Une belle part ici-bas et une belle part dans l’au-delà

Mar 13, 2019 par

Doç. Dr. Durak Pusmaz

L’un des compagnons du Prophète (pbsl) tomba malade et Il lui rendit visite tout comme sa coutume l’exige. L’homme était très abattu par la maladie qu’Anasten fit cette description : « le malade maigrit au point qu’il fut réduit à la forme d’un poussin ».

Le Prophète (pbsl) choqué en voyant son compagnon malade lui demanda ce qu’il souhaitait de Lui et les prières qu’il voulait que le Prophète (pbsl) formule à Dieu pour lui.

Le malade dit :« Mon Seigneur ! Fais-moi subir les tourments avec lesquels Tu me châtieras le Jour dernier pendant que je suis encore dans cette vie ! »

Le Messager répliqua à la suite : « Louange à Allah ! Tu seras incapable de subir cela. Si seulement tu avais formulé ainsi tes prières : “Seigneur ! Accorde nous belle part ici-bas, et belle part aussi dans l’au-delà ; et protège-nous du châtiment du Feu ! ”.

Anas continua la narration en disant : « Le Messager formula des prières à l’intention du malade qui recouvra la santé plus tard ».[1]

La récitation de la formule de prière à laquelle le Prophète (pbsl) exhorta le malade est extraite du verset 201 de la sourate « Al Baqarah » (La vache). Après avoir évalué ce hadith et ces versets nous en sommes venus à classifier en trois groupes les personnes qui formulent leurs souhaits au Seigneur :

Les personnes du premier groupe prient en demandant à Dieu de les châtier ici-bas pour l’expiation des péchés qu’ils ont commis afin qu’ils soient parmi les bienheureux dans l’au-delà.

Comme le précédent hadith le signale, le Prophète (pbsl) n’a pas approuvé cette formule de prière car Allah Lui-même a ordonné de prier autant pour le bien-être de la vie présente que pour celui de la vie céleste.

Le deuxième groupe concerne ceux qui prient Dieu seulement pour les bienfaits mondains en disant : « Seigneur ! Comble-nous de Tes bienfaits ici-bas ! »

Ils ne songent point à leur part dans l’au-delà car, ils n’y croient point au Jour dernier. Tous leurs efforts et capacités ne concernent que ce bas-monde.

Allah l’Exalté a explicitement précisé qu’il n’y aura aucune récompense dans la vie future pour ce groupe de personnes.

Cette précision figure au verset 200 de la même sourate :

“Seigneur ! Accorde-nous [le bien] ici-bas ! ” – Pour ceux-là, nulle part dans l’au-delà.

Le troisième groupe est celui de ceux qui connaitront le salut car ils implorent Dieu et Lui demandent une belle part ici-bas et une autre dans l’au-delà comme indiqué dans ce verset :

« Seigneur ! Accorde nous belle ici-bas, et belle part aussi dans l’au-delà ; et protège-nous du châtiment du Feu ! ».[2]

Notre Seigneur Le Très-Haut a approuvé et apprécié cette formule de prière. En effet, Il mentionna ceci dans le verset suivant :

« Ceux-là auront une part de ce qu’ils auront acquis. Et Allah est prompt à faire rendre compte. ».[3]

Anas ibn Malek (r.a), qui eut l’insigne honneur de servir le Prophète (pbsl) tout au long de sa vie, précisa que la formule de prière du verset 200 de la sourate « La vache » était la plus appréciée et formulée parmi les invocations que le Prophète (pbsl) récitait : “Seigneur ! Accorde nous belle ici-bas, et belle part aussi dans l’au-delà ; et protège-nous du châtiment du Feu ! ”.[4]

PEU DE MOTS, PLEIN DE SENS

La formule de prière du verset récitée fréquemment par le Noble Prophète (pbsl) et à laquelle Il exhorta sa communauté se compose de peu de mots mais elle a un sens profond très large. Cette prière comprend trois phrases essentielles :

1)Seigneur ! Accorde nous belle ici-bas.

2)Et belle part aussi dans l’au-delà.

3)Et protège-nous du châtiment du Feu.

Notre sainte mère Aïcha (r.a) nous enseigna que le Prophète appréciait beaucoup les formules de prière courtes et pleines de sens.

LE SENS DE L’EXPRESSION « BELLE PART » (HASENE)

L’expression que le Prophète (pbsl) mentionnait beaucoup dans ses prières « belle part » (hasanaحَسَنَةً) est le féminin au pluriel du mot « hasan » qui en langue arabe signifie beau, beauté, bien-être, bonheur, aisance, bonne œuvre, emploi décent.

L’expression « belle part » (hasana) est beaucoup plus utilisée dans notre langage pour faire référence aux œuvres pie, aux bonnes habitudes. De même, le mot « hasanât », pluriel de « hasene », est employé dans notre vocabulaire pour désigner les bonnes œuvres, les œuvres de bonté et de bienfaisance, toutes les œuvres accomplies pour le bien-être des hommes.

Les contraires des mots « hasene » et » hasanât » sont les mots « seyyie » et « seyyiât » qui signifient les mauvaises actions, le mal, le péché, l’infraction. Il est mentionné ainsi dans le Saint Coran : “Les bonnes œuvres dissipent les mauvaises”.[5]

Les savants de l’exégèse du Coran ont eu des avis différents quant à l’interprétation contextuelle du mot « belle part » (hasene) dans le verset coranique que nous avons cité.

Selon le défunt Ömer Nasûhi Bilmen رَحْمَتَاللهعَلَيْهِcela signifie : « tout bienfait qui permettra à l’homme d’accéder au bien-être spirituel, physique et matériel est une belle part ; l’adoration et l’obéissance constituent chacune une belle part »[6].

Quant à Hassan Basri رَحْمَتَاللهعَلَيْهِ(mort en 110/728) une des grandes figures de l’ascétisme et grand savant, il fut d’avis que cela signifiait :

« La belle part de ce monde est la connaissance et l’adoration ; et, celle de la vie future est le Paradis »[7].

Pour ce qui est de l’opinion du grand savant et l’un des premiers commentateurs du Coran Süddi رَحْمَتَاللهعَلَيْهِ(mort en 127/745) :

« La belle part de la vie présente est le gain licite et, celle de la vie céleste est la rémission des péchés et la récompense. »[8]

Selon d’autres avis, la belle part mondaine représente la foi, les bonnes œuvres, la bonne moralité, une science bénéfique, le gain licite, une épouse vertueuse et un enfant pieux. En ce qui concerne la belle part céleste, elle se manifestera par le Paradis et tous les bienfaits éternels qui s’y trouvent.[9]

Au dire du noble compagnon Ali t, la belle part de ce monde est la femme vertueuse et celle de l’au-delà est le Paradis.[10]

Kassim ibn Abdurrahmanرَحْمَتَاللهعَلَيْهِémit cette définition du mot : « 

Celui qui détient un coeur qui remercie Dieu pour Ses Bienfaits, une langue qui invoque Dieu, un corps patient et endurant aurait eu une belle part dans les deux mondes et il sera protégé du feu de l’Enfer. »[11]

Comme rapporté par ibn Kathir رَحْمَتَاللهعَلَيْهِ fondamentalement, l’expression « belle part ici-bas » mentionné dans le verset regroupe tous les actes de bonté, de bienfaisance et de bien-être et rejette le mal et tout ce qui est source de malheur, malaise et souffrance. Car, la belle part mondaine inclut la santé, l’aisance, une vaste demeure, une femme belle et vertueuse, l’abondance des biens, le savoir bénéfique, les bonnes œuvres, une belle monture et tous les conforts auxquels les hommes aspirent.

Dans une autre version, celui qui demande au Seigneur une belle part ici-bas Lui aurait demandé tous les éléments que nous venons de citer. Assurément, il n’y a aucune contradiction dans toutes les explications avancées par les experts en glose du Coran référant au mot « belle part ». Car, tous les éléments qu’ils ont évoqués représentent le bien-être de ce monde.

Pour ce qui est de la belle part dans l’au-delà, le Paradis représente le summum ; vient ensuite la facilité avec laquelle l’on rendra son jugement.

Enfin, s’agissant de la protection du châtiment du Feu, elle ne sera rendue possible qu’avec l’acquittement strict de nos obligations religieuses, l’éloignement des actes illicites et la conformité à la tradition de notre Noble Prophète.[12]

[1]        Muslim, Livre 48 (Invocation, évocations, repentir et demande de pardon) Chapitre 7 Hadith 2688.

[2]        Saint Coran sourate Al Baqarah (2) verset201.

[3]        Saint Coran sourate Al Baqarah (2) verset202.

[4]        Al Boukhari, Livre 80 (Des Invocations) Chapitre 55 Hadith 6389.

[5]        Saint Coran sourate Houd (11) verset114.

[6]        Ömer Nasûhi Bilmen, Tafsir, I, 203.

[7]     Al Chirbînî as-Sirâj al-munîrfi’l-iâne alâ ma’rifeti ba’żı meânî kelâmi rabbine’l-hakîmi’l-habîr)  (Contribution à l’éclaircissement du sens de certains termes du Seigneur le Tout SageI, 153.

[8]        Dito. L’auteur est Şemsüddîn Muhammed b. Ahmed el-Hatîb el-Chirbînî el-Kāhirî (ö. 977/1570)

[9]        Tafsir İbn AbîHâtim, II, 358.

[10]       Al Chirbînî as-Sirâj al-munîr I, 153.

[11]       Tafsir İbn AbîHâtim, II, 358.

[12]       Tafsir İbn Kathir Sourate Al Baqarah Pages 282 – 283; İbn Hajjar al Asqalani Al Fath ’ul Bârî, XI; 192.

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