Les Droits d’Autrui pendant le Pèlerinage

Sep 24, 2021 par

Nous savons que le respect des droits d’autrui est très important en toute circonstance et que les croyants devraient être très sensibles à ce sujet. Cependant, il peut arriver que les gens oublient cette notion lorsqu’ils sont confrontés à des problèmes ou autres ennuis. Cela se produit le plus dans les circonstances du pèlerinage et de l’Omra[1].

Pourtant, l’ihram,[2] état dans lequel entrent les croyants lors du pèlerinage et de l’Omra leur enseigne l’innocuité. Il enseigne à l’homme “qu’il ne doit pas toucher même à ses propres cheveux”. Tout ce dont nous jouissons appartient à Allah Y qui nous l’a confié en dépôt. C’est pour cela que nous devons utiliser ce que Dieu nous a gratitié conformément à Ses ordres.

Alors si nous n’avons pas le droit d’abuser des grâces divines à notre égard et même de nuire à notre propre existence, de quel droit pourrions-nous donc nuire aux autres ?

Comment pourrions-nous violer les droits que Dieu leur a accordés ?

D’autre part, tout comme les bonnes actions font récolter autant et autant de mérites lors du pèlerinage et de l’Omra, les mauvaises actions elles aussi sont autant de péchés. Car une petite erreur commise au sein de cette foule est à même de causer des ennuis à de nombreuses personnes. Par exemple :

1) Resserrer les voies de circulation…

Le point auquel il faut le plus prêter attention dans le Haramayn[3] est sans nul doute de ne pas bloquer les routes. S’asseoir, attendre, et occuper la voie pour accomplir la prière est une très grave erreur à même de causer des ennuis à des milliers de personnes.

De même, aller dans le sens contraire de la foule, fendre la foule pour commencer ou terminer sa circumambulation, ou soit venir de la direction opposée sont des actes qui nous font tomber dans l’interdit et récolter des péchés, bien que notre intention soit d’accomplir une sounna pour avoir des mérites.

Dans les livres de jurisprudence islamique, il est mentionné que celui qui finit sa circumambulation peut effectuer sa prière surérogatoire à un emplacement libre et adéquat de la Sainte Mosquée.

Nos savants ont spécifiquement indiqué ce point pour que les gens ne bloquent pas la voie à ceux qui font leur circumambulation et veulent obligatoirement prier au Maqâm Ibrahim[4].

Muâdh b. Anas t déclare ceci :

« Je suis allé au front avec le Messager de Dieu r. Les combattants avaient coincé les demeures et bloqué la circulation.

Alors l’Envoyé de Dieu r leur envoya un émissaire leur annoncer : 

Il n’y a pas de djihad pour quiconque occupe beaucoup d’espace, coince un lieu ou obstrue la voie.”»[5]  

En effet, les combattants avaient intentionnellement coincé les demeures en occupant le terrain de façon désordonnée et ce faisant ils occupèrent beaucoup plus d’espaces qu’il n’en fallait et cela nuisait aux gens.

En ce qui concerne le blocage de la circulation, les combattants avaient installé leurs effets personnels sur les routes qui servaient de passage aux gens.

Notre Prophète r avait déclaré que c’était une grande erreur de la part des combattants de nuire aux gens en coinçant les demeures et en obstruant les voies inutilement. Il les avait vivement avertis qu’ils n’auraient aucune récompense de leur djihad pour que ces derniers corrigeassent immédiatement leurs erreurs.

Le bien-aimé Prophète r avait lancé cet avertissement face à une négligence qui avait poussé jusqu’à l’occupation anarchique en plein-air. Imaginons donc à quel point le Messager de Dieu r s’attristerait et serait abattu, si cette négligence se manifestant en centre-ville et dans les lieux d’habitation, en particulier dans les villes de La Mecque et Médine où des millions de croyants se rassemblent pour adorer ensemble leur Seigneur…

 En dehors des gens, le Prophète r a ordonné que même les animaux ne soient pas torturés et dit :

Évitez de prier sur les routes et de vous y installer ! En effet, ce sont des endroits où passent les serpents et les prédateurs. De même ne faites pas vos besoins sur les routes car ce sont des comportements désagréables à même d’encourir la malédiction ![6]     

Évitez ces trois choses qui peuvent vous attirer la malédiction : ne faites vos besoins au pied des arbres, sur la route, et dans des endroits qui servent d’ombrage aux gens ![7]

2) Importuner sciemment :

Des comportements tels que pousser les gens pour essayer de se frayer un chemin pendant la circumambulation, sur les routes du Hedjaz, dans les aéroports, aux entrées et sorties, durant les visites des lieux saints sont des actes qui ne sont pas conformes à la bienséance du musulman. Un jour, l’Envoyé de Dieu r conseilla en ces termes son compagnon Omar u d’agir soigneusement pendant la circumambulation :

« Ô Omar ! Tu es un homme fort et puissant. Ne pousse pas et n’importune pas les gens en voulant accédant à la pierre noire ! Ne te dérange pas et ne dérange pas les autres ! Si la voie t’est libre, approche et embrasse la pierre noire ; dans le cas contraire, étends ta main “en guise de frottement pour l’embrasser” à distance, puis prononce la profession de foi, récite le takbir[8] et continue ton chemin. »[9]  

Cette phrase détaillée est mentionnée dans les livres de la jurisprudence islamique :

“Embrasser la pierre noire ou la toucher en guise de salutation relève d’un acte surérogatoire. Éviter de causer du tort à un musulman est un acte obligatoire. Il n’est pas admis de nuire à un musulman pour accomplir un acte surérogatoire.”

3) Nuire avec la langue :

Nous devons bien maîtriser notre langue dans le Haramayn et faire attention à ne pas offenser quiconque avec nos paroles.

Les compagnons demandèrent au bien-aimé Prophète r :

“ Ô Envoyé de Dieu ! Une dame passe ses nuits en adoration, ses journées en jeûne, et accomplit tant d’œuvres pie mais ses voisins sont victimes de ses propos outrageants. Que dites-vous à propos de cette dernière ?”

Sur ce, le Prophète r répondit :

Point de mérites pour elle ! Elle sera vouée à l’enfer.

À la suite de cela, ils y dirent :

“Il y a aussi une autre dame qui, en dehors des actes obligatoires, n’accomplit pas beaucoup de prières surérogatoires, ne jeûne pas beaucoup non plus mais elle donne souvent des fromages secs comme aumône et ne cause aucun tort à ses voisins.”

Le Messager de Dieu r répliqua alors :

Elle entrera au paradis.”[10]

Mis à part les propos outrageants, il n’est pas permis de déranger les gens même avec la récitation coranique qui est pourtant une adoration fortement encouragée.

Une fois, l’Envoyé de Dieu r se retira dans la mosquée pour une retraite spirituelle. Lorsqu’il entendit certaines personnes lire le Coran à haute voix, il leva son rideau et leur dit :

“ Faites attention ! Chacun de vous s’adresse au Seigneur. Ne vous dérangez absolument pas les uns les autres ! Lorsque l’un d’entre vous est en prière ou récite le Coran, qu’il n’élève pas sa voix au-dessus de celle des autres !”[11] 

Qatâda t raconte ceci :

“ Évitez de causer du tort aux croyants ! Car Allah Tout-Puissant les protège et tourmente ceux qui les importunent. Selon ce qui est rapporté, Omar bin Khattab t fut terrifié lorsqu’il récita ce verset :

Et ceux qui offensent les croyants et les croyantes sans qu’ils l’aient mérité, se chargent d’une calomnie et d’un péché évident.[12]

Il se rendit immédiatement auprès de Ubey bin Ka’b t et une fois à ses côtés, il lui dit :

“Ô Abou Moundhir! J’ai lu un verset qui m’a fait trembler de tout mon corps. Par Dieu ! Il m’arrive parfois de punir et même de battre les croyants.”

Alors Ubey bin Ka’b t lui répondit :

“En fait, tu n’es pas de ceux qui sont évoqués dans ce verset coranique. Tu es en effet un enseignant. (Tu éduques les gens et agis ainsi dans l’intention de gouverner en justice.)”[13]

Ce verset coranique qui fit trembler le noble compagnon Omar t de tout son corps doit pouvoir au moins faire trembler notre cœur.

Nous devons être conscients de ce que nous faisons et des raisons qui nous y poussent, tout comme nous devons mesurer les avantages et inconvénients de chaque acte que nous posons.

En accomplissant un acte surérogatoire, on doit éviter de tomber dans l’illicite.

Nous devons accorder une importance capitale à la sounna obligatoire ; toutefois, en les accomplissant, nous sommes tenus d’observer les mesures de politesse et de délicatesse prophétiques.


[1].          L’Omra (en arabe : umra, عُمْرة) est une sorte de petit pèlerinage à la ville sainte de La Mecque.

[2].          L’ihram est un terme arabe lié au hajj qui signifie état de sacralisation rituelle ; vêtement de pèlerinage etc… Pendant tout le pèlerinage, le pèlerin doit être en état d’ihram (إحرام) qui symbolise l’entrée dans l’univers sacré.  Le pèlerin doit se soumettre à une purification physique (grandes ablutions) et à une certaine hygiène de vie.

[3].          Haramayn est l’appellation traditionnelle des deux villes saintes de l’Islam à savoir La Mecque et Médine. Le présent texte traite des actes à éviter dans les lieux sacrés de La Mecque, mais ces recommandations valent pour les deux villes saintes de l’Islam et pour cette raison il est mentionné Haramayn (pluriel de Haram)

[4].          La station d’Abraham ou Maqâm Ibrahim (en arabe : مَقام إبراهيم) est une pierre sacrée pour l’islam car elle porterait les traces des pieds qu’Abraham laissa en s’y appuyant lors des travaux de construction de la Kaaba. Elle est à La Mecque dans la Mosquée al-Haram, en face du mur de la porte d’entrée de la Kaaba.

[5].          Abû Dawûd, Djihâd (15), 944, 2629 ; Ahmed, III, 441.

[6].          Ahmed, III, 305; 381.

[7].          Abû Dawûd, Tahârat, 14/26; Ibn-i Maja, Tahârat, 21.

[8].           Le «takbir» est une expression dans laquelle on dit en Arabe «Allahou Akbar» (ٱللَّهُ أَكْبَرُ). Elle signifie «Dieu est le plus grand». Même si le Coran ne l’évoque pas le Takbir est répétée plusieurs fois dans les cinq prières quotidiennes et est très courante en Islam.

[9].          Ahmed, I, 28; Haythamî, III, 241.

[10].         Ahmed, II, 440; Hâkim, IV, 183-184/7304; Haythamî, VIII, 169.

[11].         Abou Dawûd, Tatawu, 25/1332.

[12].         Sourate al-Ahzab (33), verset 58.

[13].         Ibn-i Abî Hâtim, Tafsîr, X, 3153.

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