Infaq : générosité et charité (dépenser dans le sentier de Dieu)

Mar 13, 2019 par

Osman Nuri Topbaş

La compassion est un des fruits de la foi. Le signe qui caractérise sa présence c’est faire infaq (dépenser dans le sentier de Dieu). Faire infaq c’est consacrer sa richesse, sa fortune et sa vie à Dieu. Dans l’humanité, le summum de la vertu est présent chez les prophètes et leurs héritiers : les érudits, les sages et les Compagnons dont la vie est remplie de nombreux exemples de compassion et d’altruisme.

Faites la course quand il s’agit de faire le bien…

Un jour, notre Prophète (pbsl), après avoir accompli la prière du matin, se tourna vers ses Compagnons et leur posa la question suivante :

« Y a-t-il quelqu’un parmi vous qui jeûne aujourd’hui ? »

‘Omar (que Dieu l’agrée) répondit :

« Ô Prophète ! Hier soir je n’ai pas pensé à jeûner, et c’est à cause de cela que je ne jeûne pas ce matin. »

Abû Bakr (que Dieu l’agrée) répondit :

« Moi, j’ai pensé à jeûner le soir, et ce matin je jeûne. »

Notre Prophète (pbsl) demanda encore :

Y a-t-il quelqu’un parmi vous qui a visité un malade aujourd’hui ? »

‘Omar répondit :

« Ô Prophète ! Nous venons à peine d’accomplir la prière du matin et nous n’avons pas bougé de notre place, comment aurait-on pu visiter un malade ? »

Abû Bakr répondit :

« J’ai entendu dire que mon frère Abdurrahman ibn Awf est tombé malade. Je suis allé lui rendre visite avant de me rendre à la mosquée. »

Notre Prophète (pbsl) demanda encore :

« Y a-t-il quelqu’un parmi vous qui a nourri un pauvre ? »

‘Omar répondit :

« Ô Prophète ! Nous venons à peine de terminer notre prière du matin et nous n’avons pas bougé de notre place. »

Abû Bakr répondit :

« Lorsque je suis entré dans la mosquée, j’ai aperçu une personne qui était dans le besoin. Mon fils Abdurrahman tenait dans sa main un morceau de pain d’orge. Je le lui ai pris pour le lui donner. »

Sur ce, notre Prophète (pbsl) rétorqua :

« Abû Bakr, je t’annonce une bonne nouvelle. Tu iras au Paradis. »

‘Omar soupira profondément en disant :

« Ah le Paradis ! »

Notre Prophète (pbsl), pour apaiser son cœur, lui exprima alors cette parole réconfortante :

« Que Dieu bénisse ‘Omar ! Que Dieu bénisse ‘Omar ! À chaque fois qu’il veut faire une bonne action, Abû Bakr le devance. » (Haythami, III, 163-164. Voir aussi Abû Dawûd, Zakat, 36/1670 ; Hakim, I, 571/1501)

La leçon que nous devons tirer de ce hadith, c’est qu’il faut toujours être à la recherche d’une bonne action pour pouvoir acquérir la satisfaction de Dieu. Un verset du Coran stipule que :

« Celui qui recevra son livre en sa main droite sera soumis à un jugement facile. » (al-Inshiqaq, 84/7-8)

Une fois notre Prophète (pbsl) rapporta :

« Personne ne mourra sans éprouver de regrets. Et quand on demandera la cause de ces regrets on répondra :

« Si le mort était quelqu’un de bienfaisant et vertueux, il regretterait de ne pas avoir fait davantage dans la vie d’ici-bas. En revanche, si c’était quelqu’un de mauvais, il regrettera de ne pas avoir amélioré son état en abandonnant sa méchanceté. » (Tirmidhî, Zuhd, 59/2403)

Notre Seigneur, dans un verset du Coran, nous expose le cas de croyants dont Il est satisfait :

« … concourent aux bonnes œuvres… » (al-Imran, 3/ 114)

Il faut que l’on retrouve chez le croyant cette volonté de concourir pour faire le plus de bonnes actions. Eux ont su donner du bonheur tout au long de leur chemin à tous les êtres vivants, à l’homme, aux animaux, aux arbres, aux oiseaux, à la rose et au lys. Dépenser dans le sentier de Dieu, c’est être rempli de compassion et d’altruisme envers toute l’humanité tout en recherchant la satisfaction de Dieu. Pour compenser le manque chez l’autre (nécessiteux) ils sont prêts à tout faire pour les aider.

En réalité, Notre Seigneur a octroyé à l’humanité la conscience et la compassion afin qu’elle puisse parvenir à dépenser dans le sentier de Dieu (infaq). Faire infaq constitue l’une des plus importantes adorations en islam. Aucun doute que cet élément constitue également l’un des nombreux privilèges qui nous sont accordés. Notre Seigneur nous donne tant de bienfaits que notre devoir est de Lui en être reconnaissant et de Le remercier. En conséquence, dépenser au nom de Dieu est un moyen de se faire pardonner nos péchés et de bénéficier d’une récompense qui nous ouvrirait les portes du bonheur éternel.

La générosité : vertu qui glorifie la religion

Pour pouvoir dépenser dans le sentier de Dieu (infaq), il faut impérativement que l’âme soit remplie de générosité. Si dans l’âme les semences de la générosité n’ont pas été semées, il est absurde d’en attendre les fruits.

Dans un hadith, il est rapporté que la générosité contribue à un rapprochement et renferme une affection divine :

« Dieu est généreux et aime la générosité, comme il aime l’attitude noble… » (Suyutî, al-Jamiu’s-Sagir, I, 60)

La générosité est la saveur de la foi, invitant à l’affection des hommes et à celle de Dieu. Un hadith stipule que :

« Cette religion (l’islam) est une religion que j’ai choisie pour Ma créature. Seules la générosité et la vertu en sont dignes. Si vous vivez en tant que musulmans vous devez la glorifier avec ces deux vertus. » (Haythami, VIII, 20 ; Ali al-Muttaqi, Kanz, VI, 392)

La générosité est le signe d’une foi accomplie envers Dieu et la vie dans l’au-delà. ‘Ali (que Dieu l’agrée) exprime cette réalité d’une très belle façon :

« La foi ressemble à un arbre : sa racine est la connaissance, sa branche est la piété, sa lumière est la pudeur et son fruit est la générosité. »

 

Sheikh Sadi Shirazi a dit :

« La personne généreuse est semblable à un arbre qui donne des fruits et la personne avare est semblable à des bouts de bois que l’on trouve dans la montagne. »

Il veut par là nous dévoiler que les personnes qui sont privées de cette vertu ont la même équivalence qu’un bout de bois que l’on jette au feu.

Deux grandes maladies : le gaspillage et l’avarice

Le gaspillage, c’est dépenser pour soi, et l’avarice c’est amasser pour soi. Ces deux penchants représentent l’égoïsme et l’égocentrisme. Notre Seigneur réfute de façon catégorique ce genre de comportement venant de Son serviteur. Le Coran stipule à ce propos :

« Ne porte pas ta main enchaînée à ton cou (par avarice) et ne l’étend pas non plus trop largement, sinon tu te trouveras blâmé et chagriné. » (al-Isra, 17/ 29)

« Qui, lorsqu’ils dépensent, ne sont ni prodigues ni avares mais se tiennent au juste milieu. » (al-Furqan, 25/67)

L’Imam Ghazali nous le décrit ainsi :

« Ce qui équilibrerait le gaspillage et l’avarice serait la générosité. »

Dépenser une part juste de sa richesse revient à l’utiliser à bon escient ; c’est s’éloigner de ces deux grands maux que sont le gaspillage et l’avarice ; les ravages de l’enrichissement étant l’ambition, la cupidité et l’avarice. La solution à ces problèmes réside dans la générosité.

D’un autre côté le mal qui ravage la générosité, c’est le gaspillage. En effet, la personne veut être généreuse, mais se sachant garder un juste milieu elle va engendrer la prodigalité.

Mais il faut faire attention à la notion de gaspillage qui ne veut pas dire forcement trop dépenser. La dépense, qu’elle soit petite ou grande, qui est injustifiée et inutile n’est que gaspillage alors qu’une dépense appropriée et précise, même conséquente, ne peut être considérée comme du gaspillage, mais plutôt comme un geste admirable. Abû Bakr (que Dieu l’agrée) a apporté et a donné sans compter toute sa fortune à notre Prophète (pbsl). Voilà un magnifique exemple !

D’autre part l’avarice ce n’est pas donner peu, c’est plutôt ne pas donner par rapport à sa situation personnelle, car en effet toute personne est responsable de ce qu’il donne. Sheikh Sadi nous exprime si bien ce fait :

« Dieu n’a jamais fermé les portes des bienfaits devant quiconque. Sache que les bienfaits réalisés ne le sont qu’en fonction de l’état de la personne. Si un riche donne une balance de sa fortune, cela ne peut être comparable à un carat que donnerait un pauvre qui l’aurait gagné à la sueur de son front. »

Pendant la bataille de Yarmouk, trois martyrs agonisants voulurent boire tour à tour un peu d’eau. Mais chacun réagit de façon si altruiste qu’à la fin personne ne réussit à boire cette eau tant désirée ; en effet tous rendirent leur dernier soupir. Seul demeurait ce verre d’eau que chacun aurait pu offrir à l’autre avec tant d’altruisme ; voilà peut-être un geste qui aurait surpassé d’autres actions encore plus grandes faites au nom de Dieu. En conséquence, dans cette scène, l’important n’est pas le verre d’eau, mais plutôt l’exposition de la richesse et de la beauté de l’âme.

Dans ce cas, si offrir une petite quantité eût semblé de l’avarice, la générosité ne serait que le privilège des gens riches, alors que la richesse ou la pauvreté n’est qu’une épreuve divine dans ce monde. Le croyant, qu’il soit riche ou dans le besoin, n’est pas lié à sa volonté. Voilà pourquoi la générosité ou l’avarice ne symbolise pas une histoire de biens, de fortune, de richesse, mais plutôt une histoire d’état d’âme.

En effet, un croyant qui est réduit dans ces moyens peut être une personne généreuse et doit le demeurer. Notre foi nous impose aussi d’être des croyants généreux ; en effet la générosité ou l’avarice ne dépend pas de ce que nous possédons en grande ou en petite quantité, mais plutôt de la manière dont nous en disposons.

Ainsi donc, que le croyant fût riche ou pauvre, notre Prophète (pbsl) l’encourageait toujours à dépenser au nom de Dieu. Et à ceux qui ne possédaient rien d’autre qu’une datte il leur disait ceci :

 

« Protégez-vous de l’Enfer, ne serait-ce qu’avec une belle parole. » (Bukharî, Adab, 34)

Voici d’autres exemples de suggestion et d’incitation apportés par notre Prophète :

« Ô Aicha ! Même si tu ne peux lui donner qu’une moitié de datte, ne renvoie pas le pauvre. » (Tirmidhî, Zuhd, 37)

« Chaque sourire fait à ton frère est une sadaqa. » (Tirmidhî, Birr, 36)

Notre Prophète (pbsl) dit une fois à Abû Darda (que Dieu soit satisfait de lui) :

« Si tu fais de la soupe, ajoute beaucoup d’eau et donnes-en à tes voisins (ceux qui sont dans le besoin). » (Ihya, I, 626)

Le remède de l’âme malade : la générosité et la charité

Toute adoration que nous pratiquons apporte à notre âme des beautés et des vertus incomparables. L’être humain doit se débarrasser de son entité brute pour devenir un croyant mature ; pour cela il a besoin d’enrichir son âme avec cette nourriture spirituelle qui est très importante.

‘Omar (que Dieu l’agrée) nous rapporte ceci :

« La prière t’emmène à la moitié du chemin, le Ramadan t’emmène à la porte de Malik et la sadaqa te met en présence de la porte. »

 

« Dépenser dans le sentier de Dieu ». Si nous analysons cette expression avec le sens profond qu’elle véhicule, nous pouvons nous apercevoir qu’il fait partie intégrante du culte de la sagesse. En effet, cette adoration sauve l’homme (son âme, son identité et son caractère) de l’asservissement du matérialisme pour l’emmener vers une vie ou règne la spiritualité sur la matière. À cet égard, parmi toutes les adorations, dépenser dans le sentier de Dieu est l’acte d’adoration qui apporte l’un des plus grands bénéfices à l’âme : celui « de la conscience tranquille ».

Ali Isfehani (que Dieu soit satisfait de lui) nous relate très bien cette vérité :

« … J’ai recherché le fait d’être en bonne santé et sans péché, je l’ai trouvé dans l’ascétisme. En effet, de peur de pouvoir tomber dans ce qui est soupçonneux, j’ai abandonné la plupart des actes moubah. J’ai recherché le fait de rendre plus facilement des comptes, je l’ai trouvé en gardant le silence. J’ai recherché la paix et la tranquillité, je les ai trouvées dans le fait de dépenser dans le sentier de Dieu. »

Parce que chaque croyant est responsable de tout ce qui l’entoure, il ne peut rester indifférent devant les cris de détresse des nécessiteux et des opprimés. C’est encore lui qui doit être rempli d’émotion, de délicatesse, de compassion, d’altruisme, de sensibilité et de générosité comme la lune qui éclaire par une sombre nuit.

Dieu, en nous donnant les bienfaits terrestres, nous a en même temps rendus dépendants les uns des autres. Par conséquent, nous devons prendre soin des nécessiteux en leur attribuant une part des bienfaits que Dieu nous a accordés, pour nous ceci étant une grande vertu et une grâce divine. Quand les nécessiteux ne sont pas consolés alors qu’ils crient de détresse, comment les croyants peuvent-ils trouver la quiétude de l’âme ?

Mawlana (Djalal ud-Din Rumî) nous le recommande si bien :

« Sache qu’il est bon de savoir que subir des préjudices dans notre corps, dans nos biens ou dans nos propriétés a beaucoup d’utilité pour notre âme parce que cette opération la purifie des péchés. Les biens, lorsqu’on fait une donation ou lorsqu’on les met à disposition sans rien attendre en retour, apparaissent comme une perte, une diminution, mais en fait ils apportent à l’âme de celui qui dépense une grandeur spirituelle. »

Quant aux biens terrestres, nous devons d’abord aider nos proches, puis les plus démunis de la population sans oublier les délaissés et les sans-abris. Ceci doit être acquis pour la quiétude de l’âme et le bonheur dans l’au-delà. Si pour être victorieux (dans l’au-delà) nous devons utiliser cette intention et nous verrons alors disparaître l’anxiété, la déprime et la rigidité apportées par les préoccupations terrestres puis remplacées par une douce et paisible paix intérieure.

Une des maladies les plus importantes que l’on rencontre de nos jours, c’est la froideur des cœurs. Le remède apporté par notre Prophète est celui-ci :

« Si tu veux que ton cœur se ramollisse, donne à manger au pauvre et caresse la tête de l’orphelin. » (Ahmed ibn Hanbal, II, 263)

Mawlana (Djalal ud-Din Rumî) nous décrit un fait similaire à ce hadith :

« Les âmes qui se noient dans la pauvreté et les épreuves ressemblent à une maison où règne la fumée. Si tu veux entendre leur douleur et leur chagrin, commence d’abord par ouvrir la fenêtre pour que la fumée sorte et que ton cœur et ton âme s’adoucissent et se sensibilisent. »

Lorsqu’on dépense dans le sentier de Dieu, on s’aperçoit que l’âme mûrit en sensibilité pour acquérir une quiétude ; c’est pour cette raison qu’il faut se diriger vers la générosité du don.

Mawlana (Djalal ud-Din Rumî) nous le recommande si bien :

« La prière est ton berger, elle te sauvera des maux et des loups ! La zakat sera le gardien de ta bourse et la protégera. L’or ne diminuera pas en donnant, bien au contraire il s’accroîtra et augmentera ! »

En vérité, lorsqu’on donne avec générosité, on constate que le bien ne diminue pas, ne disparaît pas bien, et que bien au contraire, grâce à ce don fait au nom de Dieu, il s’enrichit et devient abondant. Au cours de sa vie Abû Bakr (que Dieu l’agrée) a souvent offert tous ces biens et tout ce qu’il possédait au nom de Dieu, ce jusqu’au point de ne plus rien posséder, mais grâce à Dieu il a pu à nouveau acquérir une grande richesse. En conséquence, le bien donné au nom de Dieu ressemble à cet arbre dont on taille les branches (élagage) pour le rendre plus fort et plus productif afin qu’il soit plus abondant. Un verset coranique stipule à ce propos :

« Ceux qui dépensent leurs biens dans le sentier d’Allah ressemblent à un grain d’où naissent sept épis, à cent grains l’épi. Car Allah multiplie la récompense à qui Il veut et la grâce d’Allah est immense, et Il est Omniscient. » (al-Baqara, 2/261)

Le bien que l’on ne dépensera pas ressemble à cette eau qui en stagnant s’altère, perd de sa valeur nutritive et commence à sentir mauvais. Sheikh Sadi nous le dit si bien :

« Ne crois pas que l’argent augmente en s’amassant. L’eau qui stagne sent très mauvais. Commence à faire des donations. Le ciel aidera l’eau qui coule en faisant tomber la pluie… »

Mawlana (Djalal ud-Din Rumî) nous donne un autre exemple de cette vérité :

« Celui qui sème, vide d’abord son grenier et ensuite il le remplit de produits. Celui qui garde les grains dans le grenier se fera à la fin manger par les rats. »

La zakat et les sadaqats servent à purifier les biens restants. Qui plus est, pour cette personne, cela peut servir de bouclier spirituel contre les tourments.

Un hadith stipule :

« Précipitez-vous en faisant l’aumône parce que les difficultés resteront en arrière. » (Haythami, Majma al-Zawa’id, III, 110)

Dans le Coran, on cite dans plus de deux endroits des citations qui ordonnent et qui encouragent à dépenser au nom de Dieu. Ceci est la conséquence de la grande miséricorde de Dieu. Enfin, notre Seigneur nous invite par ce moyen à cultiver notre spiritualité.

Donner le surplus

L’adoration de Dieu commence lorsque les cœurs sont remplis d’affection pour Lui. Les biens et les richesses commencent alors à ne plus avoir de valeur dans l’âme, sauf si ceux-ci peuvent être utiles pour se rapprocher de Lui. Si un croyant veut que Dieu soit satisfait de lui, il doit vivre une vie simple, sans extravagance, se contentant de ce qu’il a sans aller dans l’excès et recherchant les voies propices au partage avec autrui.

La génération des Compagnons du Prophète (pbsl) qui a baigné dans le climat du Coran et de la Sunna devint très riche par les biens qui coulaient à flot à Médine consécutivement aux batailles remportées. Cependant ces Compagnons n’eurent jamais de penchant pour la luxure et l’opulence. Ils vécurent très modestement et ne changèrent jamais le décor de leur demeure pour autant. Ils vécurent en sachant que la vraie richesse n’était pas la richesse matérielle, mais bien la richesse intérieure et la plénitude de l’âme. L’un des maux de notre société actuelle est bien la surconsommation, l’avidité, la gloutonnerie, la luxure et le faste, un style de vie que la génération des Compagnons (Sahabas) ignorait parce qu’ils vivaient avec cette conscience et cette connaissance, disant : « Demain, l’endroit où résidera la nafs, c’est la tombe. »

L’Imam Malik écrivit une lettre au califat de son époque dont voici un extrait :

« ‘Omar, parti en pèlerinage dix fois. Ce que je sais de lui c’est qu’il vivait une vie modeste (sa subsistance ramenée au nombre de ses vêtements). Pendant le pèlerinage il ne dépensait que douze dinars. Il n’habitait pas dans les tentes, mais à l’ombre d’un arbre. Il transportait sa gourde autour du cou. Lorsqu’il se trouvait dans un bazar, il se souciait toujours des gens autour de lui en leur posant des questions sur leur bien-être. » (Kadi Iyaz, Tertibul-medarik, s.,271)

En fait, ‘Omar (que Dieu l’agrée), lorsqu’il faisait le pèlerinage (Hajj), le faisait d’une façon économique en subvenant à ses besoins et en utilisant le strict minimum. Ainsi le reste qui lui restait, il le donnait puisqu’il savait que Dieu donne comme mesure et référence pour « le surplus de ses besoins ». En conséquence, la mesure du degré minimum dans la générosité, c’est prendre le minimum et donner le surplus.

Notre Prophète (pbsl) nous le rappelle ainsi :

« Ô fils d’Adam ! Il t’est bien préférable de donner ce qui dépasse tes besoins ; et si tu le gardes c’est pour toi un mal. Jamais on ne te reprochera de détenir ce qui répond à tes justes besoins. Quand tu donnes, commence par ceux qui sont à ta charge. La main supérieure vaut mieux que la main inférieure. » (Muslim, Zakat, 97. Voir aussi Tirmidhî, Zuhd, 32)

C’est-à-dire que relativement aux dépenses personnelles, il ne faut pas dépenser au-delà de ce que l’on a réellement besoin, déterminer un cadre équitable et utiliser le surplus que l’on possède dans le sentier de Dieu.

S’efforcer d’accroître la générosité

 

Ahmed ibn Abû Ward (que Dieu soit satisfait de lui) nous rapporte le cas d’un rapproché de Dieu :

Si ces trois choses croissent chez le croyant proche de Dieu, alors sa beauté intérieure s’accroîtra :

1- S’il acquiert des degrés en spiritualité, alors son humilité augmentera.

2- Si sa vie se rallonge, alors il sera au service des autres.

3- Si ces biens prospèrent, alors sa générosité augmentera.

Mahmud Sami, un serviteur de Dieu, était dans un tel état d’enthousiasme lorsqu’il s’agissait de dépenser dans le sentier de Dieu qu’à chaque fois qu’il faisait une aumône ou un don, pour lui c’était toujours insuffisant. En effet, il n’utilisait aucun moyen de locomotion pour se rendre à son lieu de travail qui se situait pourtant loin de chez lui, mais il marchait pour pouvoir utiliser cet argent économisé dans le sentier de Dieu alors qu’il en avait besoin. Il essayait toujours d’être altruiste.

En effet les biens ou les situations qui se présentent sont des capitaux importants pour notre salut et notre bonheur dans l’au-delà. Mawlana (Djalal ud-Din Rumî) nous le souligne si bien dans une de ses recommandations :

« Dans ce monde, diminue une petite quantité de ce que tu bois et de ce que tu manges pour pouvoir trouver la source de Kawthar. »

Aujourd’hui, dans notre confort et aisance personnels, dans la décoration intérieure de nos maisons, dans nos dépenses journalières, même si nous ne pouvons faire qu’un infime sacrifice, chacun doit essayer de détenir cette grande morale dans sa propre vie. De toute façon, le cas des nécessiteux, des opprimés et des gens qui souffrent dans la population ne présente-t-il pas un tableau suffisant pour tous ceux qui ont une conscience intérieure. Les personnes qui ont cette conscience, qui sont aisées et qui agissent à bon escient resteront toujours à l’écart d’une vie plus luxueuse et plus confortable. Mais, en revanche, les personnes qui sont aveugles devant cette réalité et qui pour elles-mêmes sont capables de dépenser des sommes faramineuses en se disant « c’est mon bien, mon argent, j’en fais ce que je veux » tout en restant insensibles et dépensant à outrance l’argent en le jetant par les fenêtres, le Coran nous dit ceci : « Ingrat, voici les compagnons de Satan. »

 

L’avare qui est aveugle !

Pour être une personne qui dépense dans le sentier de Dieu, il faut être bienfaisant ; en effet il est impératif de vivre notre vie en sachant que Dieu nous voit et nous observe. À Chaque fois et dans chaque situation, il faut être conscient de la grandeur de Dieu et cela n’est possible qu’en jouissant d’une grandeur d’âme. Pour être réellement une personne généreuse, il faut entrevoir la récompense que l’on pourra acquérir dans l’au-delà et pour cela nous devons avoir une foi solide. Cette vérité, Mawlana (Djalal ud-Din Rumî) nous l’exprime ainsi :

Notre Prophète (pbsl) nous rapporte ceci :

« Le Jour de la Résurrection, si la personne sait et croit en la valeur de chaque acte de bonté effectué sur terre ; un bienfait multiplié par dix, la personne accroitra toujours sa générosité. 

 

La générosité verra toujours sa contrepartie. C’est à cause d’elle qu’elle apporte joie et espérance et fera disparaître l’effet de la chose qui disparaît lorsqu’on la donne. 

L’avarice, d’après les dires de notre Prophète (pbsl), ne sera pas sujette à cette récompense. La perspective de voir la perle réjouit d’avance le plongeur. Dans cette situation, on ne doit faire montre d’avarice parce que personne n’entrera dans un jeu s’il n’y a pas de contrepartie.

 

Ainsi donc la générosité vient de l’œil et non de la main. Celui qui voit c’est l’œil, c’est la façon de voir. Si l’on ne regarde pas avec l’œil, on ne sortira pas de l’avarice. »

En vérité, l’avarice, c’est l’aveuglement du cœur et de l’âme face à une réalité qui est la fin de la vie (la mort) et une terrifiante ingratitude envers notre Seigneur car Il est Celui qui a créé toute chose en abondance à l’intention de Son serviteur. Voici l’avertissement grandiose de Mawlana (Djalal ud-Din Rumî) à ce sujet :

« C’est comme s’asseoir au bord de la rivière et épargner l’eau à ses semblables, étant dans un état d’aveuglement. »

Notre Seigneur nous interpelle dans le Coran sur la réalité de cet aveuglement et de cette ingratitude :

« Et qu’avez-vous à ne pas dépenser dans le chemin d’Allah, alors que c’est à Allah que revient l’héritage des cieux et de la terre ? » (al-Hadid, 57/10)

« … Et c’est à Allah qu’appartiennent les trésors des cieux et de la terre. Mais les hypocrites ne comprennent pas. » (al-Munafiqun, 63 /7)

« Vous voilà appelés à faire des dépenses dans le chemin d’Allah. Certains parmi vous se montrent avares. Quiconque cependant est avare, l’est à son détriment. Allah est le Suffisant à Soi-même alors que vous êtes les besogneux. Et si vous vous détournez, Il vous remplacera par un peuple autre que vous, et ils ne seront pas comme vous. » (Muhammad, 47/38)

Posons-nous la question de savoir sur quelle propriété nous vivons. À qui appartiennent tous ces bienfaits qui sont mis à notre disposition ? Finalement de qui épargnons-nous les biens qui nous entourent ? Sans nul doute que cette légitimité appartient à Dieu. Il nous confie ces bienfaits. Le serviteur n’est qu’un consignataire et il a le pouvoir d’un fonctionnaire de l’économie, mais en étant un fonctionnaire responsable de son économie… Le serviteur à qui l’on confie des biens et aussi le consignataire du pauvre et du nécessiteux. Il ne peut demeurer indifférent face à ce qui l’entoure.

 

Dépense au nom de Dieu si tu veux que l’on dépense pour toi…

À toutes les créatures de Dieu auxquelles on accorde la miséricorde et auxquelles on donne, l’indicateur qui montre notre affection vis-à-vis de Lui, c’est quand nous Lui témoignons notre reconnaissance. Nous avons besoin de la bonté et de la miséricorde de notre Seigneur, et nous aussi nous sommes dans l’obligation d’être généreux et bon envers toutes Ses créatures.

Il est dit dans un hadith :

« Ô fils d’Adam ! Dépense dans le sentier de Dieu pour que l’on puisse aussi dépenser pour toi. » (Bukharî, Tawhid, 35)

Et dans un autre :

« Dépense dans le sentier de Dieu et ne compte pas sur place, sinon Dieu préservera et comptera ce qu’Il te donne. Ne cache pas ton argent dans une jarre sinon Dieu te le cachera. » (Bukharî, Zakat, 21 ; Muslim, Zakat, 88)

En effet, pour être un bon croyant dont Dieu serait satisfait, il faut que comme Lui nous puissions donner sans compter à Ses serviteurs qui sont dans le besoin avec une grande générosité. C’est là notre devoir.

Seigneur, remplis nos cœurs de foi, remplis nos âmes de générosité, remplis nos consciences du bonheur de dépenser dans le sentier de Dieu !

 

Amin…

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