L’Islam: épreuve de l’occident

Mar 12, 2019 par

Ahmet Taşgetiren

L’Islam est tout à la fois une religion, une civilisation, une communauté et une aire géographique. Mais depuis près d’un siècle, l’Islam est aussi un monde oppressé.

L’Occident est quant à lui à la fois une culture et une civilisation. Le fruit d’une évolution historique prenant ses sources de la pensée grecque antique et de sa fusion avec le droit romain, passant par la rencontre du christianisme et du judaïsme. Cette civilisation se cristallise à l’ère du mouvement des Lumières pour finalement être façonné par les valeurs libérales et capitalistes que nous connaissons aujourd’hui. L’Occident est sans aucun doute un espace géographique, un ensemble de nations qui depuis la période de l’après Première Guerre mondiale a aussi endossé un visage impérialiste. En d’autres termes, il représente un monde oppresseur.

Il ne fait pas de doute que l’Islam opprimé et l’Occident oppresseur se sont entrecroisés après la Première Guerre mondiale. En d’autres termes, l’oppression de l’Occident s’est tout d’abord réalisée en terre musulmane, ayant principalement un impact sur son espace géographique, sa communauté et sa civilisation. Il a en effet colonisé, envahi les terres d’Islam, brisé en morceaux sa communauté et anéanti les fondements même de la civilisation islamique. Pendant cette période, le rôle constructif de l’Islam en tant que religion a été vidé de son sens, image d’un « captif » qui se retrouve les pieds et les mains liés.

Et aujourd’hui. 80 ans après les faits mentionnés…

Un point déterminant a été atteint : celui où l’Occident et l’Islam doivent de nouveau se demander des comptes.

« Choc des civilisations » ou « Rencontre des civilisations ? La question ainsi posée illustre cette demande de comptes. Car face à l’instauration par l’Islam d’une civilisation passée et sa marche actuelle pour revendiquer l’édification d’une civilisation future, l’Occident oppose une orientation colonialiste, dévalorisante et méprisante.

En tout état de cause, l’Islam, après la Première Guerre mondiale, n’était plus l’Islam. Et il est clair que le besoin de redéfinir les relations d’opprimé et d’oppresseur entre l’Islam et l’Occident se fait ressentir.

Mais l’Islam en tant que religion n’a jamais abdiqué, son Livre demeure vivant et la personnalité du Prophète (saws) est toujours illuminée. Qui plus est, en creusant un peu, on peut noter que le sentiment d’honneur du musulman est toujours vivace tel un brasier flamboyant, et ce malgré l’oppression.

Le siècle précédent a été témoin de la résistance de tous les pays musulmans face à l’enchaînement esclavagiste et colonial.

Cette insoumission a été accompagnée voire même impulsée par la conscience religieuse de la communauté musulmane.

Ainsi les pires ravages causés par l’esclavage, comme l’implantation d’un système colonial, la manipulation masquée des gouvernements autochtones ou la corruption des valeurs locales, ont pu être endigués.

À l’inverse, les spécificités communautaires, gouvernementales et politiques des pays musulmans se sont accentuées avec le temps. L’influence de véritables valeurs islamiques s’est alors répandue au sein des gouvernants et des systèmes politiques. L’Islam est ainsi devenu le porte-parole d’une revendication, d’une mission, d’une existence, d’un mouvement, d’une idée nouvelle.

Pour l’Occident, la recrudescence de la popularité de l’Islam n’a pas été perçue d’un bon œil. Il fallait rétablir par la force le statut colonial que l’Islam avait supporté au début de ce siècle. L’Occident et son obsession pour le « profit » ne voulaient pas assister à la montée de la civilisation musulmane. Sa quête du gain s’est dévoilée au grand jour et l’Islam a commencé à être perçu comme une « menace ».

En un siècle, l’Occident s’est développé technologiquement, lui permettant de s’armer « jusqu’aux dents », d’affermir sa domination par les armes et de parfaire son sentiment d’invincibilité. Qui pourrait alors tourmenter une telle structure armée jusqu’aux dents ?

Un jour, Muhammad Iqbal interpella du Pakistan :

« Ô petit bourgeon, réveille-toi de ton sommeil profond, réveille-toi, soulève-toi ! Regarde, comment ils ont saccagé notre palais de joie et y ont introduit l’effroi. Les oiseaux pleurent, réveille-toi ! Réveille-toi de ton profond sommeil ; de ton profond sommeil, réveille-toi ; de ton profond sommeil, réveille-toi… De Samarkand, de Hamadān, exalte-toi, reprends vie, montre la voie ! »

Un jour, Mehmet Akif se fit entendre :

« Ô toi l’agonisant qui te tiens la tête entre les mains ! Bouge-toi, cette tête entre tes mains est la tienne ! »

De telles voix se sont élevées et la communauté musulmane est redevenue maîtresse de son honneur. Une tout autre équation a alors vu le jour.

Le siècle passé s’est déroulé dans l’exaltation du fer et de l’acier occidental, et par là même dans l’aliénation de l’être humain. Son cerveau s’est progressivement laissé contrôler par les armes d’une façon outrancière. En un seul siècle, peut-être même en une dizaine d’années, on a pu dénombrer des millions de morts. Dans les chambres à gaz nazis, des hommes et des femmes amaigris, affamés puis gazés formaient de véritables tours humaines. En Bosnie, les bébés furent pris pour cibles et le ventre des femmes enceintes ouverts. En Palestine, au Liban, combien de bébés furent retrouvés le visage ensanglanté. En Tchétchénie, le sang humain a tellement coulé qu’on croyait voir de l’eau s’écoulant d’une gouttière. Les règles et l’éthique de la guerre furent jetées en basse pâture comme du coton usé. Il y eut une épidémie de suicide. Le statut de l’homme et de la femme fut bouleversé. La drogue a ouvert une autre voie vers la décadence de l’esprit humain. Cet Occident qui a dessiné tous ses horizons dans la technologie a vécu la banqueroute de son système de valeurs et le déclin de sa civilisation.

Dans ce monde cerné par le fer et l’acier, il lui est devenu impossible d’entendre l’appel du Créateur. Alors que le christianisme et le judaïsme s’étaient déjà éloignés des fondements purs de la Révélation originelle, l’homme occidental finit par se perdre derrière le rideau de l’égocentrisme.

C’est à cette époque que la communauté musulmane a de nouveau pris conscience de l’aspect axial de la Révélation. Elle s’est de nouveau embellie avec l’Islam. Certes, elle avait pris du retard du point de vue technologique, mais le respect et l’honneur qu’elle continuait d’accorder à l’homme la rendait confiante en elle-même. À cet égard, le monde islamique a défini ce qui se passait en Occident par le terme de « vingtième siècle de l’ignorance ». Cette définition inclut en fait le message suivant : « L’Islam, tout comme il était venu éradiquer la Jahiliyah (l’ignorance) dans laquelle se trouvait la société arabe préislamique, est venu avec la mission de vaincre la Jahiliyah au 20e siècle. »

Selon l’Occident, l’Islam qu’il voyait au début du 20e Siècle n’était pas l’Islam. Sa zone géographique s’était soulevée. Sa communauté avait repris connaissance. Sa civilisation était revenue à la vie et l’Islam était réapparu. Il y avait finalement eu un soulèvement face à l’oppression.

C’est précisément à ce moment que l’Occident a commencé à remettre en cause sa propre constitution. Ses églises s’étaient vidées, en Allemagne les exterminés d’hier (les juifs) oppressaient à leur tour en Palestine. Dans tout l’Occident, la famille, la jeunesse, la femme, l’enfant, les personnes âgées, avaient été entraînées dans une ruine spirituelle.

Quiconque se tournait vers le Prophète (saws), quiconque se tournait vers le Coran, quiconque se tournait vers Mawlanâ Rumî, quiconque se tournait vers Ibn ‘Arabî, trouvait en face de lui un miroir reflétant le cri de l’homme occidental, à savoir l’Islam.

Face à une telle situation, que fit l’oppresseur ?

Les premières choses qui vinrent à la tête de l’Occident furent :

« La menace. La terreur. Le fondamentalisme. Le radicalisme. Puis l’islamophobie. L’islamo-fascisme. »

L’ennemi. Le fantasme. La diabolisation.

Tout d’abord, de mauvais qualificatifs furent répandus puis sont venus des acteurs du monde musulman collant à ces qualificatifs…

Une tension vit le jour. L’Occident s’était mis en tête d’œuvrer pour résoudre cette tension en socialisant.

Ensuite ce fut l’éparpillement, la multiplication des centres de réfugiés venant avec les bombes perforantes, et si ce n’était pas assez, l’utilisation des enfants dont l’âme était considérée comme des billes, les installations d’armes nucléaires… la guerre abondait en terre d’Islam…

Un grand projet.

Un nouveau projet de colonisation du monde musulman après celui qui avait suivi la Première Guerre mondiale… La faim sans borne d’un monde plein de convoitise, l’Occident, retenu par un boulet à cette vie mondaine.

Devant son vide intérieur il fallait trouver une porte de sortie. Après avoir oublié, balancé et jeté ses propres valeurs, il fallait en exporter d’autres …

L’instabilité. Le mensonge. Les propres envoyés à la mort pour l’amour du mensonge… La corruption de sa propre société. Un scénario apocalyptique joué par de terrifiants acteurs…

Jusqu’où ?

Ce début n’a pas de fin.

Tant qu’on entendra la voix de l’Islam, la voix de la Révélation…

Cette nécessité de comprendre le sens qui a été donné à l’existence et à cette âme qui montera dans les cieux du Seigneur.

Le retour de l’importance donnée par l’homme à la prière et par là même, à sa propre libération. Sans cela, c’est le déclin de toute société.

L’Islam, épreuve de l’Occident.

Tandis qu’il a l’occasion de retrouver la voie tracée par Rabbanî.

Qu’il a de nouveau l’occasion d’emprunter la voie de la miséricorde, de la clémence du Prophète (saws)…

On peut se demander si, dans un sens, avec les bombes qui tuent les enfants comme on fauche les marguerites, l’Occident n’en est pas arrivé à détruire ses propres chances de sauvetage.

L’appel à l’Unicité et à la Rédemption s’est élevé des plaines du Hedjaz et interroge l’Occident depuis 14 siècles.

Le Messager d’Allah (saws), alors même qu’il subissait le paroxysme de sa souffrance, à Ta’if, s’est senti troublé et a invoqué son Seigneur sur la route. Il L’a invoqué afin de voir les enfants de cette ville prononcer le Tawhîd dans le futur.

Cette invocation persiste depuis 14 siècles… L’Occident, à l’épreuve de l’Islam, est interrogé. Est-ce qu’il fera obstacle à ceux parmi ses enfants qui sont sur le point de rencontrer le Tawhîd ?

L’Occident a mis en place un véritable embargo sur le cœur des enfants en produisant l’islamophobie. Il leur a coupé la voie.

Cependant, l’Islam a petit à petit franchi ces règles et est arrivé en Occident.

L’Islam appelle l’homme qu’il soit oriental ou occidental … Car si l’homme est tourmenté, en état de crise, s’il est inquiet, si l’homme pousse un cri de détresse, si l’homme commence à ressentir le bouleversement du Jour du Jugement… C’est à ce moment que les voies de la Révélation s’ouvrent à lui. C’est le moment de la Révélation qui est descendue du Mont Hira à La Mecque.

L’Islam en tant que religion, communauté, ou espace géographique aura alors vécu les derniers moments d’une oppression qui dominait. Pas de réelle liberté sans l’Islam. L’Islam sera libre et à partir de lui une civilisation s’érigera de nouveau dans une atmosphère libre. Comme il a été dit, les heures sombres ne peuvent plus durer. Si l’Islam a pu sortir le monde de l’obscurité et l’amener vers la Lumière une première fois, il est capable de le faire mille fois.

Quand l’Occident acceptera de concevoir différemment la Révélation dans son esprit, il cherchera immédiatement à rencontrer la profondeur du message islamique.

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