Du cœur naît la maturité spirituelle

Mar 13, 2019 par

Prof. Dr. Ismail LütfiÇakan

AbûHurayra-radıyallahuanh- a rapporté ceci du Bien-aimé Messager d’Allah (pbsl) :

« Allah Exalté ne regarde ni vos corps ni vos biens, mais Il regarde vos cœurs. »[1]

 

Il nous rapporte encore un hadith dans lequel le Noble Prophète (pbsl), en désignant de la main à trois reprises son cœur, dit :« La piété se trouve ici. »[2]

L’être humain est une créature qui aspire à la perfection. Il doit son honneur et sa noblesse à l’intensité de son aspiration à la perfection. Par ailleurs, faut-il rappeler que l’accession à cette perfection se réalise depuis le cœur, car il est l’épicentre du développement et de la prise de décision, des pensées et de la conduite de l’homme. Tout comme le cœur est l’organe d’animation et de revivification des autres organes à travers le phénomène de circulation sanguine, il est aussi l’élément qui meut les pensées, façonne et commande la conduite de l’être humain. Les actions accomplies sans le consentement du cœur le sont sans plaisir et ne sont pas sincères. Nos aïeux n’ont pas manqué de faire remarquer qu’un repas consommé sans le consentement du cœur est susceptible d’occasionner des maux de ventre et de tête. Ces expressions telles que “mon cœur consentent à cela“, ou bien “mon cœur n’y consent pas“ et que nous utilisons dans notre vie quotidienne nous montre à juste titre la place prépondérante qu’occupe le cœur dans l’existence humaine.

LES PARTICULARITÉS DU CŒUR

Lorsque la question “N’as-tu pas la foi ? “ fut posée au prophète Abraham (paix sur Lui) qui voulait avoir la preuve sur la résurrection des morts, la réponse “J’ai foi, toutefois je veux que mon cœur soit apaisé“ qu’il donna prouve bel et bien la réalité selon laquelle le cœur désigne le lieu de satisfaction et de tranquillité du serviteur.[3]

En effet, le cœur jouit de certaines caractéristiques importantes dont les autres organes du corps ne jouissent pas. Bien avant que les forces amicales et hostiles à l’homme, c’est-à-dire les anges et les démons parviennent à l’influencer, ils passent préalablement par son cœur. Afin de pouvoir résoudre intégralement leur problématique, ils procèdent à la conquête de la forteresse du corps qu’est le cœur. En outre, le cœur représente le champ de bataille de la raison et des sentiments. C’est une zone stratégique. Contrairement à l’œil qui comporte une enveloppe protectrice et la bouche aussi protégée par les lèvres, le cœur est un organe permanemment ouvert aux influences extérieures. Il n’existe aucune possibilité de l’envelopper et d’empêcher son mouvement. Les maladies du cœur et les erreurs de son traitement sont considérablement compromettantes. Même en médecine, les maladies cardiaques ne sont-elles pas jusque-là les plus graves ; de même que les interventions chirurgicales au niveau du cœur les plus dangereuses ?

Le cœur est un organe permanemment versatile, qui change de tempérament, qui passe d’un moment à l’autre de l’état de croyance au reniement ou de reniement à la croyance. Par moment aussi, il est fermé au monde et ouvert à Dieu. C’est le centre d’intérêt aux yeux du Seigneur. Les hommes fondent leurs jugements en se fiant aux apparences ; tandis que Dieu juge eu égard aux pensées et intentions que recèlent les cœurs de Ses serviteurs. C’est ce dont il est question dans notre hadith mentionné ci-dessus.

LES UNITÉS DE VALEUR

En considération du hadith cité plus haut, nous pouvons définir que les entités utilisées pour la valorisation d’un homme sont scindées en deux groupes, à savoir : l’apparence physique et les biens ; puis le cœur et les actions. Bien que les deux premiers éléments permettent à l’homme de jouir d’une considération et d’une révérence particulière dans la vie courante et les rapports sociaux, ce qui est attendu d’un musulman digne, c’est une compréhension, une conduite mature et judicieuse afin qu’il puisse prêter attention à l’état spirituel de son cœur et à ses actions, qu’il ne se laisse pas berner par le matériel et qu’il s’évertue à être un serviteur doté de nobles valeurs spirituelles à même de le grandir aux yeux de son Majestueux Créateur. En effet, le musulman n’est pas celui qui se cramponne à ses désirs et aux richesses éphémères, mais plutôt celui qui se consacre corps et âme aux récompenses éternelles. Cela ne pourra être possible que par la maturité spirituelle de l’individu, l’harmonie entre son cœur et tout ce qu’il entreprend. Ceux qui méditent sur les hommes, les incidents et sur le monde en général, puis parviennent à réagir conformément aux attentes de leur Seigneur, parviennent tout de même à transcender la simple apparence des choses et à faire tourner le monde autour d’eux. Ceci est un bienfait ne pouvant être assuré que par la maturité spirituelle du cœur.

La maturité ne dispose ni de tenue apparente ni de profession car l’accession à la maturité est essentiellement assurée par le cœur. C’est pourquoi chaque humain est doté d’un cœur. La problématique ici, c’est de comprendre la sagesse de cet organe, d’être en harmonie avec lui. Pour le réconfort du cœur, nos aïeux procédaient tout d’abord à sa purification de tout élément étranger, puis l’ornaient au moyen de tous les éléments qui lui sont conformes. Celui qui détient un cœur souillé, détourné de sa fonction innée et qui admet toutes sortes de mensonges et d’actes ignobles, même si ce dernier, dans l’apparence, jouit d’un respect et d’une considération sur le plan social, il est sans nul doute un hypocrite au cœur troublé[4] qui laisse paraitre un aspect angélique pour tromper son entourage sur sa véritable nature. Cette apparence hypocrite n’est d’aucune valeur dans le processus de maturité spirituelle.

Ceux qui accordent une importance capitale à leurs apparences au détriment de leur for intérieur pour tromper les autres sur leur véritable personnalité mériteront bien évidemment le crédit et l’estime des hommes ; ceux-ci, à l’instar de Dieu, ne peuvent sonder la réalité des cœurs de ces hypocrites pour jauger leur degré de sincérité et leur aspiration à la piété. Or, la véritable piété et maturité spirituelle ne pourront être atteintes que par la purification du for intérieur, le contrôle permanent de la bonne direction sur laquelle doit demeurer le cœur. Eu égard à ces élégantes paroles délivrées par un amoureux du Divin : “Lorsque les éloges et satires des hommes te seront égaux, cela voudrait dire que tu es parvenu à la maturité spirituelle“, nous voyons la stricte mesure établie par la maturité spirituelle d’un serviteur et la place prépondérante qu’occupe le cœur dans le processus de cette maturité.

L’HOMME

Le spécialiste en exégèse du Saint Coran qui a défini l’homme par ces trois entités (tête, cœur, ventre), a aussi précisé qu’elles représentent les éléments fondamentaux qui le définissent, les centres par lesquels on peut l’atteindre et les voies idéales pour l’influencer. Parmi ces trois, le cœur est celui qui doit permanemment être soumis à un exercice d’amélioration. C’est pour cette raison que tous les messages divins étaient essentiellement orientés vers le cœur de l’être humain. Faisons un rappel sur les premières années de l’Islam. Lorsque le Noble Prophète (pbsl)fut envoyé aux Arabes, bien que ces derniers fussent plongés dans tout genre de débauche et d’actes indignes tels l’injustice, la violation des droits d’autrui, la barbarie, l’enterrement vif des fillettes, la rancœur et la haine à outrance, la licéité du gain illicite, les conditions de vie infernales des plus démunis face au style de vie fastueux et immodéré des riches de la société, Il ne s’est pas de prime abord attelé à les exhorter au délaissement de ces pratiques ignobles; bien au contraire, Il fit fi de tout cela comme s’il ne voyait rien et leur adressa à tous un message exclusivement orienté en direction de leurs cœurs: Ô hommes! Adorez votre Seigneur, qui vous a créés vous et ceux qui vous ont précédés.[5]

Apparemment, cet appel ne constitue pas un remède à aucune de ces pratiques diaboliques susdites. Mais en réalité, c’est le remède fondamental et permanent à tous ces maux. En effet, lorsque les cœurs des humains sont conquis, ils sont aisément malléables, peuvent être purifiés de leurs souillures et deviennent naturellement enclins au bien. Le cœur est la piste de décollage vers la maturité parfaite. L’âge d’or de la révolution islamique constitue sans faille une preuve qui corrobore la thèse selon laquelle le cœur est le lieu où débute le processus de la maturité spirituelle. Tous les facteurs qui distinguent la modernité islamique de toutes les autres modernités proviennent probablement des empreintes laissées par la maturité des cœurs des acteurs de cette modernité.

Les effets de la maturité spirituelle sont tels que même des années, voire des siècles après, l’on pourrait toujours les percevoir et les ressentir. La place prépondérante réservée dans nos cœurs et valeurs culturelles aux valeureux compagnons constituent le fruit de la satisfaction et de la récompense divine à l’égard de ces héroïques acteurs de l’histoire islamique.

L’ON NE PEUT JAMAIS FERMER LES PORTES DE SON CŒUR

Ceux qui ont scellé leurs cœurs à la réalité divine et qui disent “Nos cœurs sont enveloppés et impénétrables[6]sont en réalité les infidèles qui ont tourné le dos à leur dignité humaine, au sentiment d’amour inné en eux. Si l’homme marchande son désir à la maturité spirituelle innée en lui au profit des biens mondains insignifiants et passagers, il doit s’estimer satisfait des conséquences néfastes qui adviendront.

Cette conduite indigne de la part de l’être humain ne saurait déboucher que sur un échec évident. Le cœur est l’organe par lequel l’homme éprouve des sentiments de satisfaction ou d’insatisfaction, de bonheur ou de malheur, de joie ou de peine, de sérénité ou de trouble, conformément à la nature de ses rapports avec le Divin. Par conséquent, le serviteur ne pourra jamais fermer les portes de son cœur car, c’est le foyer de manifestation du résultat de ses actions. Rappelons que les cœurs exclusivement orientés vers leur Seigneur sont permanemment envahis par la paix et la placidité.

Les hommes dont les cœurs ne peuvent être pénétrés par la Parole Divine ne peuvent être conduits à la maturité spirituelle parce qu’ils sont esclaves de leurs passions. Ceci est une réalité sociale indiscutable. Tous les serviteurs qui aspirent à la maturité spirituelle sont des témoins vivants de cette réalité.

En résumé, l’idéal des hadiths et de tous les propos que nous avons auparavant mentionnés, c’est de faire comprendre à l’homme qu’il doit sa véritable valeur à son cœur et ses œuvres pie, et non à ses biens et statut social ; c’est en outre de résoudre la problématique de notre existence terrestre et soutenir spirituellement tous ceux qui aspirent à la piété.

LORSQUE LE CŒUR DEMEURE SUR LE CHEMIN DE LA FOI

Au nombre des pieux serviteurs contraints de renoncer à leurs croyances, voire même de les nier et qui continuent pourtant de croire dans leur for intérieur, Ammar b. Yasir est un très bel exemple qui démontre que Dieu l’Exalté observe ce que recèlent les cœurs pour émettre une sentence. En effet, lorsque ce dernier fut contraint par les incrédules de renier sa foi suite à des tortures infernales et qu’à son arrivée auprès du Sage Prophète (pbsl), à la question : “Que ressens-tu dans ton cœur“ qui lui fut posée, il répondit ainsi : “Je sens que mon cœur demeure sur le chemin de la foi“. Le Bien-aimé Prophète (pbsl) lui dit alors : “À toute occasion où tu seras persécuté par les incrédules, adopte la même conduite ! “ Le verset coranique (An-NahI, 106) qui fut révélé à la suite de cet incident certifia la foi qu’Ammar portait dans son cœur. Cet incident nous enseigne que le but fondamental, c’est la préservation de la foi au niveau du cœur. D’ailleurs, ce noble hadith nous démontre explicitement cette réalité : “Lorsque le cœur demeure sur le chemin de droiture, la foi reste inébranlable.[7]

En conclusion, chaque voyageur vers la maturité spirituelle, c’est-à-dire chaque musulman doit préalablement veiller à la droiture de son cœur, prêter attention aux conduites auxquelles son cœur l’enjoint, à la manière dont son cœur l’exhorte à valoriser ce bas-monde, aux choses auxquelles son cœur aspire, et savoir dans quelles circonstances et envers qui son cœur doit éprouver des sentiments d’amour et de défaveur. En effet, Dieu Le Loué nous dit : “Il (Allah) connaît la trahison des yeux, tout comme ce que les poitrines cachent. “[8]

En citant ce verset coranique, nous implorons le Seigneur des mondes de priver nos cœurs de tout envahissement et emprise du Diable : “Seigneur ! Ne laisse pas dévier nos cœurs après que Tu nous aies guidés ; et accorde-nous Ta miséricorde.[9]

[1]Muslim, birr, 33; Ibn Maja, zuhd9; Ahmed b. Hanbal, II, 285, 539.

[2]Muslim, birr, 32; Tirmidhi, birr 18; Ahmedb.Hanbal, II, 277, 360; III, 135, 491.

[3]Sourate Al-Baqara (2), verset260.

[4]Sourate Al-Baqara (2), verset 10.

[5] Sourate Al-Baqara (2), verset 21.

[6]Sourate Al-Baqara (2), verset 88; Sourate An-Nisâ (4), verset 155.

[7]Ahmet b Hanbal, III, 198.

[8]Sourate Ghâfir (40), verset 19.

[9]Sourate Al-‘Imrân (3), verset 8.

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