L’énigme relative à la “croyance en Dieu” dans le christianisme

Mar 13, 2019 par

Ali Namli

Trois hommes devinrent chrétiens. Un prêtre s’engagea à leur enseigner les principes de ladite croyance, en particulier ce qui avait trait avec le dogme de la Trinité. Ces trois hommes furent continuellement au service du prêtre. Là-dessus, un des amis de ce dernier se présenta. Le prêtre lui fit savoir que « trois personnes étaient devenues chrétiennes » et pour se vanter auprès de son ami interpella un des trois « convertis » et le questionna au sujet de la Trinité. Celui-ci donna la réponse suivante : « Vous m’avez enseigné qu’il existe trois dieux. Le premier, celui qui se trouve au ciel, le second, celui qui est né de la Sainte Vierge, quant au troisième il s’agit de celui qui est descendu sous forme de colombe sur le deuxième dieu lorsque celui-ci était âgé d’environ trente ans. » Le prêtre se fâcha et chassa l’homme en disant : « Cet homme est ignorant. » Puis il en interpella un autre et le questionna également. Ce dernier lui répondit : « Vous m’avez enseigné qu’il y avait trois dieux. L’un d’eux a été crucifié tandis qu’il n’en reste que deux. » Le prêtre s’énerva derechef et le chassa aussi. Il interpella enfin la troisième personne qui s’était montrée plus assidue quant à l’apprentissage des principes de la religion en comparaison des deux autres. L’homme répondit : « Mon Père, j’ai bien appris ce que vous m’avez enseigné et j’ai parfaitement compris qui est Dieu par la grâce du Messie. Un est égal à trois, et trois est égal à un. L’un d’eux a été crucifié et il est mort. Et compte tenu de l’union qui existe entre eux, tous moururent également. Il n’y a donc pas de Dieu présentement. Dans le cas contraire, il ne devrait pas y avoir d’union entre eux. »[1]

Tout comme exprimé dans le récit « Izhâru’l hak » de Rahmatullah Efendi, la croyance en Dieu dans le christianisme est assez complexe. Les principes relatifs à la croyance dans le christianisme reposent sur Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint Esprit, constituant ainsi ce que l’on nomme la Trinité. Seulement, l’Église, qui prétend que les trois sont un, conçoit la notion de Dieu comme un secret affirmant qu’il est impossible de l’expliquer rationnellement. À cause de cela, il y a parmi les penseurs chrétiens des individus qui affirment : « Pour pouvoir m’ouvrir à la croyance (ou à la foi), je suis dans l’obligation de mettre le savoir de côté » ; « je crois parce que c’est incompatible avec la raison » ; « je crois parce que c’est absurde ». C’est pour cette raison que l’Occident n’a pas pu avancer en matière de science et de savoir après avoir échappé à l’impasse formée et à l’oppression exercée par l’Église Médiévale.

Selon les chrétiens, la Trinité agrée qu’il existe trois personnes au sein d’un même Dieu. La théologie chrétienne met en évidence le fait que la Trinité ne signifie pas l’existence de trois dieux, mais la présence de trois personnes différentes au sein d’une même déité. Les personnes en Dieu ne partagent pas la divinité en elles-mêmes, chacune constituant en leur sein un Dieu total. Le Père est tout comme le Fils, le Fils est tout comme le Père, le Père et le Fils sont comme le Saint Esprit, c’est-à-dire que toutes ces personnes constituent par nécessité et de par leur nature respective l’unique Dieu. Le Père, le Fils et le Saint Esprit qui constituent la Trinité sont séparés de Dieu, mais ils ne constituent pas trois dieux mais un seul Dieu, c’est-à-dire que l’un est égal aux trois et les trois à l’un. Certes tout ceci n’est pas accessible à la raison. Cette démarche qui ne se conforme pas aux mathématiques est pourtant considérée juste et véritable en christianisme ; ceci étant déterminé alors comme un mystère dont il n’est guère possible d’expliquer à partir de la raison.

Selon une certaine explication, il existe une hiérarchie entre les personnes qui forment la Trinité. Le Messie qui n’est autre que le Fils est lié au Père et comme le premier tire son origine du second, il est une sorte de seconde divinité, inférieure (au Père). Durant le Concile de Nicée (en 325 ap. J.C), Arius fut excommunié pour avoir mis en avant le fait que Jésus avait été créé avant toutes les autres créatures et que par conséquent il n’était pas « de toute éternité », c’est-à-dire qu’il n’était pas Dieu. Selon un autre mode d’explication, Jésus fut un Homme simple qui a été adopté (ou élevé) en raison de son obéissance à Dieu, donnant lieu en conséquence à son rang de Fils de Dieu. Selon un commentaire, le Père, le Fils et le Saint Esprit qui dans leur totalité sont des réalités du Dieu unique ne consistent pour nous que des formes d’apparence et de signe qui apparaissent. Selon un autre commentaire, le Père, le Fils et le Saint Esprit sont en réalité trois dieux différents et leur « union » ne se réalise que dans notre esprit. Les Conciles de Nicée (325) et de Constantinople (381) rejetèrent catégoriquement ces trois commentaires et acceptèrent la vraie différence relative aux trois personnes constituant Dieu : l’égalité du Père, du Fils et du Saint Esprit ainsi que leur coéternité.[2]

Dans l’histoire du christianisme, les divergences des points de vue et des désaccords ayant débuté juste après l’avènement de Jésus avaient perduré pendant des siècles. L’humanité, la divinité, la personnalité, la nature et l’identité de Jésus qui au départ sont présentées comme Dieu et son Fils à la fois soulevèrent toutes sortes de débats et de ces points naquirent des divergences d’opinion. Les principes de la croyance chrétienne furent déterminés durant les conciles et jusqu’à cette date beaucoup de leaders et de penseurs chrétiens, mais aussi des gens de toutes obédiences, furent bannis du christianisme à cause de leurs idées déclarées impies, puis excommuniés.[3]

Les livres de l’Ancien Testament dévoilent que Dieu est unique, éternel, immortel, omnipotent, réalisant ce qu’Il désire et ne ressemblant à aucune autre chose. Il affirme l’interdiction d’adorer tout autre chose que Dieu. Quiconque adore autre chose que Dieu, c’est comme s’il se tuait. Dans aucun des livres de la Bible que les chrétiens considèrent comme sacrés, Jésus se présente comme étant Dieu. Celui-ci fit appel à Dieu et expliqua qu’il avait été envoyé et mandaté par Lui. Quand il parlait de lui-même, il mentionnait « la descendance humaine ». Le peuple le considérait comme un prophète et lui-même aussi se considérait comme tel. Bien qu’il en soit ainsi, Paul fut le premier à définir le dogme de la Trinité, nonobstant la religion de ce prophète, ôtant ainsi son caractère essentiel, à savoir l’unicité divine (tawhid). Paul instaura la croyance selon laquelle « le Seigneur Jésus, le Messie, après avoir vécu sur terre pour sauver l’humanité en tant que Fils de Dieu et crucifié, ressuscita et fut élevé au ciel ».[4]

Bien qu’il ait vécu, mangé et bu comme tout être humain, qu’il ait ressenti et souffert, qu’il ait eu du souci et joui de la vie, la venue au monde du Messie Jésus par le biais du mystère divin, son engagement à professer le monothéisme, l’aspect de sa nature humano-divine, a occupé l’Église pendant des siècles et occasionné des débats irrationnels et interminables en son sein.

La revendication trinitaire, bien qu’elle soit la source du salut (selon l’Église), n’est aucunement présente dans les communautés précédentes. Si la Trinité était vraie, les prophètes envoyés aux Israélites l’auraient explicitée comme il se doit. Le plus étrange, c’est qu’en vérité Jésus n’a aucunement professé une telle croyance. Par exemple il n’a jamais dit que « Dieu est composé de trois éléments : le Père, le Fils et le Saint Esprit. L’élément « Fils » a été introduit  dans mon corps conjointement à une connexion autre que la perception de votre raison ou une autre quelconque connexion. Consécutivement à cette relation ainsi évoquée, je ne suis nul autre que Dieu. » Bien au contraire, certaines paroles du prophète Jésus figurant dans les Écritures bibliques déjà existantes montrent nettement que le dogme de la Trinité est infondé et que Jésus n’est pas Dieu.[5]

Selon les chrétiens, chaque être humain vient au monde pécheur à cause de la faute qu’Adam et Ève ont commise dans le paradis. Seulement, Jésus le Messie, l’une des trois personnes constituant Dieu, les racheta avec son propre sang en se sacrifiant. Du moment que les simples prêtres sont en mesure de purifier du péché, pourquoi le Seigneur Messie qui pouvait sauver ses serviteurs en pardonnant leurs péchés a-t-il accepté l’écoulement de son sang à cause de cela ? Si l’effusion de son sang était à même de libérer les humains, pourquoi Jésus a-t-il manifesté des signes de peur et d’inquiétude au moment de sa crucifixion ? Pourquoi a–t-il dit : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »[6]

Les Catholiques qui ont pour chef le Pape croient qu’au moment de l’eucharistie le pain et le vin se transforment en vraie chair et en vrai sang de Jésus. Puis après que le pain eût été trempé dans le vin, les fidèles le consomment après avoir été morcelé. En réalité, quelle différence y a-t-il entre les gens qui ont vécu à l’époque de l’ignorance et ceux qui mangent la chair de leurs dieux, qui boivent leur sang, qui adorent des idoles qu’ils fabriquent à base d’halva et qui les consomment lorsqu’ils ont faim ? Puisque selon certains chrétiens le pain et le vin deviennent en réalité la chair et le sang de Jésus et compte tenu du fait que ceux qui l’ont crucifié sont des impies damnés, imaginons la situation de ceux qui le sacrifient (continuellement) en mangeant sa chair et en buvant son sang ? À cet effet la confession protestante rejette cette allégation en apportant pour preuve les organes de sens qu’une telle transformation ait lieu durant la messe et se moque des Catholiques qui croient en une telle prétention. Ce rejet et cette moquerie sont un sujet de questionnement pour eux aussi puisque ceux qui ont vu Jésus l’ont  également connu sous sa forme humaine.[7]

Comme on le voit le christianisme a subi des modifications qui déroutent quant au personnage de Jésus. Cela a pris en quelque sorte une tournure païenne et invraisemblable. Quand Rome était en train de christianiser l’empire, la Rome païenne avait en réalité idolâtré le christianisme. Les divers points de vue abordés au nom du christianisme n’avaient aucune relation avec Jésus ni avec la raison et la logique. Quand on raisonne dans ce sens, le christianisme s’est peu à peu transformé en religion purement humaine.

Alors que l’appréciation de Dieu dans le christianisme porte une pareille complexité, il se lève et critique celle du Dieu de l’islam.

L’un des points majeurs de la critique du christianisme vis-à-vis de l’islam  est que pour ce dernier Dieu est inapprochable, insaisissable par la raison et inconnaissable. Dans la religion islamique, on dit que Dieu est aussi grand qu’Il est inapprochable, intouchable, insaisissable pour l’Homme, qu’Il est tout autre, éloigné et inconnu. Alors que Dieu est à la fois une entité abstraite inaccessible à la raison, Il est aussi omnipotent au point d’être indescriptible, mais en même temps proche de nous, présent dans notre cœur, aussi proche de nous que notre veine jugulaire. La raison en est que Dieu se situe au-delà de toute excellence possible et en même temps à tout point de cette excellence.

Le Coran déclare que Dieu n’a ni égal ni ressemblant et que les yeux ne peuvent Le voir. Mais en cela Dieu est inconnaissable et il n’est guère possible à l’Homme de sonder le mystère d’un Dieu très éloigné. La raison en est qu’en islam il existe une relation étroite entre la foi et le savoir. Avoir foi en Dieu et connaître Dieu sont deux dimensions liées l’une à l’autre. Le Coran présente l’existence humaine tout comme l’ordre cosmique comme des signes relatifs à l’existence de Dieu. Dans une religion là où tout l’ordre cosmique, la globalité du monde dans lequel nous vivons et tout ce qui se trouve autour de nous constituent des signes parlants qui manifestent l’existence de Dieu, on ne peut plus guère Le présenter comme inconnaissable et inapprochable. Cependant, pour saisir toutes les preuves de l’existence de Dieu, il est indispensable que les anges de la raison et des organes de l’Homme soient en bon état et fonctionnent comme il faut.

Il n’est pas difficile pour ceux qui utilisent à bon escient la raison de connaître Dieu et de L’appréhender par cette voie. Connaître Dieu en islam porte une signification profonde qui commence avec le savoir et qui s’élève tout droit au niveau de la sagesse. Ainsi donc, en islam, cette relation entre la croyance en l’existence de Dieu et le savoir retranche le gouffre que Kant avait placé entre la croyance et le savoir, disant à ce propos : « Pour que la croyance trouvât une place, je rejette (donc) le savoir ». Parce que la différence qui existe entre le savoir et la croyance, au regard de l’intégralité de l’Homme, fait ressurgir en nombre suffisant de sérieux problèmes.  L’Homme ne mène pas une vie détachée en mettant d’un côté ce qu’il connaît et de l’autre ce qu’il croit. Il est obligé de recouvrer une vie spirituelle et une imagination qui offre l’intégralité.

Dieu ne s’est pas présenté à L’Homme comme un être connaissable, inapprochable et éloigné. Au contraire, Dieu est plus proche de l’Homme que sa veine jugulaire l’est de lui-même. L’Homme est continuellement sous le contrôle de Dieu parce qu’Il connaît à tout moment et en tout lieu ses actions et même ses intentions les plus intimes. La croyance au savoir absolu de Dieu assure la formation d’une proximité consciente à l’égard de Dieu et ce dans toutes les œuvres de l’Homme. La vie dévotionnelle en islam établit la plus concrète relation qui existe entre l’Homme et Dieu. Il est vital que la vie dévotionnelle (ou d’adoration) soit menée sous le rapport du bienfait. Selon la description qu’en a faite le Prophète de l’islam (pbsl), le bienfait exprime la conscience de vivre comme si on voyait Dieu parce que même si nous ne Le voyons pas, Lui nous voit.[8]

Quand le croyant se repent et demande pardon, il se sent lui-même en proximité avec Dieu. Dieu agrée le repentir de ceux qui demandent pardon. Contrairement au christianisme il n’existe pas en islam, comme dans le christianisme, de confession des péchés devant un tiers. Car lors de l’invocation et de l’adoration du musulman, celui-ci n’a besoin d’aucun intermédiaire entre lui et Dieu. Le musulman s’oriente vers Dieu avec toute sa sincérité spirituelle.

La conception de Dieu en islam et la vie dévotionnelle qui lui est attachée établissent sous le rapport de la conscience responsable une liaison Dieu-Homme très vive et dynamique. De ce point de vue, présenter Dieu comme insaisissable et inapprochable par la raison en primant les attributs relatifs à Sa seule suprématie est une atteinte non fondée. Cette manière de concevoir les choses telles Dieu s’incarnant en être humain, subissant la torture et la crucifixion n’existe pas en islam et n’est même pas nécessaire. Ainsi donc, la conception de Dieu en islam n’est pas anthropomorphique. Quand le Coran décrit Dieu, il se sert de certaines expressions symboliques. Seulement ces symboles doivent exister dans le but de rapprocher l’existence absolue à la perception de l’Homme.

En résumé, la conception de Dieu en islam demande une situation équilibrée au regard de la suprématie et de l’omnipotence, mais également sous le rapport de la proximité. Cette dimension est extrêmement importante du point de vue de la continuité du dynamisme de la religion et de la morale. L’Homme, ainsi nommé, ne possède aucun côté qui serait en contradiction avec le monde de la raison, de la conscience et du cœur. Les informations infondées relatives au Tout-Puissant, la déformation des religions et des Livres divins n’expriment rien si ce n’est l’inquiétude que l’on ressent vis-à-vis des avancements de l’islam et aussi par le souci de l’effondrement de l’infondé qu’ils conservent.[9]

[1] Rahmatullah el-Hindî, Izhâru’l-hak, (Melkâvî neşri), c. III, s. 731-732, Riyad 1994.

[2] Ömer Faruk Harman, “Hıristiyanlık Nedir?” (http://www.isavvakfi.org, yayınlarımız, güncel yazılar).

[3] Mehmet Aydın “Hristiyanlık”, DİA, c. XVII, s. 345-348, İstanbul 1998.

[4] Rahmatullah el-Hindî, a.g.e., c. III, s. 682, 736-750; Ömer Faruk Harman, “Hıristiyanlık Nedir?”

[5] Rahmatullah el-Hindî, a.g.e., c. III, s. 718-72.

[6] Marc 15/34.

[7] Pour d’autres déclarations de ce type, voir Rahmatullah al-Hîndî, a.g.e., c. I, s. 239-240; c. II, s. 414-415; c. III, s. 705-708, 733-734.

[8] Bukhârî, İman, 37; Muslim, İman, 1.

[9] Relativement à certaines notes concernant le thème, cf. Hulusi Arslan-Ruhi Abat, « Misyonerlerin Allah » (le Dieu des missionnaires).

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