L’Homme et la religion à l’ère de la modernité

Mar 12, 2019 par

 

Ahmet Taşgetiren

Le premier homme descendu sur la terre, en d’autres termes, le premier homme qui fut créé, avait un impératif lié à « la valeur », à savoir : la réponse à la question concernant ses préférences pour lui-même et pour le monde qui l’entourait.

Quand le second être humain fit son entrée sur la terre, la notion de « valeur » demeura à l’ordre du jour. La préoccupation centrale fut encore l’avenir de l’environnement où résidaient ces deux êtres humains. À partir du moment où le nombre de personnes s’est accru, la recherche des valeurs, qui devrait être le propre de toute société, devient évidemment nécessaire. L’Islam et les religions divines, face ces questions, répondent que le premier Homme était le premier prophète. Le prophète est une personne désignée par le Créateur pour apporter le message, le savoir, bref pour enseigner « la bonne voie » aux hommes. Le nom original du message du Créateur est « la révélation » et l’ensemble des révélations constituent « la religion divine ». Alors qu’en est-il des autres interprétations relatives aux valeurs sociales ?

Parlons de l’interprétation de Thomas Hobbes : selon lui les hommes se comportent en ennemis dans toutes leurs entreprises. Le principe est le principe de destruction les uns des autres. Les conflits, les batailles, la destruction… Les années passent de cette façon. Après, les hommes comprennent qu’ils ne peuvent pas évoluer en se détruisant et disent « arrêtons la bataille ». Créons une force supérieure à tout le monde, laissons-lui le droit de régler nos différends et soumettons-nous à ses décisions. »

Hobbes pense « l’État » ainsi que « ses principes » sont nés de cette façon. Mais Hobbes ne s’arrête pas à ce niveau. Il affirme que dans une phase avancée de l’État, le pouvoir qui lui est confié est transformé en monstruosité. Il cite une créature maléfique dont le nom est mentionné dans la Bible et dans l’Ancien Testament. Son nom est Léviathan.

Thomas Hobbes, dans son livre intitulé : « Léviathan, la puissance, la forme, le contenu d’une religion et de l’État du monde », explique ce concept de la manière suivante :

Afin de se protéger de l’invasion étrangère, d’empêcher les luttes intestines, de sécuriser leurs industries et leurs biens sur terre, les citoyens confient tous les pouvoirs à une seule personne ou à une assemblée de personnes…

Chaque membre de la société doit alors se dire : « Je renonce à mes droits et je les confie à cette personne ou à cette assemblée ». De cette façon, tous les pouvoirs et toutes les forces sont confiés à une personne qui forme un État. Cet état est appelé civitas en latin et signifie la naissance du grand Léviathan. 

Ensuite, Hobbes mentionne l’existence d’un besoin de valeurs dans cet État, et puis la nécessité d’une autorité chargée de gérer l’application de ces valeurs dans les relations humaines. Finalement, il présente la nécessité de transfert du pouvoir à cette autorité par le peuple et le respect de ses décisions. Néanmoins, Hobbes n’oublie pas de mentionner ici le risque de transformation de cette autorité en monstre. En réalité c’est un problème inhérent à la nature humaine : comment contrôler ou maîtriser le pouvoir ?

Même le plus faible des hommes possède une force et toute utilisation immodérée de cette force peut devenir dangereuse pour l’humanité. Lorsque la force de l’homme atteint des dimensions démesurées, son utilisation peut entraîner une destruction à l’échelle universelle. Selon l’analyse de Hobbes, le pouvoir exécutif de l’État est détenu par les hommes. Il ne perd pas vue le fait que l’Homme dans sa nature « peut se transformer en Léviathan, et en monstre ». Ainsi apparaît la nécessité d’une valeur et d’une responsabilité supérieures au pouvoir de l’Homme pour limiter et préciser le cadre d’exercice de son pouvoir. En réalité, la préférence réside à ce niveau : Soit le pouvoir individuel de l’Homme définit tout, soit la gestion de toute chose est soumise à la responsabilité d’un représentant.

Quand tout dépend de la force individuelle, la situation risque à tout moment de se transformer en « guerre des monstres ». Le Coran évoque le fait qu’il existe en l’homme « une force qui l’incite régulièrement au mal ». Cela démontre l’existence d’une incitation à la guerre aussi bien sur le plan individuel que sur le plan global…

Lorsque nous observons notre époque, nous nous apercevons que notre monde s’est transformé en terrain de bataille officielle et officieuse entre les monstres de toutes sortes. Il est incontestable qu’au fur et à mesure que la force s’accroît, le besoin de la maîtriser augmente aussi, car une force incontrôlée perd toute qualité de force positive et peut à tout moment se transformer « en force destructrice ». En outre, de nos jours, le pouvoir humain s’est considérablement accru grâce aux progrès scientifiques et technologiques. Si le principe « l’homme est un loup pour l’homme » continue d’exister jusqu’à présent dans les veines de l’homme, celui-ci se trouve doté d’une force extraordinaire pour exterminer ses congénères et même toutes les créatures de l’univers. Avec des armes de destruction massive, vous pouvez détruire des pays et des communautés de personnes. En manipulant les gènes de l’Homme, vous pouvez produire des êtres complètement différents. Vous pouvez suivre l’évolution de la vie du fœtus dans le ventre de sa mère et posséder d’avance des informations le concernant. Vous pouvez constituer des charniers remplis de cadavres à Guantanamo, en Palestine, en Bosnie, en Tchétchénie ou au Rwanda. Qu’est-ce qui arrêtera l’homme ? Supposons que le Léviathan de l’époque soit les États-Unis, qui les stoppera ? Que ce soit la Chine, la Russie ou Israël, qui va les stopper quand ils utiliseront ces forces et comment ? On entend dire « qu’il existe heureusement un équilibre de la terreur et qu’à cause de cela les armes de destruction massive ne sont pas utilisées parce que l’utilisation d’une seule de ces armes mettrait le monde entier à feu et à sang. En réalité, méditez sur ce dilemme irrémédiable : il faut avoir le pouvoir de tuer pour pouvoir survivre au sein de l’humanité ! Par contre, cela ne signifie pas que l’humanité n’est pas à la recherche de valeurs tangibles. La recherche d’une valeur supérieure est visible à travers « les contrats universels » relatifs aux droits de l’Homme et à l’ordre universel. De nos jours, le besoin de « valeur éthique », qui revient régulièrement à l’ordre du jour, est symptomatique à l’absence totale de cette valeur supérieure. Mais, même la sensibilité aux valeurs éthiques peut paraître insensée face à l’Homme qui a une propension à tout sculpter en fonction de son bon vouloir. Par exemple, les USA et la Turquie sont deux nations qui n’ont pas signé les accords de Kyoto.  Pourtant ces accords définissent les principes de l’équilibre écologique et de la protection de l’environnement. Que l’air, l’eau et les moissons soient préservés ! Que l’homme ne s’intoxique pas quand il respire !  Reprécisons que les USA et la Turquie n’ont pas signé ces accords. Prenons le clonage humain qui est considéré comme un acte dépourvu de valeur éthique par la communauté scientifique. Tandis que des personnes légitiment des valeurs éthiques créées par elles-mêmes et les instrumentalisent pour jouer avec le destin de l’humanité. La religion fournit une valeur suprême à toute l’humanité et précise que le Prescripteur de ces valeurs est « le Créateur ». En fait, « Il » est le Détenteur du pouvoir absolu. Son pouvoir n’est comparable à celui d’aucune autre personne. Personne ne doit s’ériger en Léviathan en Son nom. Il ne veut pas que la perversion règne sur terre et que les hommes agissent dans la désobéissance. Pour tout le monde, toute utilisation d’une force demeure dans le cadre des limites sacrées. Celui qui désobéit fera face à la puissance divine. Certes, les sanctions seront en partie appliquées dans l’au-delà, mais le sentiment de responsabilité envers Allah est au cœur de toutes les religions. Toute sanction démesurée et incontrôlée, appliquée sans prendre en considération les limites prescrites par Allah, donne lieu à « l’oppression ».  Dans les milieux où le contrôle est à son minimum, une atmosphère d’oppression se forme à tout moment. Dans le cadre de l’utilisation des limites prescrites par Allah, les Hommes peuvent-ils se transformer en monstre ? Bien sûr que oui.

Mais il faut combattre cette situation en se souvenant des limites prescrites par Allah, car : « Allah n’aime ni l’oppression ni la cruauté ! »  

Mais, la recherche de la « valeur éthique » est en réalité une recherche de « religion ». La personne qui s’éloigne de la maison d’Allah, après s’être heurtée au libertinage de la vie, se rend compte qu’il ne peut pas mener sa vie dans l’indiscipline totale et ressent le besoin des valeurs éthiques. Pour cela, au lieu de recourir à nouveau aux sources divines, les hommes se sont mis à créer des valeurs. La valeur éthique n’est rien d’autre que l’orientation aux valeurs communes produites par l’Homme.  

Pourtant, l’exemple le plus englobant de ce qui est appelé « valeurs éthiques » s’apparente aux mesures divines. Qui plus est, afin de maintenir leurs différentes responsabilités envers Allah, les savants musulmans décrivent la religion comme étant « ta’zim li amrillah- chafkat li halkillah ». Cela signifie qu’il faut considérer les ordres d’Allah comme des valeurs suprêmes et avoir de la miséricorde envers Ses créatures. Pour que le pouvoir humain soit en adéquation avec le pouvoir d’Allah, il faut d’une part l’instauration d’un système social basé sur la miséricorde, et d’autre part l’établissement d’une liaison forte avec les ordonnances divines telles que la foi, l’aumône, le respect… Dans l’histoire musulmane, le système de gestion des états réglementés par les prescriptions divines avait pour leitmotiv : « Ne sois pas arrogant mon sultan, il y a un Dieu plus grand que toi ». Par ailleurs, le même avertissement avait été donné au Prophète (pbsl) par Allah :

« Tu n’es pas un dominateur sur eux[1]. »

Dans un rapport homme-religion où même le Prophète (pbsl) n’est pas autorisé à dominer, il est inconcevable que les fidèles deviennent des dominateurs. Quand nous lisons le Coran, nous voyons que ceux qui se transforment en divinité sont dans la perdition. L’Islam, en tant que religion, a réglementé la conduite de l’Homme dans tous les domaines d’utilisation du pouvoir et a restreint cette utilisation dans le cadre des prescriptions d’Allah. Par conséquent, chaque force est contrainte de rendre son mode d’emploi justifiable devant Allah… Certes nous sommes parvenus à une époque où l’humanité est particulièrement confuse. « Comment pouvons-nous remédier au problème de confusions de l’esprit humain ?» Il n’y a qu’une seule réponse à cette question.

C’est en se maintenant sur la voie tracée par le Créateur… S’il fallait s’exprimer en utilisant la terminologie de l’ordinateur, c’est en formatant son cœur et son cerveau et en suivant l’exemple du Prophète Muhammad (pbsl)…

 

[1]               Saint Coran, al-Ghâsiyah, 88/22.

 

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