L’islam – La Sunnah et les Madhabs

Mar 13, 2019 par

Mohamed ROUSSEL

Cela pourrait paraître une gajeure et un sujet polémique que d’évoquer les doctrines (Madhabs) dans la sunnah et le Coran alors qu’aucun verset coranique et aucune citation prophétique ne mentionne clairement l’existence de doctrine basée sur le tronc de la sunnah et présentant quelques petites divergences.

Compte-tenu de cette réalité l’article de ce mois ne sera pas comme les précédents un recensement des versets et hadiths portant sur le sujet mais une contribution à la question posée : “Les Madhabs sont-ils partie intégrante de l’Islam ou constituent-ils une innovation religieuse ?”

Ce hadith sahih du Prophète pourrait clore définitivement la réflexion car il enseigne :

Ma communauté se séparera en soixante-treize groupes ; tous sont en enfer sauf ceux qui seront sur ce sur quoi j’étais, moi et mes compagnons…

 

Ainsi donc en se basant sur ce hadith on pourrait trancher au vif la question des Madhabs et de leurs liens avec la Sunnah compte-tenu du fait que le Messager d’Allah n’a jamais fait état de madhabs et que le Noble Coran n’en mentionne aucun et plus encore n’en mentionne pas l’existence en faisant même référence au « Habl d’Allah » que des savants exégètes tels que le Professeur Muhammad Hamidullah (qu’Allah Lui soit Miséricordieux) traduit par « câble » d’Allah جل جلاله dans ce verset :

وَاعْتَصِمُواْ بِحَبْلِ اللّهِ جَمِيعًا وَلاَ تَفَرَّقُواْ وَاذْكُرُواْ نِعْمَةَ اللّهِ عَلَيْكُمْ إِذْ كُنتُمْ أَعْدَاء فَأَلَّفَ بَيْنَ قُلُوبِكُمْ فَأَصْبَحْتُم بِنِعْمَتِهِ إِخْوَانًا وَكُنتُمْ عَلَىَ شَفَا حُفْرَةٍ مِّنَ النَّارِ فَأَنقَذَكُم مِّنْهَا كَذَلِكَ يُبَيِّنُ اللّهُ لَكُمْ آيَاتِهِ لَعَلَّكُمْ تَهْتَدُونَ

Et cramponnez-vous tous ensemble au « Habl » (câble) d’Allah et ne soyez pas divisés ; et rappelez-vous le bienfait d’Allah sur vous : lorsque vous étiez ennemis, c’est Lui qui réconcilia vos coeurs. Puis, par Son bienfait, vous êtes devenus frères. Et alors que vous étiez au bord d’un abîme de Feu, c’est Lui qui vous en a sauvés. Ainsi, Allah vous montre Ses signes afin que vous soyez bien guidés.

Le Créateur et Seigneur de l’Univers et de ce qui le compose et le peuple avertit meme:

وَلاَ تَكُونُواْ كَالَّذِينَ تَفَرَّقُواْ وَاخْتَلَفُواْ مِن بَعْدِ مَا جَاءهُمُ الْبَيِّنَاتُ وَأُوْلَـئِكَ لَهُمْ عَذَابٌ عَظِيم

Et ne soyez pas comme ceux qui se sont divisés et se sont mis à disputer, après que les preuves leur furent venues, et ceux-là auront un énorme châtiment.

Si on suit aveuglément ces instructions tant coraniques que prophétiques on rejetterait alors toute notion de Madhabs en la déclarant incompatible et contraire même avec la Sunnah et le Coran et donc contraire à l’Islam.

Mais en fait la réalité est tout autre et les grands Imams de l’Islam (qu’Allah les entoure de Sa Miséricorde) fondateurs des grandes écoles que sont les Madhabs aident par leurs instructions et enseignements à nous guider.

Aussi donc prêcher le retour à la sounnah signifie délaisser totalement les madhâhibs est une contre vérité en dépit du fait qu’il est connu chez les savants que les quatre madhâhibs ne sont pas d’accord sur tous les sujets de la législation.

Leurs divergences se découpent en trois catégories :

1 – les sujets pour lesquels ils sont tous d’accord tel que par exemple le fait que le musulman ne doit pas ressembler au mécréant.

2 – les sujets pour lesquels la divergence ne concerne que la manière de faire les choses : comme par exemple l’invocation qui ouvre la prière et le « Tachahoud » [il y a plusieurs invocations possibles, on peut choisir celle que l’on veut]

3 – les sujets pour lesquels la divergence des madhâhibs est contradictoire et qui ne peuvent pas être conciliés par l’un des moyens connus chez les savants : comme par exemple si l’homme touche sa femme, est ce que cela annule les ablutions ou pas ? Il y a trois réponses à ce sujet : il n’y a pas d’annulation, il y a annulation, il faut faire la distinction entre le fait de toucher avec le désir charnel ou pas. Ainsi donc, puisque la vérité se trouve automatiquement au moins chez l’un d’eux, on ne peut prétendre que le retour à la sunnah appelle à renoncer totalement aux madhâhibs puisque dans ce comportement il y a forcément un appel à délaisser la vérité.

La recherche du retour à la Sunnah permet donc au contraire de mieux connaître la valeur de ces imams, leur perspicacité dans la compréhension du coran et de la sounnah et de découvrir les multiples et subtils sujets que l’on tire du coran et de la sounnah. Les imams (qu’Allah les récompense) permettent donc d’apprendre en un temps réduit une multitude de sciences et sans leur existence on n’y serait pas parvenu.

Ainsi donc puisque notre Seigneur Allah جل جلاله a ordonné ce qui suit :

وَلاَ تَكُونُواْ كَالَّذِينَ تَفَرَّقُواْ وَاخْتَلَفُواْ مِن بَعْدِ مَا جَاءهُمُ الْبَيِّنَاتُ وَأُوْلَـئِكَ لَهُمْ عَذَابٌ عَظِيمٌ

Que soit issue de vous une communauté qui appelle au bien, ordonne le convenable, et interdit le blâmable. Car ce seront eux qui réussiront. [1]

Il faut s’y conformer et pour cela le meilleur des guides est de prendre en considération cette sentence divine :

هَلْ يَسْتَوِي الَّذِينَ يَعْلَمُونَ وَالَّذِينَ لاَ يَعْلَمُونَ

« Est-ce que ceux qui savent sont semblables à ceux qui ne savent pas ? »[2]

Ainsi donc la base de la recommandation du bien et de la prohibition du mal passe d’abord par la connaissance de ces notions et donc de les rechercher à travers les récits prophétiques expliqués et détaillés par les créateurs des doctrines qu’on appelle Madhab [3] et qui sont au nombre de quatre :

  • Malékites de l’Imam Malik
  • Hanbalites de l’Imam Ahmed ibn Hanbal
  • Chaféites de l’Imam Mouhammad abou Abdallah ibn idrīs ach Chafii
  • Hanafites de l’Imam Nuʿmān ibn Thābit ibn Zūṭā ibn Marzubān connu par sa kunya Abou Ḥanīfah

LES MADHABS ET DE LA JUSTESSE DE SUIVRE UN MADHAB

Les trois premiers siècles de l’Islam sont les siècles de référence [4] pour les musulmans, c’est au cours de cette période bénie que les quatre doctrines (établies sur des bases saines et solides) sont nées.

Un Muqallid (un musulman qui n’a pas les compétences scientifiques, intellectuelles et spirituelles pour interpréter les textes traditionnels) ne peut en aucun cas se permettre de produire des Fatwa [5] et de se construire lui-même pour lui ou pour les autres « une doctrine sur mesure » !

Chaque musulman doit suivre la doctrine des savants et des ancêtres pieux, c’est là le sens du verset -cité ci-dessus- et la garantie contre l’anarchie en matière de jurisprudence. C’est le moyen surtout de préserver sa foi et d’éviter les chemins glissants des sectes et des idéologies.

Cependant, le musulman ne doit pas faire preuve d’intolérance vis-à-vis des autres rites ou doctrines ni les mépriser.

Le prophète en disant : « La divergence (Al Ihtilef) de ma communauté est une miséricorde »[6] évoque les différences d’opinions dans les branches de cette religion (traduite par les doctrines) et non pas sur le sujet des piliers (comme le dogme …)

La différence d’opinions (entre les savants) concernant les branches de cette religion (qui se traduit par les doctrines) est licite et constitue même une richesse : celui qui suit un savant de la religion (‘âlim), Dieu ne lui reprochera rien le jour du jugement [7]

Dans la sunna de nombreux exemples montrent que les compagnons apprirent du Prophète que la différence était possible dans les branches de la religion et qu’elle fait même partie de la nature humaine et de l’œuvre de Dieu.

On cite comme exemple celui-ci:« Un jour de guerre, le Prophète  s’adressa aux compagnons qui allaient faire le voyage pour rencontrer l’ennemi, en leur disant : « Vous ne ferez la prière de ‘Asr qu’au village de Banû Qurayda». Chemin faisant, voyant que le soleil allait bientôt se coucher, une partie des compagnons interpréta la parole du Prophète comme une indication qu’il fallait que la prière de ‘Asr soit accomplie avant l’arrivée au village et ils accomplirent alors cette prière immédiatement. L’autre partie comprit qu’il ne fallait faire la prière de ‘Asr qu’une fois au village ; et ils sont arrivés très tard la nuit à ce village et y ont accompli la prière…

Les compagnons très embarrassés retournèrent chez le Prophète qui donna raison aux deux parties et accepta les deux interprétations[8].

Les savants se basent sur cet événement pour dire que les interprétations sont toutes justes tant qu’elles proviennent de savants compétents qui connaissent les règles et piliers de la religion et les outils de la jurisprudence (comme c’est le cas des compagnons).

On peut également citer l’exemple d’Omar Ibn al-Khattâb رضي اللّه عنهqui entendit quelqu’un réciter le Coran d’une façon très différente de la sienne. Très en colère, ‘Umar traîna l’homme devant le Prophète en lui ordonnant de réciter les versets qu’il avait récités auparavant ; et le Prophète approuva sa lecture. Omar se sentit très embarrassé et le Prophète dit alors : « Ce livre m’a été révélé suivant sept lettres (ou lectures) »[9]

C’est d’ailleurs pour cela que s’est développée la science de la récitation du Coran « ‘Ilmu Al-qirâât ». Ainsi, les gens de Warsh doivent respecter, reconnaître et approuver les gens de Hafs, les malikites doivent respecter et approuver les hanbalites ou les hanafites ou les Shâfi‘ites dans une ambiance d’amour et de fraternité…

L’Imam al-Qarafi (Ahmad Ibn Idris Shihâbu ed-dîn as-Sanhaji al-Qarâfi al-Mâlikî) l’un des plus grands savants Malékites est né en Egypte au septième siècle, et y est mort en 684 est enterré à Qarâfi en Egypte près de l’Imâm ash-Shafi‘î (Qu’Allah leur fasse miséricorde à tout les deux).  Il a dit : « Et prenez garde à ne pas agir comme certains étudiants le font quand ils raisonnent directement à partir d’un hadîth, alors qu’ils ne savent même pas son authenticité, et laissant de côté ce qui a été mentionné [par les Imams] concernant les subtilités qu’ils impliquent ; en faisant cela, ils se sont égarés et ont égarés d’autres. »  Cela est d’ailleurs clairement exprimé dans le Coran :

وَمِنَ النَّاسِ مَن يُجَادِلُ فِي اللَّهِ بِغَيْرِ عِلْمٍ وَلَا هُدًى وَلَا كِتَابٍ مُّنِيرٍ

ثَانِيَ عِطْفِهِ لِيُضِلَّ عَن سَبِيلِ اللَّهِ لَهُ فِي الدُّنْيَا خِزْيٌ وَنُذِيقُهُ يَوْمَ الْقِيَامَةِ عَذَابَ الْحَرِيقِ

ذَلِكَ بِمَا قَدَّمَتْ يَدَاكَ وَأَنَّ اللَّهَ لَيْسَ بِظَلَّامٍ لِّلْعَبِيد

Or, il y a des gens qui discutent au sujet d’Allah sans aucune science, ni guide, ni Livre pour les éclairer affichant une attitude orgueilleuse pour égarer les gens du sentier d’Allah. A lui l’ignominie ici-bas; et Nous Lui ferons goûter le Jour de la Résurrection, le châtiment de la fournaise. Voilà, pour ce que tes deux mains ont préparé (ici-bas)! Cependant, Allah n’est point injuste envers Ses serviteurs.[10]

Ceci précisé les conditions de l’ijtihâd sont mentionnées dans le Maraqi as sa’ud (extraits) :« Le mujtahid doit :

  • Être d’une extrême intelligence par nature
  • Connaître :
    • les responsabilités [juridiques] à travers des preuves intellectuelles sauf si une preuve clairement transmise) ».
    • Les sciences de la] grammaire, de la prosodie, de la philologie, combinées à celles de l’usul et de la rhétorique doivent être en sa maîtrise. »
    • Il doit savoir] où peuvent être trouvés les jugements sans la condition d’avoir mémorisés les textes eux-mêmes. »
    • Tout cela doit être appris avec une maîtrise d’au moins un niveau moyen.
    • Il doit également connaître les sujets sur lesquels il y’a consensus. »
    • Les sujets plus pointus tels que la condition des hadîths uniques, et ce qui fait l’autorité d’un grand nombre de transmissions
    • Ce qui est authentique et de ce qui est faible est aussi requise. »
    • Ce qui a été abrogé et de ce qui abroge
    • Les contextes dans lesquels tel verset a été révélé ou tel hadîth transmis est également une condition qui doit être remplie. » «
    • Le statut des narrateurs ou des compagnons [doit aussi être connu]. Alors, tu peux suivre quiconque remplit les conditions mentionnées selon l’opinion la plus authentique. »

Ceci clairement établi, ne voulant pas faire une exégèse sur les Madhabs, travail que je laisse aux savants ce que je ne prétends pas être, nous allons survoler les quatre Madhabs en résumant leurs particularités et obligations.

LE RITE MALEKITE

Le père de l’école mâlikite n’est autre que Mâlik Ibnou Anas né à Médine en l’an 93H. Il acquit son érudition des plus grands savants de son époque.

Il reçut ses premiers enseignements de Rabî‘a Ar-Ra‘y qui collecta sa science des sept grands savants juristes de Médine : Aboû Bakr Ibnou ‘Abdir-Rahmâne Ibnou-l-Hârith Ibnou Hichâm, Al-Qâsim Ibnou Mouhammad Ibnou Abî Bakr As-Siddîq, ‘Orwa Ibnou Az-Zoubayr Ibnou Al-’Awwâm, Sa’îd Ibnou-l-Mousayyib, Soulaymân Ibnou Yasâr, Khârija Ibnou Zayd et ‘Oubaydoullâh Ibnou ‘Abdillâh Ibnou ‘Outba Ibnou Mas‘oûd.

Mâlik étudia ensuite auprès d’Ibnou Hourmouz qui rapportait des ahâdîth d’Aboû Hourayra, de Mou‘âwiya, d’Ibnou ‘Abbâs et bien d’autres Compagnons.

Il faisait également partie des élèves de Nâfi’ Ibnou Abî Nou‘aym, un successeur qui transmit des ahâdîth de ‘Âïcha, d’Aboû Hourayra, d’Aboû Sa‘îd Al-Khoudrî, etc. Mais surtout, Nâfi’ et Mâlik étaient deux maillons de la chaîne d’or (« as-silsila adh-dhahabiya ») certifiée comme la plus sûre par Aboû Dâoûd.
Mâlik a rapporté plus de 132 ahâdîth de son maître Ibnou Chihâb Az-Zouhrî et 9 de Ja‘far As-Sâdiq dans Al-Mouwatta.

Ibnou Hourmouz, son maître, disait de lui qu’il était le plus grand savant de son temps. Son disciple et fondateur de la quatrième école juridique, l’imâm Ach-Châfi‘î, déclarait à son sujet : « Mâlik est mon maître, il m’a inculqué la science. Nul n’a été plus doux à mon égard que lui. Je fais de lui mon avocat auprès d’Allâh. Lorsqu’on évoque les oulémas en tout lieu, Mâlik est parmi eux l’unique étoile étincelante, grâce à sa mémoire infaillible, à sa maîtrise des sciences et à ses vertus humaines. »

L’imâm Ahmad Ibnou Hanbal lui accorda la primauté en matière de sciences religieuses sur les imâms Al-Awza‘î, Ath-Thawrî, AI-Layth, Hammâd Ibnou Zayd et AI-Hakam par ces paroles : « Il est en effet l’imam incontesté en traditions rapportées et en droit (déduit de la chari‘a). »

 

LE RITE HANAFI

Le hanafisme ou hanéfisme est la plus ancienne des quatre écoles sunnites (madhhab) du droit musulman ou sa jurisprudence (fiqh). Elle est basée sur l’enseignement de Abû Hanîfa Al-Nu’man Ibn Thabit (699-767), théologien et législateur qui vécut à Koufa en Irak, et de ceux qui ont suivi son enseignement. Le madhhab hanafi est assez représentatif des musulmans non arabophones.

Nuʿmān ibn Thābit ibn Zūṭā ibn Marzubān mieux connu par sa kunya Abou Ḥanīfah (702 -767) fut un célèbre juriste musulman et fondateur de l’école hanafite de droit musulman.

On le désigne parfois sous le nom de « plus grand imâm » (al-Imâm al-A’zam, ar. الإمام الاعظم).

Abu Hanifa (bien qu’il n’ait pas eu de fille dénommée Hanifa, cet adjectif épithète signifie le pur dans la croyance monothéiste) naquit à Koufa pendant le règne de `Abdul Malik ibn Marwân qui avait pour gouverneur d’Irak Al-Hajjaj ibn Yusuf.

Élevé dans la religion musulmane, parlant perse et arabe, le jeune Abou Hanîfa était destiné à suivre les traces de son père, commerçant à Koufa. C’est ainsi qu’avant sa vingtième année, il créa et fit prospérer un atelier de tissage de la soie1.

Sa rencontre avec le célèbre imâm al-Cha’bî qui vit en lui des signes d’intelligence, le poussa à étudier auprès de savants de la religion.

Il s’initia d’abord à la philosophie et au ‘ilm al kalâm avant de les délaisser au profit de la littérature, la généalogie, l’histoire de l’Arabie, et surtout à la science du fiqh et du hadith.

Il eut l’occasion de rencontrer d’autres tabi’îne et savants2,3 tels que Dja’far al-Sâdiq ou l’Imam Malik au cours de ses nombreux voyages qui avaient pour but de parfaire sa connaissance.

En 763, Al-Mansur, le deuxième monarque abbasside, lui offrit le poste de Juge suprême de l’État (Qadi Al-Qadat), il déclina son offre et son élève Abou Yûsûf y fut placé. Un peu auparavant Ibn Houbeïrah, gouverneur de Koufa lui proposa aussi le poste de qadi, qu’Abou Hanifah refusa également5.

Il est rapporté qu’en réponse à Al Mansour, Abou Hanifa rétorqua qu’il ne se sentait pas de taille pour le poste Al Mansour, sachant pour quelles raisons il lui avait proposé ce poste, se mit en colère et l’accusa de mentir. Ce à quoi Abou Hanifa répondit : « Si tu dis vrai (c’est-à-dire au sujet du fait que je suis un menteur), alors il est évident que je ne suis pas compétent pour le poste de juge. Et si c’est moi qui suis dans la vérité, alors je confirme que je suis incompétent. »

Outré par sa réponse, le monarque le fit arrêter, emprisonner et torturer5,6. Même en prison, l’indomptable juriste continua d’enseigner ceux qui étaient autorisés à le voir.

C’est ainsi qu’Abou Hanîfa mourut le 11 Jumâdah Al-Oûla 150 A.H. (14 juin 767) en prison. Il est dit que tant de personnes participèrent à sa prière mortuaire (janazah) — près de 50 000 — qu’on dut la répéter six fois avant de l’enterrer.

 

LE RITE CHAFEITE

Le chaféisme, parfois orthographié shafiisme ou chafiisme, est l’une des quatre écoles (madhhab) de jurisprudence (fiqh) de l’islam sunnite. Elle est fondée sur l’enseignement de l’imam Al-Chafii (767820) et de ses suiveurs.

Abu Abdullah Muhammad bin Idris ash-Shâfi’î  (767, Gaza, Palestine820, Égypte), ou imam Al-chafii fut un juriste et savant musulman, fondateur de l’école (madhhab) de droit musulman (fiqh), l’école chaféite. Il appartient à la dynastie des hachémites de la tribu des Quraych.

Son père est mort alors qu’il est encore enfant. Sa mère l’élève dans la pauvreté en voulant faire de lui un bon musulman. Il passe beaucoup de temps parmi les bédouins et acquiert ainsi une grande connaissance de la poésie arabe.

Dans sa jeunesse, il se rend à Médine pour étudier la jurisprudence islamique et le hadith sous l’imam Malik. Il y mémorisa complètement le livre Al-Muwatta et pouvait le réciter de mémoire au mot près. Il y resta jusqu’à la mort de ce dernier en 801 puis s’en alla ensuite au Yémen pour y enseigner. Al-Chafii resta en Irak et étudia quelque temps sous Mouhammad ibn Al-Hassan, le célèbre étudiant de Abou Hanifa.

L’imam Shâfi’î combina en quelque sorte la jurisprudence islamique du Hejaz (malikite) avec celle d’Irak (hanafite) et créa ainsi sa propre école de jurisprudence.

Ses écrits: Al-Umm, un ouvrage de jurisprudence islamique dans lequel il a noté ses opinions sur diverses questions, et y a rapporté des débats qu’il a eu avec d’autres oulémas, notamment hanafites et malékites.

Ar-Risâlah: ouvrage de principes fondamentaux de jurisprudence.

Ses exégèses de certains versets du Coran ont été rassemblés par le chaféiste Al-Bayhaqiy dans un livre intitulé Ayat ul-Ahkâm.

LE RITE HANBALITE

Le hanbalisme doit son nom à son théoricien, l’imam Ahmed bin Hanbal (780-855), élève de l’imam ach-Châfi`î, juriste fondateur du madhab chaféite.

Le hanbalisme qui est le socle du traditionalisme, est parfois présenté comme l’école la plus conservatrice de l’islam sunnite. Elle est aujourd’hui retrouvée essentiellement en Arabie saoudite depuis l’époque de Mouhammad ibn abdil Wahhab. On la retrouve aussi en Syrie, Iraq, Palestine…

La préoccupation première de l’imam Ahmad était la collection, la narration et l’interprétation des hadiths. Sa méthode d’enseignement était de dicter les hadiths de son immense recueil de hadith, le Musnad (recueil de hadith), qui contient plus de 30 000 hadiths avec les opinions de compagnons du prophète (Sahaba) concernant leur interprétation. Il mettait ensuite en pratique les hadiths ou les règles y découlant pour résoudre un problème. Il donnait aussi sa propre opinion tout en interdisant à ses élèves de noter ses déductions personnelles. Ainsi son madhhab a été rapporté non pas par ses élèves, mais par les élèves de ces derniers.

Parmi les élèves de Ahmad ibn Hanbal figurent ses deux fils, Sâlih (mort en 873) et Abdullah (mort en 903), ainsi que l’imam Al-Boukhari, Mouslim, tous deux érudits musulmans réputés dans le monde musulman dans le domaine du hadith qui compilèrent leurs recueils de hadiths éponymes.

Ainsi est résumée la relation entre les différents rites, le Coran et la Sunnah.

[1] Sourate Al Imran (La famille d’Imran) 3 verset 104

[2] Sourate Az Zumar (Les Groupes Homogènes) 39 Verset 9

[3] Le mot madhhab ou mazhab (arabe : مذهب [maḏhab], pluriel : مذاهب [maḏhâhib], conception, école juridique musulmane) évoque en arabe une voie suivie dans l’interprétation des sources traditionnelles (Coran et sounnah). Ce terme se réfère au fiqh, la jurisprudence musulmane.

[4] Abu Hurayra a dit: le prophète (paix et salut sur lui) a dit : « le meilleur des siècles est le mien puis celui qui le suit puis celui qui le suit…». Rapporté par Al-bukhârî, Hadîth 1175 (p 471) le livre des témoignages « le sommaire du sahih al-bukhârî » par L’Imam Zein Ed-Dine Ahmed ibn Abdul-Latif A-Zoubaidi (Tome II). et par l’Imam Ahmad dans son Musnad.

[5] La Fatwa consiste en une interprétation (ou une compréhension) du texte traditionnel en vue de statuer sur un sujet ou émettre un ordre légal (voir le sous chapitre B)

[6] A propos de ce Hadîth voir : « Al-jâmi’ li ahkâmi al-qurân » d’Al-qurtubî; tome 4 page 151 et As-sayûtî dans al-jâmi’ as-saghîr(288) page 24: où ce hadîth est bien expliqué

[7] Voici un extrait de la Fatwa du Sheikh mauritanien Murabtal Hadj sur le fait de suivre un des quatre Madhhabs (doctrine, école) autorisés (traduit par Hamza Yusuf Hanson) : Je réponds que le suivi d’une doctrine reconnue (taqlid) est obligatoire pour quiconque n’est pas un mujtahid absolu. Je vais mentionner, si Allah le permet, toutes les conditions préalables à un tel rang. [Sidi Abdullah Ould Hajj Ibrahim] a dit dans son Maraqi as-Sa’ud :
« [Le taqlid] est nécessaire pour tout autre que celui qui a atteint le rang de l’ijtihad absolu. Et ce, même s’il est un [mujtahid] limité qui est incapable [d’accomplir un ijtihâd absolu].»

Commentant ce passage, [Sidi ‘Abdullah] dit dans Nasru al-bunud : « Cela signifie que le taqlid est une obligation pour quiconque n’est pas un mujtahid absolu même s’il a atteint le rang partiel de l’ijtihâdmuqayyad (conditionné)… [Jusqu’à ce qu’il dise], « et demandez aux gens du rappel, si vous ne savez pas. » : Coran 16/43»
Il a également dit : « [Quant à] la nécessité de s’attacher à un madhhab spécifique, les [savants] ont mentionné que cela est obligatoire pour quiconque présente un manque [dans les conditions de l’ijtihâd]. »
Il dit dans le Nashru al-bunud : « Cela signifie qu’il incombe à quiconque n’a pas atteint le degré de l’ijtihâd absolu de suivre un madhhab spécifique. »

[8] Rapportée par Al-Bukhârî selon Ibn ‘Umar, Hadîth 526 (p 207) : le livre de la crainte (12): « le sommaire du sahîh al-bukhârî » par L’Imam Zein Ed-Dine Ahmed ibn Abdul-Latif A-Zoubaidi (Tome I). Voir aussi : « hayât as-sahâba » (la vie des compagnons) de Kandahlâwî, entre autre.

[9] Al-Bukhârî et Muslim. (doctrine-malikite.fr)

[10] Saint Coran sourate Al haj (Le pélerinage) versets 8 à 10

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