Le chemin du paradis

Mar 13, 2019 par

Prof. Dr. Hasan Kâmil Yilmaz

L’homme est un voyageur qui vient d’Allah Le Tout Puissant et retourne vers Lui. Le Père de l’humanité Adam (pbsl) fut créé et établi au Paradis avec son épouse notre mère Ève.

Allah U, en les installant au Paradis, leur dit :

Et Nous dîmes : « O Adam, habite le Paradis toi et ton épouse, et nourrissez-vous-en de partout à votre guise ; mais n’approchez pas de l’arbre que voici : sinon vous seriez du nombre des injustes ». [1]

Adam et Ève furent tentés par la consommation de ce fruit interdit et Allah Le Tout Puissant, dans Son Infinie Sagesse les fit descendre sur Terre.

La postérité humaine après être descendu sur terre retournera dans sa résidence dans l’au-delà et pour les bienheureux dans le Paradis.

Mawlânâ Jalal Eddine Rûmîقدس سرّهdécrit ainsi la puissance céleste d’Adam (pbsl) dans le paradis et sa descente sur terre :

« Quand il était dans le Paradis, Adam était puissant comme un lion. Lorsqu’il fut établi sur Terre après avoir été saisi par le piège du diable, il fut affaibli comme un bras détaché d’un corps. Le destin fit de lui la proie des chats au point qu’Adam fut réduit du lion féroce qu’il était en un lambeau de chair trimbalé çà et là. Quelle disgrâce pour l’être humain déchu jusqu’à ce cran ! Quelle énorme perte pour l’homme d’avoir été extrait du Paradis ! »[2]

Le retour au Paradis est une promesse divine pour ceux qui le mériteront parmi les enfants d’Adam.

Néanmoins, les fortunés serviteurs de Dieu qui parviennent à dénicher ce secret “Mourez avant de mourir“, suivent fidèlement la voie du Prophète (pbsl) en s’imprégnant de sa moralité éminente pourront gouter aux délices du Paradis perdu en étant même sur ce monde. Car, l’âme de celui qui sait dominer ses passions jusqu’à mourir spirituellement avant la véritable mort parvient à voir le Paradis et l’Enfer, et à en déchiffrer les secrets.

L’être humain ressent une profonde nostalgie pour le Paradis dont il fut éloigné et cette nostalgie prendra fin lorsque l’homme accèdera à nouveau au Paradis. Mais tout comme chaque chose a un prix l’entrée au Paradis ne sera rendue possible qu’après avoir fait preuve de patience et de persévérance face aux épreuves intempestives de la vie terrestre, avoir dominé les aspirations bestiales de l’âme, et en ne se laissant pas emporter dans le gouffre de la jouissance éphémère de cette vie.

Le diable est sans aucun doute à l’origine de l’éloignement de l’homme du Paradis et de sa descente sur Terre. En plus d’être la cause du retrait d’Adam du Paradis, cette maudite créature a juré d’égarer les fils d’Adam du chemin qui mène vers le Paradis.[3]

Après le diable, l’âme est le plus grand ennemi qui conduit l’homme à l’égarement. À travers le penchant excessif de l’homme pour ce bas-monde, son âme parvient facilement à lui voiler la ligne de droiture et à l’éloigner de la voie vers le Paradis.

C’est d’ailleurs ce que corrobore ce hadith suivant : « L’Enfer a été voilé par les choses désirables et le Paradis a été voilé par les désagréments. »[4]

En ce qui concerne le salut de l’être humain, Mawlânâ Jalal Eddine Rûmî قدس سرّه dit : “la capacité de l’homme à dominer les désirs pernicieux de son âme montre ses capacités à purifier son cœur avec l’eau de l’ascétisme et à accéder au palais de la dignité de sa servitude vis-à-vis de son Créateur. Ceux qui pourront détourner leur cœur de l’amour de ce bas-monde mériteront la jouissance éternelle dans le Paradis. “[5]

Rûmî قدس سرّه nous explique encore que si l’homme parvient à purifier son âme avec la patience, l’endurance et l’ascétisme, il pourra renaitre spirituellement à travers la conscience et la maturité de son âme.[6]

Il est nécessaire de pouvoir faire taire les désirs charnels pour que l’âme soit mature car après avoir renoncé à leurs désirs insatiables pour ce bas-monde, les amoureux du Divin peuvent accéder à la vérité tout comme Mawlânâ Rûmî قدس سرّه et furent ainsi des êtres exemplaires et des guides vers le Paradis.

L’amour et la sollicitation du Divin est le meilleur remède pour la purification du cœur. Cela car le cœur de celui qui aime et éprouve du chagrin pour son Créateur patiente aisément face à Celui-ci et ainsi le cœur parvient à la sérénité.

L’âme ne peut atteindre la maturité sans subir d’épreuves ni connaitre de souffrance.

Et pourquoi l’âme doit-elle atteindre la maturité ?

C’est pour qu’elle puisse connaitre le salut et commencer sa vie céleste en étant dans ce monde.

En vérité, c’est une absurdité que d’aspirer au Paradis sans accomplir de bonnes œuvres, sans s’acquitter des obligations religieuses. Pour être un serviteur digne de Dieu, il faut permanemment se repentir comme l’a fait notre père Adam (pbsl).

Il faut éliminer du cœur l’amour de ce bas-monde et s’orienter vers Allah Le Tout puissant comme l’a fait le saint Ibrahim Ethemرَحْمَتَاللهعَلَيْهِ afin d’accéder à la lumière de l’amour divin.

Ce n’est qu’à ce prix que le retour au Paradis se réalisera parce que : « Allah a acheté des croyants, leurs personnes et leurs biens en échange du Paradis…C’est une promesse authentique qu’Il a prise sur Lui-même… »[7]

En effet les croyants sont réputés pour préférer, la beauté et la satisfaction du Véridique aux bienfaits du Paradis.

Ils aspirent comme bon nombre de rapprochés d’Allah tels que Râbia Al Adawiyya, Ibnu’l-Fârid et Azîz Mahmûd Hudâyîرَحْمَتَاللهعَلَيْهِمُà l’agrément divin qui est promis dans le Saint Coran : « …Pour les pieux, il y a, auprès de leur Seigneur, …l’agrément d’Allah… »[8]

Ainsi par exemple Yûnus Emre رَحْمَتَاللهعَلَيْهِa pu écrire :

“Seigneur, accorde le Paradis,

Avec ses palais et hourris (femmes du paradis),

À ceux qui le désirent,

À moi, c’est plutôt Toi et rien que Toi qu’il me faut !“[9]

Pour atteindre un tel niveau de spiritualité, le serviteur doit nourrir une sincérité profonde pendant l’accomplissement de ses obligations religieuses et ne pas viser un intérêt mondain. Dans le cas contraire, les adorations accomplies pour des fins matérielles constituent des péchés invisibles car, effectuer une adoration pour autre visée qu’Allah Le Tout Puissant est un péché. L’adoration de celui qui prie par pure ostentation est une forme d’associationnisme invisible.

L’adoration, la soumission, l’ascétisme et la persévérance sont les recettes impérieuses pour dominer l’âme. Ainsi, Mawlânâ Jalal Eddine Rûmî قدس سرّه assimila la patience au pont sirat (pont dressé au-dessus de l’enfer). Il faut une attention particulière et une méticulosité pour parvenir à traverser ce pont et accéder au Paradis situé à l’autre extrémité de ce pont. Le Paradis est le lieu de délices inimaginables. Toutefois, l’entrée au Paradis ne se concrétisera qu’au prix de la patience et l’endurance.[10]

Selon Mawlânâ Jalal Eddine Rûmî قدس سرّه, les amoureux du Divin ont mérité le rapprochement à Dieu à cause de leurs chagrins pour Lui. Ce chagrin s’explique par leurs aspirations insatiables à Allah l’Exalté. C’est pour cette raison que ceux-ci éprouvent du plaisir face aux épreuves qui leur sont infligées par leur Seigneur quelle que soit l’âpreté des ces épreuves. Les doués d’intelligence sont dépendants des ordres, du destin établi par Dieu.

En effet, cet ordre divin «Venez, bon gré mal gré!»[11] est la caractéristique des doués d’intelligence tandis que «Venez, bon gré!»[12]est l’apanage des rapprochés de Dieu.[13]

Le musulman qui croit fermement qu’après sa mort viendra un jour où il sera face à son Seigneur pour Lui rendre compte de ses actes, ne doit jamais offenser autrui car les nuisances que les êtres humains se causent mutuellement constituent la plus grande entrave pour l’accession au Paradis.

La vanité et l’égoïsme voilent aux hommes le chemin du Paradis tout comme ils furent à l’origine de la perte et l’éloignement du diable du Paradis.

L’égoïsme est le signe de la bassesse de l’âme.

À contrario une âme compatissante ne peut faire preuve d’égoïsme.

Parmi les sourates les plus courtes du Saint Coran, nous trouvons dans la sourate “Le temps“ (Al Asr) un bref résumé de la voie du Paradis, de l’ordonnance du salut éternel.

Après avoir juré par le temps, Allah résume les quatre conditions le salut de l’être humain :

1) Une foi stable,

2) L’accomplissement de bonnes œuvres,

3) L’exhortation mutuelle à la vérité,

4) L’exhortation mutuelle à l’endurance.[14]

Ces conditions constituent les éléments fondamentaux.

Mais au-delà de tous ces éléments, nous aurons encore besoin de la Miséricorde et le Pardon Infini de Dieu pour l’entrée au Paradis.

Aussi, afin de mériter la Compassion Divine, nous devons L’implorer sans relâche, chercher refuge auprès de Lui et prier pour l’intercession des Prophètes.

En vérité, les voies d’Allah l’Eternel sont insondables. Le salut provient de ce que nous estimons, mais il peut parfois provenir des choses que nous sous-estimons. C’est pour cela qu’il faut profiter de toutes les aubaines qui s’offrent à nous.

Selon un rapport, tout comme le chien des gens de la caverne a pu accéder au Paradis pour avoir été leur compagnon et attendu à l’entrée de la caverne, le fait de tenir compagnie aux croyants et rapprochés de Dieu en acceptant le message qu’ils véhiculent peut-être une cause pour l’accession au Paradis.

Comme ces propos de Molla Câmi رَحْمَتَاللهعَلَيْهِ sont d’une grande portée : «

Ô Messager d’Allah ! Pourquoi ne m’associerais-je pas à tes compagnons afin d’entrer au Paradis tout comme le chien s’associa aux gens de la caverne ? Si le chien des gens de la caverne a pu accéder au Paradis, pourquoi irai-je moi à l’Enfer ? Ce chien fut celui des gens de la caverne ; moi aussi, je suis le chien de tes compagnons. »[15]

En conclusion, pour pouvoir accéder au Paradis, il faut tout d’abord croire puis s’acquitter des obligations religieuses et enfin être patient et endurant.

[1]        Saint Coran Sourate Al Baqarah (2) verset 35

[2]        Şefik Can, Dîvân-ı Kebîrden Seçmeler, İstanbul 2006, I, 82.

[3]        Saint Coran sourate Al Araf (7) versets 12 à 18

[4]        At Tirmidhi Livre 38 el-Jami’u’s-Saghîr Hadith 2757

[5]        Dîvân-ı Kebîr ’den Seçmeler, I, 271-72.

[6]        Mathnawi II, b. 1439.

[7]        Cf. Saint Coran sourate At Tauba (9) verset 111.

[8]        Saint Coran sourate Âl-i İmrân(3) verset 15.

[9]        Extrait du poème Aşkın aldı benden beni (Mon amour pour Toi m’a pris) – Note du Rédacteur

[10]       Mathnawi, II, b. 3133.

[11]       Fussilat, 41/11.

[12]       Fussilat, 41/11.

[13]       Mathnawi III, b. 4464-70.

[14]       Cf. Saint Coran sourate Al Asr(103) verset 1-3.

[15]       Şefik Can, Traduction du Mathnawî, III, 44, dn. 2.

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