L’esprit de solidarité et de sacrifice

Mar 13, 2019 par

Doç. Dr. Fahreddin Yıldız

L’aventure de la vie est pleine de difficultés de toutes sortes.[1] Ces difficultés prennent des dimensions différentes au fur et à mesure que l’homme avance dans ce voyage. Mais jusqu’à ce qu’il atteigne son Seigneur, l’homme porte la responsabilité de diverses charges tout en supportant diverses peines. La raison en est que c’est Dieu qui a donné à l’homme la capacité de supporter les souffrances, combattre les vicissitudes de la vie, travailler et faire des efforts pour surmonter les entraves qui lui font face. Cela étant, la responsabilité qui lui incombe de fait, c’est de travailler pour réussir l’épreuve attachée à sa soumission (à Dieu) parce que le but d’atteindre une personnalité développée et mûrie tout en supportant les difficultés est un devoir consubstantiel à la création de l’homme, c’est aussi une loi immuable du Créateur.[2]

Une société saine est constituée de bons individus ; la conscience de la responsabilité au sein de la société ne peut trouver sa vraie expression que dans un environnement social. C’est pour ce fait que le Coran, avant tout, se donne pour objectif d’éduquer des individus qui ont la conscience des responsabilités pour réaliser cet objectif.[3] Il y a aussi du point de vue de l’individu seul la notion de sacrifice et de celui du rapport des individus entre eux la concomitance sociale et la solidarité qui font l’objet de prêche dans plusieurs annonces.[4] Dans cet article nous tâcherons de mettre en évidence une partie de ces annonces en question.

La première annonce du Coran faite à l’homme est celle relative à la notion de tawhid (croyance en l’unicité de Dieu). Cette annonce est formulée de la sorte dans un verset coranique : « N’assigne point à Allah d’autre divinité ; sinon tu te trouveras méprisé et abandonné. »[5] Le fait que l’homme se donne pour responsabilité de croire à l’existence et à l’unicité de Dieu est très important pour lui parce que le tawhid signifie à la fois dépendre de la volonté divine annoncée par tous les prophètes, c’est-à-dire la croyance en un seul Dieu, et apporter le message relatif à l’inutilité des désaccords et abîmes radicaux qui existent entre les gens. C’est pour ce fait que le tawhid reste la valeur fondamentale qui constitue l’honneur de la foi, l’esprit de solidarité et de sacrifice en l’homme.

La deuxième annonce est relative à la marque de bonté exercée envers les parents et énoncée en même temps que l’adoration de Dieu. Cette annonce est formulée de la sorte dans le Coran : « et ton Seigneur a décrété : ‹ n’adorez que Lui ; et (marquez) de la bonté envers les père et mère : si l’un d’eux ou tous deux doivent atteindre la vieillesse auprès de toi ; alors ne leur dis point : ‹ Fi !› et ne les brusque pas, mais adresse-leur des paroles respectueuses. Et par miséricorde ; abaisse pour eux l’aile de l’humilité ; et dis : ‹ Ô mon Seigneur, fais-leur ; à tous deux ; miséricorde comme ils m’ont élevé tout petit›.Votre Seigneur connaît mieux ce qu’il y a dans vos âmes. Si vous êtes bons ; Il est certes Pardonneur pour ceux qui Lui revienne se repentant. »[6]

Étant donné que Dieu est le principal responsable de la venue de l’homme au monde et de son accès à la vie, le père et la mère sont tous deux responsables de son éducation et des diverses connaissances qui lui ont été données. Ainsi donc, enseigner chez lui la notion de tawhid et l’obéissance à Dieu qui lui est relative suit la recommandation : « marquez de la bonté envers les père et mère ». Cependant ici, l’importance de la charité du sacrifice, de la solidarité et de l’honnêteté est mise en exergue dans les rapports entre les gens. Si l’homme se rendait plus souvent dans des maisons de retraite où beaucoup de pères et de mères très âgés sont obligés de demeurer, il comprendrait davantage la valeur de ce conseil. Leurs enfants loin d’eux, ils sont obligés de vivre dans ces endroits qui leur sont attribués jusqu’à la mort. De nos jours, là où la charité et le sacrifice ont été en grande mesure détruits, des pères et des mères qui ont sacrifié leur vie pour leurs enfants et voir que ces derniers ne leur témoignent aucune loyauté, cela rend très pensif et demeure affligeant.

La troisième annonce concerne les pauvres, en particulier ceux qui nous sont proches, mais par extension tous les pauvres en général. Dieu le Très-Haut énonce à ce sujet : « Et donne au proche parent ce qui lui est dû ainsi qu’au pauvre et au voyageur (en détresse). Et ne gaspille pas indûment, car les gaspilleurs sont les frères des diables ; et le Diable est très ingrat envers son Seigneur. Si tu t’écartes d’eux à la recherche d’une miséricorde de Ton Seigneur, que tu espères ; adresse-leur une parole bienveillante. Ne porte pas ta main enchaînée à ton cou [par avarice], et ne l’étend pas non plus trop largement, sinon tu te trouveras blâmé et chagriné. »[7]

Dans ce verset coranique évoquant les rapports avec les proches, la lecture exacte de ce sujet est bien donnée. Elle montre la responsabilité que tout individu doit assumer envers les intérêts de ses proches. Dans ce cas, tous les pauvres doivent être écoutés comme peuvent l’être aussi ceux qui sont proches ; leurs besoins doivent être pris en charge de la même manière. En réalité, dans ces versets, il ressort un appel s’adressant aux riches, les interpellant à utiliser leurs avantages pour répondre aux besoins d’autrui, à se sacrifier pour leur bien. Cela peut aussi se réaliser grâce au « isâr » (sacrifice) car l’isâr, qui est le plus haut degré de générosité, désigne le sacrifice de soi pour les autres, c’est l’utilisation des biens que l’on dispose pour répondre aux besoins des nécessiteux.

Un homme qui accomplirait un acte de charité qui entraînerait le durcissement de sa propre situation financière ainsi que celle de sa famille serait une chose bien injuste. Mais le mot « isâr », au-delà même de la somme dépensée, est un terme plutôt relatif au but de la dépense. Par conséquent, dépenser dans un but qui n’est pas juste serait du gaspillage, car qui dit gaspillage dit dépenser dans un but injuste. Dans ce cas, si une personne emploie toute son existence et son énergie pour une cause juste, son œuvre ne peut être considérée comme du gaspillage ; dans le cas inverse, même la moindre quantité dépensée serait considérée comme du gaspillage. La raison en est que le gaspillage exprime la non-reconnaissance en contrepartie de ces innombrables grâces divines qui nous sont octroyées. Cela veut dire que même si les personnes riches bénéficient de leur fortune grâce à leur propre labeur, elles ne peuvent pas s’en servir comme bon leur semble alors qu’autour d’eux il y a des gens qui sombrent dans la détresse et la pénurie ; au contraire ils sont obligés de se séparer de leurs biens au profit des nécessiteux et de la prospérité sociale.

La quatrième annonce est relative aux bonnes actions qui permettent à l’homme d’atteindre son but fixé. Dieu le Très-Haut, dans le Coran, y fait allusion : « Il [appartient également] à ceux qui, avant eux, se sont installés dans le pays et dans la foi, qui aiment ceux qui émigrent vers eux, et ne ressentent dans leurs cœurs aucune envie pour ce que [ces immigrés] ont reçu, et qui [les] préfèrent à eux-mêmes, même s’il y a pénurie chez eux. Quiconque se prémunit contre sa propre avarice, ceux-là sont ceux qui réussissent. »[8]

Le mot « raqaba » évoqué dans ce passage, ayant pour sens la notion d’esclavage, traduit en fait toute la personnalité humaine. Cependant, à celui d’esclavage, ce terme définit toute forme de captivité et de colonisation sociale, économique et politique. C’est pour cette raison que dans ces versets il n’est pas seulement question des individus esclaves en tant que tels, mais aussi de toute personne qui, dans le domaine économique et politique, subit des traitements dignes de l’esclavage, ce qui, en substance, donne le message sur la nécessité pour les sociétés dévastées par la pauvreté de se libérer de tous les types de colonisation.

Il existe aussi d’autres versets coraniques qui apportent des solutions aux problèmes humanitaires, moraux et sociaux. Il est certes impossible de les évoquer ici dans leur majorité, mais il est quand même possible d’en tirer un résultat concluant. Dans ces versets en question sont définis les principaux devoirs d’une personne qui croit. À cet effet, les comportements généreux des individus dans la société demandent une certaine solidarité entre eux afin de porter les charges communes. C’est évidemment dans ce sens que les versets portent une remarquable importance et une non moins exceptionnelle signification.

En résumé, nous sommes aujourd’hui en face d’un tas de problèmes psycho-spirituels, économiques et politiques presque devenus chroniques et qui se sont même instaurés dans la structure sociale. Il n’est certainement pas question d’attendre une solution immédiate à ces problèmes, mais leur résolution ne peut pas être laissée à la conscience de cadres qui sont sans mérite, non habilités et impitoyables. La solution pour se préserver des turpitudes qui rendent l’homme inquiet et qui constituent une menace pour toute la société, c’est de recouvrer le plus rapidement possible une structure sociale fondée sur des pactes moraux et juridiques dans lesquels les valeurs sublimes jaillissant de la révélation coranique seront actives et composées d’honorables individus perfectionnés par la foi.

[1] Voir al-Balad, 90/4.

[2] Voir al-Infitar,82/6-8.

[3] Voir al-Baqara,2/21,48,183ss.

[4] Voir al-Imran,3/102-103; al-Isra,17/23-39; al-Balad,90/12-19ss.

[5] Al-Isra,17/22.

[6] Al-Isra,17/23-25.

[7] Al-Isra,17/26-29.

[8] Al-Hashr, 59/9 ; Voir également l’encyclopédie islamique de la Fondation Diyanet de Turquie, XXII, 490

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