Tant qu’il ne pose pas son pied sur ma joue…

Mar 13, 2019 par

 

Yacouba Sawadogo

 

Hazrat Bilal (qu’Allah soit satisfait de lui) était en ce jour particulièrement affligé. Ses yeux étaient baissés et il n’était pas d’humeur à parler avec quiconque. À ce moment précis, il ne désirait qu’une chose : se rendre à la mosquée pour écouter la prêche du Messager d’Allah (pbsl). Ces paroles qui soulagent l’homme de tous ses soucis et qui l’emportent au loin vers d’autres planètes étaient devenues pour Bilal un plaisir dont il ne pouvait plus se passer. Il voulait se débarrasser des pensées qu’il avait en tête, mais les problèmes qui l’assaillaient au fond de lui n’arrêtaient pas de le saisir. Même si à vue d’œil cela ne semblait pas remarquable, Bilal était à ce moment-là en grand conflit avec son ego. Quant à son propre cœur, il lui apportait des réponses aux insistances et excitations de son ego :

 

– Raconte cela à tout ami que tu rencontreras sur le chemin. Raconte pour qu’ils demandent à Abû Dharr des comptes pour l’injustice qui t’a été faite.

 

– Non ! Je ne peux raconter cela à n’importe qui ! Je ne peux pas me plaindre à un frère d’un autre frère.

 

– Est-ce de ta faute si tu es comme cela ?

 

– Quelle faute ? Ce n’est pas ma faute, c’est la volonté d’Allah. Si le Seigneur m’a créé tel que je suis, qui a le pouvoir de dire que cela est une faute ! O mon ego ressaisis-toi ! Ne me piège pas ! Retourne à la raison !

 

– D’accord, qu’en est-il d’Abû Dharr ? Y a-t-il encore de l’intérêt dans ce qu’il a fait ? Si tu lui avais dit les mêmes paroles, es-tu au courant de la catastrophe qu’il aurait déclenchée ?

 

– Je ne peux nullement me mêler de ce qui regarde Abû Dharr ! Ça c’est un problème entre lui et son ego, car moi je ne suis responsable que de moi-même !

 

– O Bilal ! De cette manière tu accumules tout au fond de toi, à quand la fin ? Tes droits sont bafoués ! Tu es humilié, méprisé ! Tout le monde au fond se moque de toi ! Comment peux-tu supporter cela ?

 

– Tais-toi, ô mon ego, tais-toi ! Mes paroles ne sont pas de trop ! De quoi bénéficierions-nous avec cette manière de penser ?

 

Bilal, surmontant son ego, atteignit la porte de la mosquée. Et voilà la voix bénie du Messager d’Allah (pbsl) qui lui parvint aux oreilles. Dès qu’il eut entendu la voix bénie, la voix de son ego se tut. Les mots qui sortaient de la bouche du Messager d’Allah (pbsl) enchantaient tous les Compagnons qui se trouvaient dans la mosquée. Tout le monde était alors presque dépassé. Bilal rentra silencieusement à l’intérieur, s’accroupit sur les genoux dans un lieu non occupé et se rassasia de ces paroles apaisant l’âme et le corps. Quand les Compagnons se levèrent pour la prière, il se leva également et se mit en rang. Il s’orienta vers le Seigneur, le Sultan des mondes et acheva sa prière dans la dévotion. Après la prière, il se dirigea vers le Messager d’Allah (pbsl) afin de s’entretenir avec lui. Pour que les soucis qu’il avait au fond de lui ne soient pas ressentis, il arbora péniblement un sourire. Mais le Messager d’Allah (pbsl) sut profondément quel était l’état de Bilal. Alors ce dernier raconta tout au Messager d’Allah. Plus Bilal parlait, plus le Messager d’Allah (pbsl) s’inquiétait. Puis aussitôt il interpella Abû Dharr al-Ghifarî et le fit venir près de lui. Quand Abû Dharr fut près du Messager d’Allah (pbsl), celui-ci lui dit :

 

– O Abû Dharr ! T’es-tu vraiment adressé à ton frère que voici en le nommant « fils de femme noire » ?

 

Abû Dharr était confus et n’avait pas la force de prononcer la moindre parole, même pas la force de dire « oui ».

 

La réprimande du Messager d’Allah (pbsl) ne tarda pas :

 

– ­O Abû Dharr ! Tu le dénigres à cause de sa mère, n’est-ce pas ? Donc cela signifie que tu es quelqu’un qui porte en lui des restes de la période de l’ignorance !

 

Abû Dharr ne put supporter de telles paroles. Il se mit à regretter fortement son acte et l’erreur qu’il avait commise.

 

– O Messager d’Allah ! Vraiment je regrette ! Je ne sais pas par quelle sorte d’ignorance j’ai pu dire cela.

 

Après avoir prononcé ces paroles, Abû Dharr se jeta par terre, mit son visage sur le sol et dit :

 

– Comment se fait-il que j’ai pu dénigrer ainsi mon frère Bilal. Qu’il me dénigre également. Voici, je place mon visage sous la plante de son pied. Tant qu’il ne pose pas son pied sur ma joue, je ne soulèverai pas ma tête du sol.

 

Bilal ne fit pas ce geste mais accepta les excuses d’Abû Dharr. Il le souleva du sol à l’aide de sa main et l’embrassa fortement. Puis tous les deux, avec ceux qui avaient suivi l’incident, se mirent à pleurer. La tristesse manifestée sur le visage du Messager d’Allah (pbsl) laissa place à un sourire béni qui afficha sa satisfaction.

 

 

Articles liés

Tags

Partager

Exprimez-Vous