Les précipices du désir

Mar 12, 2019 par

Allah Le Très-Haut a créé les anges de lumière mais ne leur a pas accordé la science de la sensualité ni celle du désir. Ils n’ont aucun savoir, aucune notion. Ils ne savent même pas se révolter contre Allah. Les anges obéissent aux ordres qui leur sont donnés et se prosternent devant Allah.

Quant à Iblis (Satan – le Diable), qui était un être éclairé, pieux et soumis, Allah s’est servi de lui pour tester Adam. Ainsi, le Seigneur a montré à Adam le vrai visage d’Iblis ; ce dernier fut alors choisi et désigné comme le tentateur des fils d’Adam afin de poursuivre la révolte et la désobéissance vis-à-vis d’Allah jusqu’à la fin des temps.

Les animaux, quant à eux, ne ressentent que le désir. De plus, ils sont privés d’intelligence et de conscience ; en aucun cas ils ne peuvent être tenus comme responsables de leurs actes.

À l’instar de l’homme, cet être à qui Allah a accordé toutes les facultés mentales et physiques nécessaires pour être au-dessus du statut de l’animal, mais qui parfois perd tous ses moyens, s’effondre et se retrouve par la suite au plus bas degré de l’échelle. L’homme est un être aux multiples aspects. Il est cerné de toutes parts ; Iblis derrière lui, assailli par le désir ; par sa nature même, il a parfois l’esprit digne d’un animal ; dans son passé, au cours de l’histoire de l’humanité, par son comportement, il a agi en se croyant l’égal du Seigneur. Mais son avenir se terminera soit dans la vallée de la souffrance éternelle, soit dans celle de la récompense éternelle.

Si un homme éduque son esprit en se servant de la foi, de la prière et de toutes les activités morales, il sera en mesure de s’élever à un statut plus honorable. Mais si le désir s’empare de lui, alors tout son être sera mis « sans dessus-dessous ».

Ainsi, dans la dernière sourate du Coran (An-Nass), Allah nous enseigne comment chercher refuge auprès de Lui contre les turpitudes de l’homme et des esprits malsains puisqu’il existe des individus encore plus méchants qu’Iblis lui-même ou qui peuvent même le surpasser dans ce domaine.

En témoigne ce récit fort édifiant : Iblis avait décidé de poursuivre un croyant afin de le faire dévier de son chemin de piété, mais, malgré toutes ses tentatives, il n’avait pas réussi à l’éloigner d’Allah le Tout-Puissant. Oui, Iblis s’avoua vaincu. Pourtant, un jour qu’il se demandait comment il pourrait réussir à le faire plier, en face de lui apparut une vieille dame. En la voyant, il fut heureux et il se mit à lui expliquer son problème. La vieille dame lui dit en riant :

« Voyons voir si tu es d’accord ! Si je fais ce que tu souhaites, c’est-à-dire éloigner cet homme du chemin d’Allah, tu devras en échange m’acheter une paire de chaussures. »

Iblis vit cette proposition comme une aubaine :

« Je t’achèterai les plus belles » répondit-il à la vieille dame en acceptant le marché.

La vieille dame commença à guetter l’occasion pour surprendre l’homme pieux. Après l’avoir suivi un certain temps pour connaître ses habitudes, elle remarqua que ce croyant, en sortant de la mosquée, passait souvent devant chez elle. Avec toutes ces informations à sa disposition, elle prépara sa ruse. Une nuit, alors que le croyant s’en revenait de la mosquée, elle lâcha toutes ses poules dans la rue. Dès qu’elle vit l’homme s’approcher, elle fit mine de les poursuivre tout en agitant des feuillages. Lorsque l’homme fut à sa hauteur, elle commença à le supplier :

« O mon cher fils, mes poules se sont enfuies, je n’arrive pas à les rattraper et à les ramener chez moi. S’il te plaît, pour l’amour d’Allah, aide-moi et remettons-les dans le poulailler. » L’homme, intentionné et disposé à aider un membre de la communauté, accepta et finit par attraper toutes les poules qu’il remit à l’intérieur du poulailler situé dans le jardin. Bien sûr, la vieille dame le remercia en lui faisant maintes et maintes éloges. Elle savait qu’elle l’avait piégé. Elle allait mettre en place la seconde phase de son plan et c’était encore plus effrayant :

« Qu’Allah te gratifie mon fils, lui dit-­elle, tu ressembles à un jeune qui a le Coran sur les lèvres et puis quelle piété vit en ton for intérieur ! Ma fille est malade, elle est à l’intérieur, si tu lui adressais une prière, tu ferais certes une bonne action. »

Elle l’avait convaincu ; les chevilles de l’homme se mirent à gonfler ; il succomba à son orgueil et tomba sans crier gare dans le piège si bien préparé, puis tous deux pénétrèrent à l’intérieur. Ils montèrent à l’étage juste au-dessus, rentrèrent dans une chambre et que vit-il ? Il n’y avait aucun malade, seulement une très belle femme qui attendait, assise, devant une table sur laquelle étaient disposées de la nourriture et des bouteilles d’alcool ! Il voulut sur-le-champ s’en retourner et sortir au plus vite de ce lieu malsain, mais la vieille dame avait déjà fermé la porte à clef :

« O croyant ! lui dit-elle. Laisse-toi aller et assieds-toi à cette table, bois donc quelques verres d’alcool et apprécies la compagnie de cette belle du monde… »

L’homme était dans la confusion la plus totale :

« De toi et de tes propositions, je cherche refuge auprès d’Allah. » Lui dit-il tout en essayant de reprendre ses esprits tout en reculant. Mais la vieille mégère revint encore à la charge et joua ses dernières cartes :

« Tu ne peux aller nulle part ! Maintenant je vais commencer à crier de toutes mes forces en disant à qui veut l’entendre que tu es rentré chez moi et que tu as violé ma fille. J’appellerai tous les voisins à mon secours. Réfléchis bien ! Tu seras couvert de honte. Obéis-moi et fais ce que je te dis !…

Le pauvre homme, déconfit, pour ne pas être dénigré par les hommes accepta d’être abandonné par Allah ; son intelligence fut vaincue par son désir et à cette table dressée il se mit à boire. Une fois devenu ivre, la sensualité avait pris le dessus et il commit l’adultère avec cette femme qui était déjà prête pour cet acte depuis le début.

Cet homme qui durant toute sa vie de croyant avait respecté les préceptes religieux interdisant l’alcool et l’adultère se retrouva pris au piège, comme s’il avait perdu la tête, comme s’il avait oublié son Seigneur et les ordres de Celui-ci. Qui plus est, il n’allait pas s’arrêter là. Sous l’effet de l’alcool et de la sensualité, il perdit de plus en plus le contrôle de lui-même. Lorsqu’il entendit les cris d’un nourrisson et que la belle qui était en sa compagnie lui fit comprendre qu’elle devait s’occuper de son bébé, il perdit la tête, se fâcha, sortit de ses gonds et, tel un animal sans esprit, se saisit de l’enfant devenu une entrave à son plaisir, le frappa à terre et le tua.

Son sort fut scellé telle une flèche sortie d’une arbalète. Ce pauvre croyant qui d’habitude ne s’occupait que de sa foi et de ses prières, tel un ange, était présentement en train de commettre les pires actes que même les animaux, aussi nombreux soient-ils, n’auraient pas pu accomplir. Il ne faut pas l’oublier : le désir vit en l’homme, caché comme un serpent.

Celle qui avait causé sa perte était un être humain tout comme lui, en réussissant là où Iblis avait échoué.

Bien sûr, Iblis, aveuglé par l’orgueil et la haine envers l’homme, est le soldat de la destruction, mais l’homme peut lui aussi devenir pire que lui, juste pour une paire de chaussures.

Ce pauvre homme inintelligent, en reprenant ses esprits, s’aperçut qu’il était en garde en vue, les mains menottées. Dans cette voie qu’il avait empruntée, au prix de ne pas être méprisé par ses semblables, il finit par atteindre ce qui lui faisait peur jadis. Il n’a pas seulement hérité de la honte de ce bas- monde, mais il s’est aussi condamné à être indigent et rejeté dans l’au-delà.

En ce qui concerne Iblis, il afficha un sourire jusqu’aux oreilles. Enfin il avait atteint son but. Cependant, il ressentit tellement de crainte à l’égard de cette vieille dame qu’il avait utilisée pour son funeste dessein qu’au moment où il devait lui apporter comme convenu les chaussures promises, il n’avait pas eu le courage de s’approcher d’elle. Par conséquent, il lui remit son dû, mais accroché au bout d’un bâton.

Oui, même Iblis en personne se réfugie auprès d’Allah contre une créature encore plus endiablée que lui.

Ton corps est la monture du désir, ne t’y fie pas.

On dit que la conspiration y siège,

Si tu ne résistes pas fortement

Il cherchera l’occasion pour te mettre à terre, il l’a dit.

(Gülzâr-i Irfan)

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