Sur la révélation du Coran et sa mission

Mar 13, 2019 par

Emin Işık

Le mot « Coran » est celui qui désigne le Livre céleste envoyé par voie de révélation divine à Muhammad Mustafâ (pbsl), Prophète de l’au-delà.

Selon le dictionnaire ce mot signifie lire, lire continuellement, réciter par cœur.

Quand on se contente de sa signification dans le dictionnaire et, de manière générale, dans la religion, le Coran, étant par excellence le livre religieux du musulman, est en même temps son livre de poche et son livre de lecture.

Dieu est au-dessus de toute chose et au-delà de toute matérialisation imaginaire. Aucun savoir, aucune pensée, aucune imagination n’est en mesure d’expliquer ou de concevoir Son existence.

Comme Dieu n’existe pas sous le rapport de la création imaginaire, on ne peut Le concevoir non plus sous forme d’ange ou de pensée. De la même manière que le corps est une chose matérielle selon le critère de l’imagination, de même selon le critère divin l’imagination est considérée comme une sorte de matérialisation. Les pensées et idées en leurs états purs ressemblent à l’imaginaire. Lorsqu’elles sont transcrites dans des mots, elles deviennent associées au corps et, de là, gagnent chacune une existence.

En fonction d’elles (l’imagination et les pensées), les mots se trouvent sous l’emprise de toute matière. Comparativement aux mots, les significations sont exactement comme les pensées des êtres gracieux. Conformément à ce que le sage Jalâl al-dîn Rûmî a développé dans son fameux « Fîhi-Ma-Fîh », les idées et l’inspiration n’ayant pas encore atteint le stade de mot sont, selon Dieu, sous l’emprise de la matière. Cela a trait au fait que Dieu soit plus « gracieux » qu’elles (l’imagination et les pensées) et plus que tout autre chose. Ce sublime des sublimes est « subhan » et omnipotence.[1]

Dieu est en même temps détenteur du savoir, de la volonté et de la force. Il est souverain en matière de gestion de Sa propre fortune ; en vertu de Sa force illimitée, Il est capable de toute chose ; par l’intermédiaire d’un ange céleste qui a pris forme humaine, Il peut exposer à Son messager à la fois Sa recommandation et Sa volonté de communiquer avec Ses serviteurs. Ceci n’est ni une chose impossible ni difficile pour Dieu. Sans doute que Dieu est au-dessus de toutes les limites linguistiques et au-delà de tout autre inscription semblable. Les langues sont liées aux qualités humaines. Si nous devions expliciter en termes métaphoriques la description de la langue attachée à la révélation, nous pourrions apporter l’image suivante : les prophètes peuvent être assimilés aux ampoules électriques ; quant à la révélation proprement dite, elle est semblable au courant électrique. Lorsque le courant parvient à l’ampoule, elle transmet la lumière selon sa propre couleur.[2]

Un verset coranique met en évidence l’annonce de la révélation : « Et Nous n’avons envoyé de Messager qu’avec la langue de son peuple, afin de les éclairer. »[3] Comme cela est clairement dit, tout peuple possède une langue qui lui est propre ; dès lors, l’aspect humain et social de la langue est mis en exergue. De plus, en vertu de l’utilisation dans les versets coraniques d’expressions telles que « ruhan min amrina » [4] et « nour »[5] en rapport avec la révélation parvenue aux prophètes et au fait que ladite révélation soit une œuvre éminente, spirituelle et lumineuse, cette dimension s’avère être une réalité nettement discernable. Il est certes nécessaire de savoir que des expressions telles que « kalam ilahî », « wahy-i metluv » et « kalam al-qadîm » qui, n’ayant pas le même sens de langage et de parole dans la conception humaine, portent des qualités et des spécificités beaucoup plus élevées que la nature humaine. La suprématie de la Parole de Dieu sur les autres est comme la suprématie de Celle-ci sur la création[6] » nous dit-on. « Bi huruf-u lafz-u sawt », c’est-à-dire la révélation loin d’être assimilée à des éléments et inscriptions ordinaires comme la lettre, le mot et le son, est sortie de la bouche des prophètes sous forme de mots et de paroles au moyen de la force divine.

Pendant les 23 années que dura la mission prophétique du Prophète (pbsl), il fit écrire, par l’intermédiaire de scribes, le Coran qui lui parvenait à des moments variés sous forme de versets ou de sourates. Ensuite il faisait lire les écrits et les faisait corriger si cela lui semblait nécessaire. Les versets descendus étaient en majeure partie mémorisés par les Compagnons. Pour que chaque musulman puisse accomplir sa prière, il lui est obligatoire de connaître par cœur un nombre suffisant de versets coraniques. À l’époque du Prophète (pbsl), il y avait des centaines de hafiz (personnes connaissant le Coran par cœur) qui avaient mémorisé le Coran jusqu’à ses dernières pages. Après son décès, à l’époque d’Abû Bakr, les textes dudit Coran furent collectés et compilés sous sa forme (actuelle) de Coran. C’est ainsi que toutes sortes d’omissions ou d’altérations relatives à son contenu ont pu être évitées.

Le Coran, en sa révélation, est le seul Livre céleste qui de par sa qualité de dépôt sacré et patrimonial a été conservé dans sa forme originelle et traditionnelle durant des générations jusqu’à nos jours et ce grâce au contrôle et à la garantie de cette double méthode de mémorisation et d’écriture. Ce particularisme, au regard des autres livres (célestes), n’est propre qu’au Coran. Les diverses compilations sont la suite ininterrompue de la copie originale rédigée sous la haute surveillance du Prophète lui-même (pbsl). En effet le fait que les premiers textes de la Torah et de l’Évangile ne soient pas disponibles est une réalité connue à la fois des juifs et des chrétiens.

Même en ce qui concerne la qira’a et le talîm, signifiant respectivement la méthode de récitation propre au Coran et les exercices qui lui sont liées, on y trouve la conformité à la tradition et aux méthodes appliquées depuis l’avènement du Prophète (pbsl). Lorsque chaque enseignant gratifie son élève après qu’il lui ait appris tout ce qu’il avait lui-même appris de son propre maître, il s’inspire en fait de la chaîne des maîtres, un à un et de nom en nom, jusqu’au Prophète (pbsl).

Même dans le cas d’un litige relatif à une quelconque embauche, la première chose à faire, c’est bien d’avoir recours à la copie originale du contrat…

Quand il est question de choisir des copies du manuscrit d’un livre parmi d’autres, c’est bien la copie originale venue directement de la plume de l’auteur qui est prise en compte…

Dans son livre intitulé « la Bible, le Coran et la science », le médecin français Maurice Bucaille, fort de sa théorie concernant « l’étude des livres sacrés à la lumière de la science moderne », n’a pas manqué d’attirer l’attention sur le fait que, au regard de la religion, la révélation ait été conservée dans sa forme originale et traditionnelle, recommandant à cet effet et avec insistance que ladite révélation ne devait pas être prise à la légère.

Soulignons sans tarder qu’à l’issue de ces travaux, l’auteur, ayant remarqué la suprématie de la révélation coranique sur les autres livres sacrés, a choisi d’embrasser l’islam. Le Coran ne se contente pas seulement d’ordonner et de donner quelque information, mais il œuvre aussi à convaincre son interlocuteur de manière à le rendre pieux en lui inculquant et en lui répétant régulièrement les sujets importants.

Le Coran est composé de 114 sourates dont la plus longue comporte 286 versets et la plus courte 3 versets seulement. Selon notre connaissance et diverses sources, le nombre total de versets serait de six mille six cent soixante-six (6666). Bien que cela soit un chiffre approximatif, il est nécessaire de l’accepter comme valeur pratique prêtant assistance à une mémorisation facile.

Relativement à l’indication selon laquelle les cinq premiers versets de la sourate « al-Alaq » seraient les premiers versets du Coran descendus, il n’est pas de vision commune à cet égard. Il est en effet notifié à la fois dans des versets coraniques et des hadiths que ces (premiers) versets furent descendus au temps de shour pendant le mois de Ramadan, et particulièrement au cours de la nuit d’al-Qadr. « Waallayli itha ‘as’asa, Waalssubhi itha tanaffasa »[7] fait partie de ces expressions (coraniques) qui déterminent le temps en rapport avec cette partie de la nuit et du souffle matinal.

Ces premiers versets révélés au Prophète (pbsl) dans la grotte de Hira ainsi que les commentaires qui en sont issus sont les suivants :

“Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé,

Qui a créé l’homme d’une adhérence.

Lis ! Ton Seigneur est le Très Noble,

Qui a enseigné par la plume [le calame],

A enseigné à l’homme ce qu’il ne savait pas.”

Cela étant, cette première révélation ordonne la lecture et l’apprentissage et incite au savoir. Elle considère que le savoir est aussi important que la création et de ce fait perçoit celle-ci comme un évènement qui lui est équivalent. Cela se présente comme étant la nécessité de la création de l’être humain et de sa condition fondamentale.

En réalité, le Coran utilise de temps en temps l’expression « humain », mais toutefois l’expression « homme » ou « humain » est utilisée à des fins très différentes et variées. Les divers résultats issus de l’ensemble de la révélation relative à ce sujet démontrent que : l’homme est le nom d’un être qui dispose de particularités propres parmi les êtres vivants, tandis que l’humain a pour signification d’état avancé de cet être vivant né en tant qu’homme par l’acquisition d’une culture basée sur la pédagogie, c’est là toute son éducation. Ce sujet est décrit de la même manière dans les versets 30 à 32 de la sourate al-Baqara ainsi que dans les premiers versets de la sourate ar-Rahman.

Conformément à ceci, on peut dire que : le but fondamental des diverses révélations parvenus aux prophètes et surtout au dernier prophète consiste à éclairer la raison de l’homme au moyen de la lumière révélationnelle et à faire de lui un humain (à part entière).

Comme on le sait, l’agencement des versets coraniques « en forme de Coran » n’a pas été établi selon la chronologie des différents versets révélés. En général, bien que les sourates dont les sujets sont proches soient placées côte à côte, une disposition décroissante, c’est-à-dire une ordonnance des sourates depuis les plus longues jusqu’aux plus courtes, fut cependant utilisée. Bien que la sourate « al-Fatiha » soit courte avec un total de sept versets, elle est néanmoins placée en première position. Le fait même que cette sourate ait été transcrite dès le début du corpus coranique ne relève pas uniquement de son appellation, mais de l’exigence de son contenu. Un verset du Coran illustre cette vérité dans son commentaire : « Nous t’avons certes donné « les sept versets que l’on répète ainsi que le Coran sublime ».[8] Bien que la Fatiha soit une sourate du Coran, on a l’impression qu’elle se présente comme quelque chose d’autre et récompense l’ensemble du Coran. De plus, la Fatiha est évoquée avant (le contenu du) Coran. Par conséquent, c’est suite à ce verset coranique précité que la Fatiha fut transcrite en premier lieu. Loin de se limiter à cela, à travers sa position autonome et son indépendance vis-à-vis des autres sourates ainsi qu’à travers la rédaction de la totalité du Coran dans sa partie subséquente, la Fatiha a fourni également un équilibre dans ses pages conformément à l’énoncé du verset. Ceci a trait au fait que la sourate al-Fatiha est en vérité un résumé des sujets qui sont énoncés dans le Coran. Plus précisément, la religion a été décelée à travers la sourate al-Fatiha, comme si tout le Coran dans ses moindres détails expliquait cela. De fait, le Coran est en sa globalité un commentateur de la sourate al-Fatiha.

Le Coran s’adresse à tous les êtres humains sans distinction de race, de région, de nation et de période. Le Coran tente de montrer à la descendance humaine ce qu’est le chemin de la vie sur terre et dans l’au-delà. Le Coran, tout en mettant en action la force morale et spirituelle de l’individu, veut en même temps le renforcement et le développement de la personnalité de ce même individu. Le Coran interpelle quant à l’accomplissement des devoirs au moyen de la mise en exergue du sentiment de responsabilité et de l’utilisation de la conscience, révélant en même temps la nécessité de ce regard. Le Coran nous rappelle ce qu’est la croyance : celle qui repose sur le fait que Dieu soit le Créateur et le seul Juge de la vie, de la mort et de la vie après la mort, qui nous fait savoir que nous vivons sous Sa présence et Son contrôle et que, par conséquent, nous devons réagir en fonction de cette réalité. La fonction du Coran ne se limite pas seulement à sa fonction de recommandation et d’information, mais il tente de souffler la foi et la force de conviction face à l’interlocuteur en vertu de l’inspiration et de la répétition des sujets importants.

Il n’existe qu’une seule invocation dans la sourate al-Fatiha qui soit récitée lors de chaque unité de prière (ra’ka) et quarante fois par jour : « Ihdina alssirata almustaqim » (Guide-nous dans le droit chemin) : invocation à travers laquelle on demande perpétuellement à Dieu la droiture.

Que Dieu nous préserve de tout mal susceptible de nous mener à nous repentir amèrement et de tout écart hors de Son chemin.

Ainsi donc, le Coran cherche à définir ce que signifie le droit chemin évoqué dans la sourate al-Fatiha, à tracer cette marque dans toutes les étapes de la vie de l’homme, à déceler l’acte pieux au regard de la croyance, de la bienfaisance et de la moralité dans l’adoration et de ce qui est véridique dans l’entraide, à assurer à l’homme une relation juste avec lui-même, son environnement et Dieu.

Cet objet est l’objectif principal de la révélation : présenter à l’homme la nature du droit chemin étant donné que Dieu Lui-même se tient dans la droiture et qu’Il ne doit être recherché que dans cette direction. 

[1] Jalâl al-dîn Rûmî, traduction de Fîhi-Ma-Fîh.

[2] M. Hamidullah, Initiation à l’Islam, p.27.

[3] Sourate Ibrahim, verset 4.

[4] Sourate ash-Shura, verset 52.

[5] Sourate at-Taghabun, verset 8.

[6] Il s’agit probablement d’un hadith.

[7] Sourate at-Takwîr, versets 17 et 18.

[8] Sourate al-Hijr, verset 87.

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