmane forte, unie et organisée est à même d’offrir aux enfants et aux jeunes le cadre idéal de leur propre épanouissement.

En résumé, le monde occidental souffre du manque de dialogue en raison de la sécularisation de sa société, la dimension spirituelle de l’être humain est délaissée au profit de la matière. Bien qu’avancé technologiquement, il présente néanmoins de grandes carences en termes d’éducation de l’âme. Toutefois, il présente de grands avantages en promouvant par exemple les valeurs de respect et de tolérance qui sont les bases civiques de la société occidentale. Ainsi donc, les musulmans sont appelés par vocation à être les serviteurs du Très-Haut. Devenus parents, ils s’engagent à bien élever leurs enfants, leur apportant amour et soutien, les conduisant vers la voie de l’éternité. Ils leur apprennent à adorer Allah, à Le servir et à L’honorer durant toute leur vie. L’éducation se fait tout d’abord à la maison, au sein du cocon familial ; l’amour d’un père, d’une mère est déterminant pour le reste de la vie de l’enfant. Les parents doivent veiller aux acquis que l’enfant porte et s’assurer que celui-ci les applique dans sa propre vie. Voici donc la « voie royale », la voie de l’éducation, mais surtout de l’amour.

Le grand soufi persan Farid ud-Dîn Attâr a dit :

« Tout cœur qui n’est pas animé par une noble ambition ne peut atteindre au royaume infini. »

L’éducation des enfants est une noble ambition ; et celui qui la réussit en récoltera les fruits éternels.

Terminons par cette citation de l’Imam Al-Ghazalî  :

« L’enfant est un dépôt confié aux parents, son âme pure est une substance précieuse, innocente, dépouillée de toute inscription ou image. Elle reçoit tout ce qu’on y grave, elle s’incline là où on l’incline. »

Articles liés

Tags

Partager

Exprimez-Vous