Renouer notre relation avec le Coran

Mar 13, 2019 par

Ahmet Taşgetiren

Abdullah ibn Mas’ûd (que Dieu soit satisfait de lui) a été le compagnon qui, le premier, a lu le Coran en public aux alentours de la Ka’ba. Il était petit de taille. C’était l’époque où les idolâtres mecquois faisaient montre du plus grand acharnement envers la nouvelle religion. Il se rendit un jour à la Ka’ba et fut victime de sévices occasionnés par la lecture d’une partie de la sourate ar-Rahman qu’il avait effectuée. À son retour, son visage était couvert de plaies, mais il déclara à ses amis rencontrés en chemin : « Les idolâtres n’ont jamais été aussi inoffensifs qu’aujourd’hui. »

La sourate en question débute ainsi :

« Le Tout Miséricordieux. Il a enseigné le Coran. Il a créé l’homme. Il lui a appris à s’exprimer clairement. »

Dieu est Miséricordieux. Sa bénédiction est infinie. Il créa l’homme à partir de cette vérité première et lui enseigna le Coran comme la conséquence de Sa bénédiction. Le Coran est une bénédiction. Dieu l’a enseigné en premier, Il est le Premier Enseignant (Muallîm). Il existe par la grâce divine un lien entre la bénédiction de Dieu et la création de l’homme, mais également entre l’apprentissage et la qualité du Coran. Par conséquent, quiconque se familiarise avec le Coran s’acclimate aussi de sa bénédiction relative ; ceux qui l’enseignent deviennent alors des porteurs de bénédiction divine. Par l’enseignement du Coran, ils ont la charge de lieutenant de Dieu (calife).

Pourquoi ar-Rahman a-t-Il enseigné le Coran ? Pourquoi en a-t-il fait une partie complémentaire de Sa création ? Parce que la Création s’est achevée avec Lui et est parvenue à son état significatif. Le Coran définit le contenu de la création. Il est le répertoire de la mission de la création. Il est le nom de chaque chose enseignée à la descendance humaine. Comme le comprendre signifie également comprendre le but de la création, ar-Rahman a posé le pupitre du Coran devant Rasûlullah (pbsl) et lui a dit : « Lis ». Lorsque Rasûlullah (pbsl) répondit : « Je ne sais pas lire », ar-Rahman le lui a en conséquence appris… le Coran fut alors (pour lui) le synclinal de la brochure éternelle, le guide sur le chemin, le suc des cœurs, le sang circulant dans les veines, le remède pour les cœurs…

C’est ainsi que Rasûlullah (pbsl) perçut le Coran. Il était ému quand un verset lui était révélé, s’agitait quand il fallait le mémoriser et le graver dans son cœur, et ce jusqu’à transpirer à grosses gouttes… et tandis que cette révélation se déroulait, quand une petite pause survenait, la nostalgie de l’abandon le saisissait et au bout du compte cette parole consolatrice lui parvenait miraculeusement : « Ton Seigneur ne t’a pas abandonné ! »

Puis le nuage de bénédiction toucha le cœur des sahaba (compagnons). La première génération fut une génération qui avait intégré la révélation au plus profond de son âme. Le Coran était pour eux comme une croyance qu’ils avaient assimilée en même temps que l’amour de Rasûlullah (pbsl). Ils comprirent la nature de la révélation et perçurent la pédagogie du Tout Miséricordieux. Ils comprirent aussi la relation existante entre le Coran et la mission inhérente à la création. Ils furent soumis à cette réalité : dès que des individus soumis font connaissance avec le Coran, ils deviennent des hommes différents, jusqu’à devenir de véritables êtres humains dans toute l’acception du terme.

Puis la révélation, tout comme un « dépôt » dont ils étaient porteurs, doublement responsables d’un « califat » (de transmission), se porta vers les autres cœurs … À La Mecque, lorsque les cœurs s’échauffaient, les demeures faisaient de même l’une après l’autre…. Un cercle d’étude coranique se formait alors dans toutes les demeures de la Cité…

Le changement de conception de l’homme chez ‘Umar, celui-là même qui fut si cruel au point d’enterrer vivante sa fille à cause du simple sentiment de honte éprouvé quant à son existence même, débuta quand le Coran commença à imprégner son cœur ardent. Peu de temps auparavant, fort de la promesse qu’il avait faite aux idolâtres, à savoir de « tuer Muhammad », ceci lui fut soufflé : « Tue d’abord ta sœur puis ton beau-frère parce qu’eux aussi ont cru en Muhammad. » À cet effet, il se rendit immédiatement chez sa sœur. Là, de la maison le bruit d’une lecture retentit : « Ta-ha. Ma anzalna ‘alayka alqur-ana litashqa … « Ta-Ha. Nous n’avons point fait descendre sur toi le Coran pour que tu sois malheureux… »

À son arrivée, il trouva Khabbab en train d’enseigner le Coran au nom de Rasûlullah (pbsl). Lorsqu’il frappa à la porte, Khabbab se cacha et sa sœur et son beau-frère ne lui répondirent pas quand il leur demanda ce qu’ils étaient en train de lire. Lorsque ‘Umar se mit ensuite à agresser son beau-frère, sa sœur se tint devant lui et lui dit : « Voici ce que nous lisions. » Pendant ce temps Khabbab sortit de sa cachette. ‘Umar s’adressa à lui en ces termes : « Vas-tu me le lire aussi ? » Là-dessus, Khabbab lui lut les versets de la sourate al-Waqi’a qui décrivent les moments relatifs au Jugement dernier. L’attitude de ‘Umar commença à changer à l’audition du Coran… et son cœur en fut bouleversé… à cet instant, à La Mecque, un cœur venait d’être éclairé par la lumière du Coran…

En fait, l’islam a commencé en tant qu’école de la miséricorde. Par le Coran l’islam a débuté. L’islam est un rassemblement autour du Coran. Quant au Coran, il est le charme de l’essence humaine de l’homme.

Le Coran s’adresse de nouveau à l’homme dans l’expression « Allah dit que … ». Le Coran a ouvert pour l’homme un chemin vers Dieu. Le Coran est le cri d’appel interpellant l’homme à écouter le Créateur. Le Coran dit que Dieu n’a pas abandonné l’homme, Il ne l’a ni oublié, ni laissé sans surveillance…

La détermination des règles de justice énoncées à notre intention dans le Coran et leur condition d’application illustrent tout cela.

Rasûlullah (pbsl) avait coutume de dire à ses « élèves » : « Le Coran est témoin de ta faveur ou de ta disgrâce. » Le Coran est une pièce de touche… notre personnalité est à tout moment liée à notre rapport avec le Coran… pour cela, il est bien enseigné à chaque cœur. De même que Rasûlullah (pbsl) était un « Coran vivant », de même les individus qui ont grandi sous son encadrement voyaient le Coran tel un corps étiolé réanimé par un souffle d’amour et de paix.

Le Coran est entré dans la société mecquoise telle une séparation d’avec quelqu’un… telle la marque de différence entre la civilisation et la barbarie… presque comme si les habitants de la Cité s’étaient divisés en deux camps, en l’occurrence les demeures habitées qui allaient à la rencontre du Coran et celles qui se retenaient de tout pas dans cette direction… les demeures purifiées par la lumière (nour) et chargés de révélation… les demeures froides comme des idoles… les demeures sphinx… les demeures muettes et mortes…

Le Coran est le dépôt (âmanâ) que Rasûlullah confia (aux croyants) lors de son tout dernier Sermon d’Adieu (khutba).

Les générations qui ont compris cela ont transporté ce bien-fondé de période en période… qui sait… peut-être que les peaux frémissaient comme le cœur de ‘Umar, à l’instar de Kusem ibn Abdullah, l’oncle paternel de Rasûlullah (pbsl), qui lisait des versets du Coran dans la demeure où il logeait à l’époque où il était parti s’installer dans un petit village du Turkestan… en Anatolie avec la voix du Coran, les derviches avaient conservé un allume-feu dont la portée fut de grande envergure…

Aujourd’hui, s’il y a quelque scintillement dans le cœur, c’est qu’il s’agit d’un scintillement miséricordieux transporté depuis le premier enseignement coranique, de cœur en cœur… un scintillement que Rasûlullah (pbsl) avait placé comme un dépôt dans les cœurs de ses compagnons.

Et s’il y a quelque regret, ce ne peut être que par rapport à la différence qualitative du Coran, entre sa signification aux yeux de l’homme et sa signification aux yeux de Dieu. Cette différence est une preuve montrant que les cœurs ne viennent pas trouver l’être humain dans un état religieux apte à recevoir l’enseignement coranique du Seigneur.

Tel acte d’abjuration, comme oublier le but de la création, oublier la cause de la révélation du Coran et surtout oublier le Créateur l’Inconcevable.

Même ceux qui accrochent le Coran dans les endroits les plus exclusifs de leurs demeures… peut-être même ceux qui vivent le grand honneur de le porter sur eux… peut-être même que cela fait un bon moment que nous ignorons l’enseignement du Miséricordieux… parce que nous ne le recevons pas avec le même amour que celui de Rasûlullah (pbsl) qui le recevait lui-même de Jibril… nous ne l’écoutons pas avec l’enthousiasme qu’il faudrait, contrairement aux compagnons… nous ne le transférons pas sur notre personnalité tel un nuage de bénédiction… nous ne le partageons pas à autrui telle une « lettre de miséricorde ». Peut-être ne consiste-t-il qu’un symbole de la baraka que nous désirons transporter partout ou bien dissimuler. Peut-être que nous nous sommes dégagés de ce qui est évoqué en son sein. Nos regards se sont vidés ainsi que nos cœurs, notre amour, notre foi intérieure…

Ou bien le Coran que Dieu a révélé à Son Messager (pbsl), celui-là même qui a dilué les cœurs dans la consistance d’un « nouvel homme » et dont la première génération de compagnons en ont fait l’écho de maison en maison, était différent, ou bien c’est la consistance de nos cœurs qui est différente…

Il faut nécessairement que nous révisions notre rapport avec le Coran. Si nous commencions à le considérer comme le Message de Dieu, si nous nous prosternions devant le tout comme si nous écoutions Dieu, si nous parvenions à nous décider de mener notre vie sous sa lumière, il n’y aurait aucune raison pour que nous ne puissions pas semer la graine de la conquête dans tous les foyers…

Ceux qui éliminèrent progressivement les ténèbres qui régnaient à La Mecque sont ceux dont les cœurs ont été lavés dans la cascade du Coran. Ces hommes ont appris le Coran à l’école du Miséricordieux et enjolivé les époques consécutives. Grâce à l’étendard que cette première génération a porté, des « temps coraniques » sont apparus.

Quand nous sommes en difficulté, il nous est nécessaire de recourir à cette réalité et de consolider les choses internes à chaque centre islamique, et ce relativement à la consistance des cœurs.

Renouer notre relation avec le Coran signifie renouveler nos vœux de fidélité envers le Messager de Dieu (pbsl) et accomplir la prière avec une nouvelle fraîcheur… c’est réinterroger notre amour… c’est traiter nos peurs sur le plan du destin…. c’est refonder nos foyers… c’est redéfinir l’objectif de notre vie… c’est filtrer de nouveau nos profits… c’est redéfinir un nouvel avenir pour nos enfants… c’est une relecture des livres… c’est réviser l’État et l’ordre…

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