Répondre au mal par le bien

Mar 14, 2019 par

Osman Nûri Topbaş

Tout principe en Islam renvoie au bon comportement, et tout bon comportement reflète une foi noble et profonde.

Notre Prophète (pbsL) a dit : « Je n’ai été envoyé que pour parfaire le bon comportement »[1]

Ainsi, pour devenir un croyant accompli (al-mumin al-kamil), il est nécessaire de réaliser les injonctions islamiques dans leur profondeur à travers une approche éthique. Dans le cas contraire, notre dignité d’être humain se trouverait endommagée et l’espoir d’un bonheur éternel perdu à jamais.

C’est à travers son excellent comportement que notre Prophète (pbsL) a offert une civilisation de vertu à l’ensemble de l’humanité.

Les amis d’Allah (awliyahu-l-Lah) sont les héritiers des Prophètes عَلَيْهِمُ السلام qui perpétuent la Sunna du Messager d’Allah avec un amour profond et le sens du don.

Parmi les plus importantes vertus que l’on trouve dans le bon comportement des Prophètes عَلَيْهِمُ السلام et des Amis d’Allah رَحْمَتَ الله عَلَيْهِمُ il y a le pardon.

Au nom de la satisfaction divine, ils pardonnent les excès et les injustices qu’ils rencontrent chez les croyants, ils répondent par le bien à la méchanceté dans laquelle sont enfermés des hommes et des femmes. Ainsi, ils dépoussièrent et revivifient le cœur des adorateurs d’Allah Le Tout Puissant en les acceptants intérieurement avec douceur et miséricorde au sein, dans leur palais spirituel.

Ce bon comportement nous annonce en même temps une très belle nouvelle pour l’au-delà.

Un verset du Coran mentionne en effet le fait suivant :

« et qui endurent dans la recherche de l’agrément d’Allah, accomplissent la Salat et dépensent (dans le bien), en secret et en public, de ce que Nous leur avons attribué, et repoussent le mal par le bien. A ceux-là, la bonne demeure finale. »[2]

Toute personne qui aspire à être accueillie dans la miséricorde et le pardon d’Allah Le Tout Puissant, doit savoir accueillir par le bien, les fautes et même la méchanceté, des autres.

D’ailleurs, les Prophètes عَلَيْهِمُ السلام, les maîtres spirituels (murchid), les savants (alim), et les gnostiques (arif) -qu’Allah Le Tout Puissant a offert comme guides à l’humanité – ont toujours manifesté un comportement noble.

AUJOURD’HUI PAS DE RÉCRIMINATION CONTRE VOUS !

Le récit de Yusuf (Joseph) (pbsl) narré dans le Saint Coran est un parfait exemple qui exhorte à agir en bien face au mal.

Yusuf (pbsl) était, parmi ses douze enfants, celui pour lequel Jacob u son cœur avait un penchant excessif car il ressentait chez Yusuf (pbsl) une sensibilité spirituelle plus développée que chez ses autres enfants. Les frères de Yusuf (pbsl) devinrent jaloux de lui au point de décider de le tuer et finirent par le jeter dans un puits.

Sauvé par une caravane qui passait près du puit, Yusuf (pbsl) fut finalement amené en Egypte et vendu en tant qu’esclave.

Après une longue période ponctuée d’épreuves extrêmement lourdes, il finit par être élevé au rang de ministre du Trésor du Royaume d’Egypte. Il fut notamment le responsable de la distribution de nourritures pendant les années de famine. De longues années après l’incident du puits, ses frères rejoignirent l’Egypte afin de pouvoir bénéficier de cette aide alimentaire. Yusuf (pbsl) qui retrouvait ainsi ses frères, leur cacha son identité. Le poste qu’il occupait à cette époque lui aurait permis d’ordonner l’exécution de ses frères sans la moindre difficulté. Cependant, il ne les condamna pas, ni ne les réprouva. Il  se trouva au contraire dans le don et multiplia les bienfaits à leur égard. Face à cette magnanimité, ses frères ne purent s’empêcher d’avouer alors qu’ils étaient dans une grande confusion :

« Certes tu es Yusuf ! …Allah t’a véritablement élevé à une station très élevée. » [3]

Ils finirent par avouer la vérité, remplis de honte. Yusuf (pbsl) accrut sa bonté en leur déclarant :

« Pas de récrimination contre vous aujourd’hui ! Qu’Allah vous pardonne. C’est Lui Le plus Miséricordieux des miséricordieux. »[4]

Puis, afin d’adoucir leur honte, il u leur dit :

« … le diable qui a suscité la discorde entre mes frères et moi.»[5]

Assurément, la vertu fondamentale constitue à pardonner les erreurs de nos prochains pour la Satisfaction Divine le Jour Dernier (Yawm el akhir), quand bien même la personne détiendrait le pouvoir de sanctionner ou leur rendre la pareille.

A l’inverse, se fâcher et se venger sur une affaire personnelle entraîne l’autosatisfaction de l’ego et la démonstration de puissance arrogante.

Or, si le croyant profite d’un incident pour maitriser ses pulsions et se tourner vers l’excellence (ihsan) en pardonnant, il peut alors acquérir un esprit (ruh) noble.

De fait, celui qui s’enferme dans la vengeance, enchaîne sa volonté et se laisse dominer par sa pulsion. Un homme qui tombe dans un tel état intérieur peut rencontrer de grandes difficultés à en sortir.

La colère est un état de tristesse dans lequel l’intelligence perd toute influence. Face au piège de la colère, le meilleur remède reste la bonté et le pardon. Tout deux reçoivent une grande récompense de la part d’Allah Le Tout Puissant qui dit d’ailleurs :

« Et concourez au pardon de votre Seigneur, et à un Jardin (paradis) large comme les cieux et la terre, préparé pour les pieux, qui dépensent dans l’aisance et dans l’adversité, qui dominent leur rage et pardonnent à autrui – car Allah aime les bienfaisants ».[6]

En résumé, la réponse au mal par le bien s’effectue en trois étapes : vaincre la colère, le pardon, la réalisation spirituelle dans le bien et l’excellence…

J’ai été envoyé comme miséricorde et non pas comme châtiment (peine)

Tout au long de sa vie notre cher Prophète (pbsL) n’a cessé de répondre au mal par le pardon et le bien. La tendresse, la miséricorde et l’amour profond de Celui qui fut envoyé comme Miséricorde pour les mondes embrassa l’ensemble de l’humanité. Un jour, alors que les croyants n’arrivaient plus à supporter l’oppression des associationnistes, ils demandèrent au Prophète (pbsL) de les maudire. Il leur donna la réponse suivante : « J’ai été envoyé comme miséricorde et non pas comme châtiment (peine) ».

Ainsi son âme sainte n’avait pour but que de sauver l’ensemble de l’humanité. Son âme était un joyau de tendresse et de miséricorde.

Lorsqu’il partit à Taïf afin de prêcher l’Islam, le peuple ignorant et idolâtre de cette ville le lapida. Alors que le Prophète (pbsL) repartait attrister Allah lui envoya pour le consoler son Bien Aimé Gabriel – Jibril u et l’ange des montagnes. L’ange lui fit savoir que s’il le souhaitait il pouvait faire effondrer les monts qui encerclaient la ville sur ses habitants. La miséricorde des mondes refusa et dit :

« Non, mon seul souhait est que les descendants des habitants de cette ville adorent Allah et ne Lui associent rien » [7]

Jusqu’à la neuvième année hégirienne, les habitants de Taïf causèrent la mort de nombreux musulmans.

Les croyants, épuisés, finirent par implorer le Prophète (pbsL) :

« Ô messager de Dieu ! Les lances et les flèches de la tribu de Sakif nous ont décimé. Nous vous prions de faire une invocation (doua) contre cela !»

Le Prophète (pbsL) fit alors cette invocation :

« Ô mon Seigneur ! Guidez la tribu de Sakif ! Envoyez-les vers nous ! »

Quelques années plus tard, le peuple de Taif fut honoré par l’Islam.

L’une des plus belles manifestations de la bonté du Prophète (pbsL) apparut lors de la conquête de la Mecque. Ce jour, les associationistes qui avaient pendant de longues années opprimés et martyrisés les musulmans, se rendirent aux mains de ces derniers.

L’ordre qui vint de la bouche bénie du Prophète (pbsL) fut que chacun reçoive un jugement juste et équitable.

L’Envoyé d’Allah (pbsL) demanda aux mecquois réunis autour de la Kaaba :

« Ô vous les Qura’ich! Vous demandez-vous ce que je vais faire de votre droit ?

Ils répondirent : « Nous espérons ton bien et ta gentillesse.  Tu feras le bien ! Toi, le détenteur du bien et de la clémence ! Tu es le fils des détenteurs du bien et de la clémence !».

Le Prophète (pbsL) répondit alors :

« Telle la parole que Yusuf u prononça à ses frères, je vous dis : « Aujourd’hui il n’y a aucune rancune ni humiliation pour vous (à cause de leurs actions passées). Qu’Allah vous pardonne ! Certes, Il est le plus Miséricordieux des miséricordieux. » Allez partez ! Vous êtes libres désormais[8]

Devant ce pardon, cette miséricorde et cette bonté sans pareilles, le cœur des Mecquois se débarrassa de la rancœur et de l’hostilité passée. Leur cœur pu désormais accueillir de nobles attributs tels que l’amour, l’amitié et la sincérité. Ainsi, l’adoucissement du cœur vis-à-vis de la religion constitua ce jour-là pour beaucoup d’hommes et de femmes une guidance vers l’Islam. Le verset suivant se réalisa :

« La bonne action et la mauvaise ne sont pas pareilles. Repousse (le mal) par ce qui est meilleur ; et voilà que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux»[9]

N’oublions pas que l’être humain est toujours défait par le bien et l’excellence. Le bien et l’excellence suffisent à réformer le plus satanique des ennemis.

Le bien comme remède…

L’acte de rendre le bien par le bien et le mal par le mal n’est nullement vertueux.

La véritable vertu se réalise en rendant le mal par le bien.

Ainsi, celui qui fait le bien voit son ennemi devenir ami, son camarade se rapprocher de lui et celui qui se rapproche de lui devenir un confident intime et sincère.

Le bien est un voile qui protège la personne qui commet le mal et qui l’empêche de tomber encore plus bas dans l’obscurité.

Mawlana Rûmî قدس سرّه interprétait le bon comportement prophétique en ces termes :

« Sache que la Miséricorde d’Allah est toujours supérieure à la peine. (C’est grâce à leur miséricorde que) chaque Prophète u l’emporta face à son adversaire ».

« La résolution du mal ne passe pas par l’oppression mais par le pardon et la générosité du cœur. « Les sadaka déjouent le mal » que ce rappel prophétique te réveille ! Désormais, tu connais la méthode contre les maladies (du cœur) et le mal ».

Le Prophète (pbsL) pardonna à de nombreux criminels afin de les réformer et de les sauver éternellement alors qu’il était en position de les punir. De fait, la véritable connaissance (marifah) et la noblesse authentique se trouvent dans la maîtrise de l’ego et le choix du pardon et de l’excellence au lieu de la force et de la vengeance.

D’ailleurs, un hadith nous dit à ce sujet :

« Le fort n’est pas celui qui vainc son adversaire par la force mais celui qui sait se maîtriser dans les moments de colère. »[10]

C’est aussi la réalité exprimée dans le verset suivant :

« La sanction d’une mauvaise action est une mauvaise action [une peine] identique. Mais quiconque pardonne et réforme, son salaire incombe à Allah… »[11]

En plus du pardon, le Prophète (pbsL) était aussi marqué par les attributs de paix, de silence, d’amitié et de bon comportement face au mal.

En tant que membres de sa communauté, nous aussi devons aspirer à acquérir ces caractéristiques. Il ne convient pas aux musulmans accomplis (al-mumin al-kamil) de pardonner seulement les jours de fête. Il faut au contraire travailler à assimiler l’attitude du pardon dans l’essence même de notre être, et d’en faire une preuve de l’accomplissement de notre foi.

Dans ce hadith le Prophète (pbsL) nous délivre une sagesse à méditer profondément :

« Qu’aucun d’entre vous ne dise : « Je suis à l’image de mon interlocuteur, s’il fait le bien, je fais le bien, s’il se comporte mal, je me comporte mal ». Au contraire, éduquez votre ego (nafs) jusqu’à répondre au bien par le bien et à ne pas commettre d’injustice devant le mauvais comportement. »[12]

« Ne rompez pas les liens avec celui qui a rompu les liens ! Donnez à ceux qui ne vous donnent pas ! Pardonnez à celui qui vous a fait du mal ! »[13]

« Ou que tu sois, aies crainte d’Allah. Répond au mal par le bien afin que le mal soit déjoué à sa racine. Présente un bon comportement aux gens ! »[14]

« Je vis les palais qui donnaient sur les Jardins du Paradis.

Je demandai à Djibril u : « Pour qui sont ces palais ? ».

Il u répondit : « Pour ceux qui ont enterré leur colère et leur hostilité et qui ont été tolérants devant les fautes des gens, pardonnant ces derniers ».[15]

Pardonner au bon moment

Il est important de rappeler que si le pardon est essentiel, ce dernier doit cependant s’opérer dans des circonstances particulières. En d’autres termes, il n’est pas bon de pardonner toutes les fautes quelles qu’elles soient.

Le pardon est relatif à la gravité de la faute commise. Or, il existe certaines fautes qui violent le droit de toute la société, qui bafouent le peuple et la religion. Dans ce cas, mieux que de pardonner, il est nécessaire de montrer clairement la différence entre le vrai et le faux, de donner une punition qui rétablisse la justice et réforme la personne coupable. La société a en effet le droit de ne pas être oppresser. Or il y a certaines fautes qui si elles venaient à être pardonnées, ouvriraient les portes à une injustice encore plus grande.

A ce sujet, notre mère Aicha c mentionne l’état du Prophète (pbsL) suivant : « … le Messager d’Allah ne se vengeait pas contre celui qui lui faisait du mal personnellement (il ne le punissait pas). C’est seulement lorsqu’un interdit d’Allah Le Tout Puissant était bafoué qu’il (pbsL) se vengeait (il le punissait), au nom d’Allah ».[16]

De même que la colère impulsive, la division et la corruption sont des marques de faiblesse du caractère, ne pas s’énerver quand il le faut relève d’une certaine bassesse du comportement. En effet, s’indigner au nom d’Allah Le Tout Puissant est parfois une obligation imposée par la foi.

Ne voudriez pas qu’Allah vous pardonne ?

Abu Bakr (r.a) était l’illustration du pardon et de la bienfaisance. Lui, qui s’était éteint en Mohammed (pbsL) venait régulièrement en aide à un pauvre nommé Mistah Ibn Uthatha (r.a). Cependant, quand il comprit que ce dernier avait participé à la calomnie orchestrée à l’encontre de Aicha (r.a) Abu Bakr (r.a) jura de ne plus aider cet homme et sa famille.

Mistah et sa famille s’appauvrirent considérablement après qu’Abu Bakr (r.a) eut pris cette décision.

Sur ces entrefaites descendirent les versets suivants :

« Et que les détenteurs de richesse et d’aisance parmi vous, ne jurent pas de ne plus faire des dons aux proches, aux pauvres, et à ceux qui émigrent dans le sentier d’Allah. Qu’ils pardonnent et absolvent. N’aimez-vous pas qu’Allah vous pardonne ? et Allah est Pardonneur et Miséricordieux ! »[17]

« Et n’usez pas du nom d’Allah, dans vos serments, pour vous dispenser de faire le bien, d’être pieux et de réconcilier les gens. Et Allah est Audiant et Omniscient. »[18]

A la suite de cette révélation, Abu Bakr (r.a) déclara :

« Certes, j’aimerais qu’Allah me pardonne ! » Il revint sur sa parole, paya le dû pour cela et continua à faire le bien qu’il faisait auparavant.[19]

Ainsi, en pardonnant aux créatures nous accédons au Pardon d’Allah Le Tout Puissant. C’est un horizon qui ne peut être abandonné par le croyant accompli (al-mumin al-kamil).

A quel point sommes-nous prêts à rendre le bien ?

Un jour les Compagnons y demandèrent au Messager d’Allah (pbsL) les raisons de son grand amour pour Ali (r.a). L’aimé des mondes, Le Prophète (pbsL) ordonna qu’on appelle Ali (r.a). Un des Compagnon partit donc l’appeler.

Entre-temps, le Bien Aimé demanda à ses Compagnons : « Ô mes Compagnons ! Si vous faisiez du bien à quelqu’un et que ce dernier venait à vous faire du mal en retour, comment réagirez-vous ? ».

Les Compagnons répondirent qu’ils répondraient par le bien.

Le Prophète (pbsL) répéta alors : « Et si ce dernier venait à vous faire du mal de nouveau ? »

Les Compagnons y répétèrent qu’ils agiraient par le bien.

Alors le Prophète (pbsL) demanda une dernière fois : « Et si une énième fois il venait à vous faire du mal ? »

Les Compagnons y baissèrent la tête et ne donnèrent aucune de réponse.

Puis Ali (r.a) vint auprès du Prophète (pbsL) qui lui demanda :

« Ô Ali, comment te comporterais-tu envers la personne à qui tu as fait le bien, si elle venait à te faire du mal ? ».

Il dit : « Je lui répondrais par le bien ».

Le prophète (pbsL) répéta cette même question sept fois, Ali (r.a) donna toujours la même réponse : « Je ferais le bien ».

Puis il ajouta : « je persisterais à faire le bien ».

D’ailleurs, Ali dit un jour la parole suivante :

« Le pire des hommes est celui qui répond au bien par le mal. Le meilleur des hommes est celui qui répond au mal par le bien. »

« Répondez au mal par le bien, sans vous poser la moindre question ».

L’homme est défait par la générosité

D’après ce qui est rapporté, un des petits fils d’Ali maudit ce dernier. Or, Ali (r.a) ordonna que l’on lui donne sa propre monture suivie de mille dirhams. Puis, il exposa les cinq bienfaits de son geste :

Premièrement promouvoir la tendresse sage, deuxièmement éviter le tourment, troisièmement sauver la personne de l’éloignement d’Allah Le Tout Puissant, quatrièmement encourager la personne à s’excuser et à faire repentance, cinquièmement transformer le rejet de la personne en sympathie et louanges.

De même, on rapporte qu’un homme insulta Ibn Abbas (r.a) ne répondit point et se retournant vers Ikrimah (r.a) il lui suggéra :

« Devrions-nous vérifier si cet homme a besoin de quelque chose ? »

En entendant cette parole, l’homme en question eut honte et bassa la tête.

Je pleure mon ennemi

L’état spirituel de l’Awliyah Fudayl bin Iyaz est un autre exemple de raffinement du cœur que l’on retrouve chez les croyants accomplis :

Les gens le virent un jour pleurer. Ils lui demandèrent la raison de ses larmes. Il leur confia alors :

« Ce sont des larmes de tristesse pour ce pauvre musulman qui m’a oppressé ! Je pleure car je sais que mon droit le poursuivra jusqu’au Jour du Jugement. »

De nouveau, on rapporte cette sagesse de Fudayl bin Iyaz. Quelqu’un l’interpella un jour en ces termes : « Untel bafoue votre honneur par sa langue ! ».

Fudayl bin Iyaz répondit : « Je ne lui en veux pas, j’en veux plutôt à Satan qui lui a insufflé ses mauvaises paroles. »

Puis il fit cette supplication : « Ô Allah, si cette personne dit vrai à mon sujet, pardonne-moi, s’il répand un mensonge, pardonne-lui. »

Hallaj al Mansur قدس سرّه qui tient une place particulière dans le cœur des gnostiques (arif) et des amoureux d’Allah (‘achiq), supplia Allah U lors de sa lapidation :

« Ô Seigneur ! Pardonne-les avant moi ! »

Il dévoila ainsi la générosité de son cœur.

Un jour Rabi ibn Haysam رَحْمَتَ الله عَلَيْهِ, alors qu’il faisait la prière, aperçu quelqu’un voler son précieux cheval, mais au lieu de poursuivre le voleur, le cheikh continua sereinement sa prière. Ses amis qui avaient de l’empathie pour lui vinrent le consoler. Ce dernier leur dit : « J’ai vu cet homme voler mon cheval. Mais j’étais alors pris par une affaire beaucoup plus importante. Une activité que j’aime par-dessus tout. C’est pour cela que je ne l’ai pas poursuivi.»[20]

Suite à cette parole, ses amis commencèrent à faire des invocations contre le voleur en question. Le cheikh les reprit alors : « Prenez garde, je n’ai pas été oppressé ! C’est plutôt cet homme qui a été oppressé par son ego (nafs). Vous ne voulez tout de même pas que nous l’oppression à notre tour ! »

Chacun vend sa propre marchandise 

‘Isa (pbsl) avait joint quelques Juifs afin de leur prêcher le message divin. Ces derniers commencèrent à lui manquer de respect. Néanmoins, ‘Isa u ne perdit pas sa tranquillité et continua à s’adresser à eux avec élégance et courtoisie.

Les gens qui assistèrent à la scène s’étonnèrent : « Ils te parlent mal et toi tu continues de leur parler avec respect ?

Il répondit : « Chacun vend sa propre marchandise. ».

En d’autres termes, tout comportement, état et action d’un individu reflète son être intérieur.

Un comportement élégant ne peut émerger d’un monde spirituel obscur. La lumière ne peut surgir d’intentions sombres.

Par conséquent, répondre au mal par le mal est le fait d’hommes immatures.

En revanche, celui qui peut répondre par le bien avec toutes les créatures a atteint un degré spirituel élevé.

Ainsi, ce caractère comporte trois étapes :

  • Premièrement, répondre au bien par le bien car c’est le minimum que de remercier celui qui a été généreux avec nous. Evidemment, il est meilleur de rendre un bienfait supérieur à celui que l’on a reçu.
  • Deuxièmement, faire le bien sans attendre de retour. Ce niveau est plus élevé que le premier.
  • Enfin, la troisième étape et la plus honorable, rendre le bien à celui qui nous fait du mal. De fait, la valeur de tout bienfait est relative à son niveau de difficulté, et il est très difficile de vouloir le bien à celui qui est enfermé dans le mal.

A ce sujet, Mawlana Rûmî قدس سرّه nous délivre cette profonde sagesse :

« L’eau regorge mille et une merveilles, elle accepte la saleté et la nettoie ».

Ainsi doit être le croyant accompli (al-mumin al-kamil), détenant un cœur sensible, généreux comme l’eau, aussi vaste que l’océan, qu’il le transporte et lui permet de distribuer la miséricorde (Rahma) autour de lui, même en périodes difficiles. Son cœur est transparent et reflète les attributs de la beauté, de l’élégance et de la délicatesse.

Mawlana قدس سرّه nous dit aussi : « sois comme la terre ».

La terre supporte toutes les créatures – malgré qu’elles l’écrasent – avec générosité et bonté. Ainsi la terre, accepte les déchets des créatures, les nettoie, et offre inlassablement des mets délicieux et revigorants aux vivants.

Allah Le Tout Puissant emploie à multiple reprise l’exemple de l’eau et de la terre dans le Coran afin de nous faire méditer. L’homme qui est lui-même le fruit de l’eau et de la terre, peut recevoir une spiritualité profonde et élevée s’il médite leur sagesse et qu’il parvient à en gagner les caractéristiques.

Puisse Allah Le Tout Puissant offrir à toutes et à tous, l’opportunité d’accéder à un niveau de spiritualité aussi noble.

Qu’Il nous place parmi les croyants pieux qui arrivent à voir chez l’homme le bien et la beauté, et qui de pardon en pardon, gagne la grâce d’être pardonné par notre Seigneur !

Qu’Il nous permette de nous imprégner de l’état spirituel des maîtres (amis d’Allah) et de vivre l’épanouissement sans fin de Sa compagnie !

Amin !

[1]        Muwatta, Husnul khulq, 8.

[2]        Sourate Le tonnerre – ar-Rad- (13) verset 22

[3]        Saint Coran Sourate Joseph – Yûsuf (12) versets 90 (partiel) et 91

[4]        Saint Coran Sourate Joseph – Yûsuf (12) verset 92

[5]        Saint Coran Sourate Joseph – Yûsuf (12) verset 100

[6]        Saint Coran sourate La Famille d’Imran Al’i- Imran (3) versets 133-134

[7]        Al Boukhârî, Bad’u’l-Halk, 7; Muslim, Jihâd, 111)

[8]        Ibn-i Hicham, IV, 134; At-Tirmidhi, Manâkib, 73/3942)

[9]        Saint Coran sourate Les versets détaillés -Fussilat (41) verset 34

[10]       Al Boukhari, Adab, 76

[11]       Saint Coran sourate La Consultation Aş Shura (42) verset 40

[12]       At Tirmidhî, Birr, 63

[13]       Ahmed ibn-i Hanbal, Musnad, IV, 148, 158

[14]       I. Canan, Kutub-i Sitta, c.5, p.304

[15]       Ali el-Muttakî, no: 7016; Awarif, p. 253

[16]       Muslim, Fadâil, 79; Abû Dâwûd, Adab, 4

[17]       Saint Coran sourate La Lumière al-Nour (23), verset 22

[18]       Saint Coran sourate La Vache – al-Baqara (2) verset 224

[19]       Al Boukhârî, Maghâzi, 34; Muslim, Tawba, 56; Tabarî, Tafsîr, II, 546)

[20]       Babanzâde Ahmed Naîm, İslâm Ahlâkının Esasları, s. 85-86.

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