Les Réseaux Sociaux sont-ils Bénéfiques ou Néfastes ?

Avr 27, 2021 par

Adem Ergül

Face aux prouesses hallucinantes de la technologie, il nous est indispensable d’inscrire au nombre de nos thèmes d’actualité cette problématique fondamentale, à savoir “l’éthique de la technologie”. Fondamentalement, l’éthique ne concerne pas la technologie elle-même, mais plutôt l’utilisateur qui s’en sert. Lorsque la nature saine de l’homme est corrompue et altérée, ce dernier ne pourra qu’abuser des bienfaits divins dont il jouit, même ceux les plus insignifiants.

Un récit nous est ainsi conté :

« Suite à la fatigue et au stress de la semaine, un homme se réveilla au matin d’un dimanche, prit son journal et s’installa aisément dans son fauteuil dans l’intention de se délecter en passant toute la journée à domicile. Quelques instants plus tard, son fils accourut vers lui et lui demanda à quel moment ils comptent aller au parc. Le père avait promis à son fils qu’il l’emmènerait au parc ce week-end. Toutefois, étant donné que le père n’éprouvait aucune envie de sortir, il fallait donc inventer un prétexte à l’enfant. À cet instant, il vit la carte du monde conçue en morceaux de carton et qu’il avait reçu comme cadeau de la maison du journal qu’il lisait. Il déchira la carte en petits morceaux et, en les tendant à son fils, dit :

  • Ô mon fils ! Si tu parviens à rétablir cette carte, je t’emmènerai au parc.

Puis il se fit à cette idée : “ Ah enfin ! J’ai pu me tirer de ce pétrin. Même si l’on demandait au meilleur professeur de géographie de rétablir cette carte, même jusqu’au soir, il n’y parviendrait pas.”

Dix minutes plus tard, l’enfant se précipita vers son père :

  • Papa, j’ai ordonné la carte. Emmène-moi maintenant au parc !

Au début, le père fit montre d’incrédulité et voulut vérifier. Lorsqu’il vit la carte, il fut ébloui et demanda à son fils comment il était parvenu à la reconstituer. L’enfant donna cette explication pleine de sagesse :

—Ô père ! Il y a au revers de la carte l’image d’un homme. Lorsque je suis parvenu à rétablir son image, la carte du monde s’est rétablie d’elle-même. »

Cet incident est à même de nous rafraîchir la mémoire quant à ces paroles bénies du Messager d’Allah (Erreur ! Nom du fichier non spécifié.) :

« Chaque bien constitue pour le serviteur pieux un bienfait[1]. »

C’est l’être humain lui-même qui fait de ce qu’il possède un bien bénéfique ou néfaste. Un homme dépourvu de purification spirituelle, esclave de ses passions et de son âme instigatrice du mal ne peut qu’abuser des biens qu’il détient. Il transformera les biens dont il jouit en produits néfastes.

Abû Saïd al-Khudrî – qu’Allah soit satisfait de lui – rapporte :

« Lorsque le Messager d’Allah (Erreur ! Nom du fichier non spécifié.) portait un nouveau vêtement et de nouveaux accessoires comme un turban, une chemise, une tunique, il évoquait le Nom de son Seigneur et Lui rendait grâce à travers cette bénédiction :

“Ô mon Dieu ! Que toute louange te soit rendue ! C’est Toi Qui m’as gratifié de ce que je porte. Octroie-moi son bien et le bien pour lequel il a été conçu ; et préserve-moi de son mal et du mal (si tel est le cas) pour lequel il a été conçu[2] ! ”

Eu égard au noble hadith précité, nous pouvons faire cette approche concernant n’importe quel bien dont on jouit :

  1. Tout bien peut être source de bienfait comme de méfait. On peut donc admettre qu’il existe en chaque chose ces deux grandes potentialités : le bien et le mal.
  2. Il est possible qu’un bien qui paraît source de bienfait ait été conçu pour l’un de ces deux buts : positif ou négatif. Par exemple, on érige une construction qui, en apparence, est une mosquée ; mais il peut s’avérer qu’en réalité cette mosquée soit conçue pour semer les troubles et la discorde au sein de la communauté.

D’autre part, dans l’industrie de la guerre, quelle est cette idée qui nous pousse à fabriquer des armes de guerre sans faire la part entre la norme et le délit ? Un croyant peut-il avoir à l’esprit une telle idée, qu’il s’agisse même d’une imagination momentanée ? Ceux qui font de l’oppression leur profession ont conçu certains arsenaux de guerre dont l’utilisation pourrait anéantir le monde et réduire à néant tout ce qui se trouve sur la surface de la terre. Il est de la responsabilité de toute l’humanité de procéder à la destruction de ces armes massives. Quant aux hommes de foi à qui la Terre fut confiée comme dépôt, leur responsabilité est encore plus énorme. Ceci dit, c’est en Dieu que nous devons nous réfugier contre le mal de ces biens tout en ne négligeant pas de prendre toutes les précautions nécessaires à l’encontre de ceux-ci.

En outre, nous bénéficions de moyens technologiques dont les utilisateurs seraient susceptibles d’employer comme bon leur semble. C’est d’ailleurs le sujet fondamental de notre rédaction. Il est question, à titre de rappel, des médias, des réseaux sociaux et des moyens de communication.

Quelle posture devons-nous adopter face aux exploits fascinants de l’Internet et de la technologie de la science ? En vérité, il s’agit d’une part de progrès très bénéfique. L’accession facile à l’information, l’éducation, la communication, les échanges de valeurs, la réalisation aisée des travaux à travers un procédé rapide, sécurisé et de bonne qualité, tels sont les innombrables exemples liés aux bienfaits de la technologie que nous pouvons citer. D’autre part, ces progrès paraissent aussi comme un vaste champ de prédilection du Diable et de notre ego. C’est un domaine à l’origine de bon nombre d’inconvénients et d’actes avilissants tels que l’impiété, la médisance, la calomnie, les services secrets, le colportage, les pensées et pratiques sataniques, les occupations superflues. C’est une plateforme qui donne lieu à des réseaux, des bandes de criminels, à des infractions qui encourent la dislocation des familles, et même la dégénérescence sociétale.

Les canaux de communication tels que les téléphones androïdes et autres tablettes poussent aisément leurs utilisateurs à commettre toutes sortes de péchés et actes indignes. À cause de ces appareils, les contrôles parentaux sont négligés, les règles de bienséance dans les localités et les mesures de protection des valeurs communautaires sont bafouées. Pareillement, quant à leur utilisation, l’homme se retrouve seul face à son âme instigatrice du mal. À travers un procédé théorique, on dira que le loup s’est saisi de l’agneau sans propriétaire. Car, si l’être humain perd son sens du bien provenant de sa saine nature, il sera facilement captivé par son instinct et le Diable. L’homme planifie ses grands péchés et délits en toute discrétion et les commet lorsqu’il se sent soustrait au regard des autres. C’est pour ce motif que l’épouse du souverain d’Égypte ferma toutes les portes de sa demeure quand elle invita le prophète Yûsuf[3] à l’illicite. Allah détaille ainsi cette scène dans le Sublime Coran :

« Et quand il eut atteint sa maturité Nous lui accordâmes sagesse et savoir. C’est ainsi que nous récompensons les bienfaisants. Or celle [Zulikha] qui l’avait reçu dans sa maison essaya de le séduire. Et elle ferma bien les portes et dit : « Viens, (je suis prête pour toi !) » – Il dit : « Qu’Allah me protège ! C’est mon maître qui m’a accordé un bon asile. Vraiment les injustes ne réussissent pas ». Et, elle le désira. Et il l’aurait désirée n’eût été ce qu’il vit comme preuve évidente de son Seigneur. Ainsi [Nous avons agi] pour écarter de lui le mal et la turpitude. Il était certes un de Nos serviteurs élus[4]. »

Cependant que, eu égard aux merveilles de la technologie, l’homme vit une situation dans laquelle il se retrouve seul dans une chambre face aux aspirations diaboliques de son âme. Ce qui a préservé le noble prophète Yûsuf (paix sur lui) et l’a fait mériter l’assistance divine au moment de cette grande épreuve, c’est sans nul doute un cœur et une volonté ferme qui lui avaient permis d’affirmer : « Je me réfugie auprès d’Allah ; qu’Allah me protège ! » 

Cela étant, en ce qui concerne la génération qui est la nôtre, nous sommes appelés à nous évertuer sans relâche afin de détenir un cœur et une volonté à même de nous inciter à demander la protection divine contre le piège subtil des réseaux sociaux. Pour que nos enfants, jeunes et adultes, puissent posséder un tel cœur et une telle volonté, il est vital que nous leur apprenions à connaître véritablement notre Seigneur [Allah] depuis leur plus tendre enfance, à L’aimer, à Lui vouer une crainte révérencielle et que nous demeurions pleinement conscients de la reddition des comptes au Jour dernier. Jusqu’à l’adolescence, la responsabilité de l’individu s’apprend au sein de la famille, à l’école et au sein de la société. Après cette période, il apprend lui-même à devenir responsable. Ainsi donc, l’homme se préservera-t-il et fuira, à la mesure du possible, les facteurs matériels et immatériels susceptibles de souiller son corps, son intellect, son cœur et ses aspirations égotiques. Il s’assimilera sérieusement aux milieux environnementaux positifs et constructifs afin de pouvoir se développer et progresser dans le sens du bien ; et il sera par conséquent doté de toutes les aptitudes nécessaires pour faire face aux ennemis de tout genre.

Nous avons impérieusement besoin d’acquérir un savoir qui nous permettra de jouir positivement de la technologie. En effet, il ne suffit pas seulement pour un individu de détenir un savoir, il doit aussi profiter de ce savoir et non en abuser en l’utilisant à des fins malsaines. Les sens, l’instinct et l’intellect de l’humain influencent la science qu’il possède. Lorsque ce dernier n’éduque pas et ne purifie pas son âme de son caractère pernicieux – même s’il atteint biologiquement l’âge de soixante-dix ans – il sera en proie aux effets néfastes de la technologie et ne manquera pas d’être réduit au rang de “asfala sâfiline”, c’est-à-dire au niveau le plus bas de la création.

En résumé, pour chaque bien dont nous jouissons, d’une part nous devons obligatoirement rendre grâce à Allah et Lui être reconnaissants ; et d’autre part, il est aussi nécessaire de trouver refuge auprès de Lui contre les diverses tentations relatives à ces biens.


[1] Ahmad b. Hanbal, IV, 197,202.

[2] Abû Dâwud, Libâs, 1 ; Tirmidhî, Libâs, 28.

[3] Joseph – paix sur lui.

[4] Sourate Yûsuf, 12, versets 22-24.

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