Le droit des créatures: Une source de faillite pour l’Homme

Mar 12, 2019 par

PROF. DR. HASAN KÂMIL YILMAZ

L’objectif principal de notre sainte religion est la réglementation de l’équité « Adl »[1] des relations entre les hommes et Dieu, entre les hommes et tous les êtres aussi bien animés qu’inanimés. La justice recommandée dans le Coran invite les hommes à mettre chaque chose à sa place, à remettre à chacun ce qui lui revient de droit et à se comporter équitablement dans toute situation. Pour le fidèle musulman, bien se comporter face aux autres créatures et éviter tout ce qui peut offenser les hommes est une nécessité inhérente à la foi.

D’ailleurs, dans un hadith il est dit : « La foi se décompose en soixante-dix étapes. La meilleure étape est de dire « il n’y a pas de divinité digne d’être adorée si ce n’est Allah » ; et la dernière étape consiste à ramasser tout ce qui peut faire obstacle sur un chemin. »[2]

La plus grande faiblesse de l’humanité est la tendance à vivre dans le libertinage tel que dicté par les désirs charnels. En outre, L’Homme est naturellement enclin à ne penser qu’à lui-même. C’est la raison pour laquelle Allah a fixé des lois régissant toutes les relations sociales et humaines. Ces lois émanent des principes de base recommandés par Allah pour les échanges commerciaux.

D’ailleurs, les versets abordant ce sujet en disent ceci : « Donnez la pleine mesure quand vous mesurez et pesez avec une balance exacte. C’est mieux et le résultat en sera meilleur. »[3]

« Remplissez la mesure, pesez avec justice, et ne fraudez pas les hommes dans leurs avoirs. »[4]

Dans le premier verset, l’expression « quand vous mesurez », ne vendez pas ce qui n’est pas bien mesuré, provient de ce qui se passe dans les relations d’intérêt. Pendant l’achat, il n’est pas nécessaire de préciser cela.

Dans le même ordre d’idée, ce verset déclare :

« Malheur aux fraudeurs qui, lorsqu’ils font mesurer pour eux-mêmes exigent la pleine mesure et qui lorsqu’eux-mêmes mesurent ou pèsent pour les autres, leur causent perte. Ceux-là ne savent-ils pas qu’ils seront ressuscités en un jour terrible, le jour où les gens se tiendront debout devant le Seigneur de l’Univers ? »[5]

En vérité, toutes les relations sociales sont semblables aux échanges commerciaux. Les hommes ont du mal à utiliser la balance de la justice dans les échanges commerciaux. Il en est de même des relations humaines impliquant les intérêts, dans lesquelles les hommes ont tendance à croire qu’ils ont raison, et sous la pression commettent l’erreur de ne pas considérer le droit de ceux qu’ils ont en face d’eux.

Les principes de justice recommandés par Dieu découlent de l’absence de consensus entre les hommes, de la persécution et de l’oppression des hommes, de la mécréance et finalement de la ruine que cela cause aux hommes. L’exigence divine du recours à la justice et à l’équité dans les relations humaines et commerciales doit être respectée pour éviter la faillite le Jour du Jugement dernier. Dans ce monde, tous ceux qui font usage de la persécution, de l’oppression et de l’usurpation des biens d’autrui répondront de leurs actes le Jour du Jugement dernier.

D’ailleurs, ce sont des sujets qui reviennent avec insistance dans les versets du Coran et les Hadiths du Prophète (saws).

Le hadith suivant donne l’un des exemples les plus illustratifs à ce sujet : Selon Abû Hurayra (r.a.), le Messager de Dieu (saws) a dit : « Savez-vous qui a fait faillite ? »

Ils dirent : « Nous considérons comme failli parmi nous celui qui a perdu son argent et ses biens. »

Il dit : « Le failli de ma communauté qui viendra le jour de la résurrection ayant fait la prière, observé le jeûne et payé l’impôt (zakat) viendra après avoir insulté celui-ci, accusé celui-là de dévergondage, mangé l’argent de tel autre, répandu le sang de celui-là, et frappé tel autre. On répartit ses bonnes actions entre ses victimes et, si elles ne suffisent pas à le racheter auprès d’elles, on prend de leurs péchés, on les jette sur lui et il est ensuite jeté en Enfer ». [6]

Quand les droits des victimes seront compensés au détriment des récompenses de ce failli, le jour effroyable du Jugement dernier, il regardera son cahier de jugement et verra que ses récompenses engrangées qui lui nourrissaient d’espoir auront été effacées et de la même façon que le marchand failli qui s’est fait voler son argent s’écrie : « ma fortune et mon argent ! », il dira en regrettant amèrement « mes œuvres pies et mes récompenses ! ». Cela résulte de la négligence, de l’inadvertance et du manque de souci pour le monde de l’au-delà.

En plus du hadith du Prophète (saws) qui raconte les horreurs du règlement des comptes le Jour du Jugement dernier, un autre hadith attire l’attention[7].

Au-delà du jugement des hommes, les autres créatures en fonction de leurs espèces seront aussi jugées ce jour-là. Pendant ce jour effroyable, Allah tranchera les affaires ayant opposé Ses créatures. Quand aucun différend ne restera plus en suspens entre les bêtes, Allah ordonnera : « Soyez de la terre ! ». C’est alors que l’infidèle dira : « Si seulement je pouvais devenir de la terre. »[8]

Dans le cahier de jugement des hommes, les péchés sont classés en trois catégories :

Premièrement, les péchés impardonnables tels que l’associationnisme et le blasphème.

Deuxièmement, les péchés pardonnables commis contre Allah en dehors de l’associationnisme et du blasphème.

Troisièmement, les péchés commis contre les créatures de Dieu. Ces péchés ne restent jamais impunis. Les procès ne finissent pas tant que les droits des victimes ne sont pas rétablis et la justice rendue.

Les sourates et les hadiths qui abordent ce sujet recommandent une sensibilité particulière dans les relations humaines, aussi bien au niveau du voisinage, du comportement en public, qu’au niveau des dettes et des échanges commerciaux ; car un musulman qui ne respecte pas les droits d’autrui est considéré comme tricheur sur la balance des relations. En outre, la balance dont il est question dans ces versets n’est pas seulement la balance graduée en grammes et en mètres, c’est surtout la balance de la justice.

Dans la repentance et la demande du pardon, les péchés relatifs aux droits des serviteurs d’Allah ne peuvent être effacés qu’à travers le pardon des victimes. La leçon à tirer ici est que les péchés relatifs au droit des serviteurs d’Allah ne peuvent pas être effacés à travers la repentance et l’istighfar (la demande du pardon à Dieu), mais plutôt à travers le recours aux pardons des victimes. Ici, le principe suivant doit être pris en considération : « pardonner, c’est faire preuve de grandeur, usurper le droit d’autrui, c’est de l’oppression ». Allah pardonne à la mesure de Sa grandeur, les péchés commis contre Lui-même par Ses serviteurs, mais Il ne peut pas pardonner les péchés commis contre Ses serviteurs car cela s’apparenterait à l’injustice à l’égard des victimes.

Le verset coranique : « Quiconque fait un mal, fût-ce du poids d’un atome, le verra »[9] se réfère aussi aux péchés commis à l’égard des serviteurs d’Allah.

À cause de l’étendu du droit des hommes, notre Prophète (saws) s’est montré très sensible à ce sujet. Pendant sa maladie, après avoir fait la prédication du haut de sa chaire, il s’exprima au public en ces termes : [10]« Si je dois quelque chose de toute nature que ce soit à quelqu’un, qu’il sorte et réclame son dû. »  

D’ailleurs, le Prophète (saws) pendant les prières funéraires demandait toujours si le défunt avait une dette non payée. Dans le cas où le défunt était endetté, il demandait que sa dette soit remboursée à partir de son héritage[11].

De nos jours, les pratiques des prières funéraires doivent s’approprier de la tradition de l’époque du Prophète (saws). Le rituel doit être légitimé par le paiement des dettes du défunt.

Pour pouvoir éviter l’usurpation des droits d’autrui et être sensible à ce sujet, il faut éviter de consommer les interdits et ne pas opprimer. Mais, si l’Homme les consomme, il ne doit s’attendre qu’à la calamité et la catastrophe. Comment peut-on espérer la miséricorde et la paix en usurpant les biens d’autrui ?

Dans le Coran, il est mentionné que tous les infidèles et les blasphémateurs sont maudits : « Ce jour, un ange annoncera à haute voix au milieu de tout le monde : Que la malédiction d’Allah soit sur les injustes. »[12]

De la même façon que les sensibilités concernant les droits des hommes construisent la paix dans la vie matérielle, elles constituent aussi une garantie pour le bonheur dans le monde d’après. D’ailleurs, une personne qui s’efforce de ne pas offenser les autres en contrôlant l’usage de ses mains, de sa langue, de ses yeux et de sa parole est à l’abri des péchés commis contre les serviteurs d’Allah. Il s’agit d’une personne qui est maître de ses mains, de sa bouche, de ses yeux et de son cœur. Dans la vie sociale, pouvoir utiliser tous les potentiels sans nuire aux autres dépend de l’utilisation de cette sensibilité. Celui qui ne craint pas de nuire aux chefs d’État, qui ne craint pas de nuire à autrui, est en passe de commettre des péchés contre les créatures d’Allah. Ce genre de personne peut facilement garer sa voiture devant le domicile des autres sans leur consentement. Il peut également violer les signaux routiers sans remords. Il ne se soucie pas quand il répand de l’eau sale dans le jardin, sur la voiture ou le balcon du voisin.

Quand on parle du droit des créatures en général, les dégâts et les droits liés à la vie et aux biens des hommes sont les premières choses qui nous viennent à l’esprit. Pourtant, les droits des créatures englobent tout acte pouvant offenser autrui aussi bien du point de vue du comportement, de la parole que du regard. Ces droits impliquent aussi la destruction de l’environnement et de l’équilibre écologique, la pollution des cours d’eau, de l’air et de la terre.

Tous ces péchés commis consciemment, inconsciemment, par inadvertance ou par confusion, constitueront un problème pour l’Homme le Jour de la Résurrection. Pendant la pesée des actions le Jour du Jugement dernier, les hommes pourraient se retrouver dans la situation des banqueroutiers. Le moyen d’échapper à cette situation constitue à rechercher la miséricorde d’Allah, être un ami affectueux pour les hommes et en tant qu’ami, éviter les interdits.

[1]                                             Saint Coran, sourate An-Nahl, 16/90.

[2]                                             Muslim La Foi, 58 ; Al-Bukhârî La foi ; Abû Dawûd, La Sunnah, 14 ; An Nasaî, La foi, 16 ; At Tirmidhî, Birr 80, La foi, 16 ; Ibn Maja, Mukaddima, 9.

[3]                                               Saint Coran, sourate Al-Isrâ’, 17/35.

[4]                                             Saint Coran, sourate Hûd, 11/85.

[5]                                             Saint Coran, sourate Al-Mutaffifîn, 83/1-6.

[6]                                             Muslim, Birr, 59. Cf. At-Tirmidhî, Qiyama, 2.

[7]                                             Muslim, Birr,60; At-Tirmidhî, Qiyama, 2; Ahmed, Musnad, II, 235, 323, 372, 411.

[8]                                             An-Naba’, 78/40.

[9]                                             Az-Zalzala, 99/8.

[10]                                           Al-Bukhârî, Mazâlim, 10, Riqâq, 48.

[11]                                           Mevsılî, el-İhtiyâr, V, 85, 86.

[12]                                           Al-A’râf, 7/44.

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