L’abondance et la fertilité

Mar 12, 2019 par

L’abondance et la fertilité sont des termes souvent utilisés comme synonymes. Pourtant, ce sont deux notions différentes.

Les termes « abondance » et « débordement », d’après le dictionnaire, réfèrent au débordement d’un cours d’eau, à la révélation d’un secret longtemps contenu, à l’excès et à la grâce. Dans le Coran, le même mot débordement est utilisé quand il s’agit de « verser des larmes ». Ce mot est également utilisé dans ce sens dans les sourates du Coran et les hadiths.

Dans le soufisme, le débordement et l’abondance sont des termes généralement utilisés pour parler de l’excès de la miséricorde dont Dieu entoure Ses serviteurs. La raison d’être de l’univers est l’amour et l’affection. La particularité de l’amour est l’intensité. D’ailleurs, dans un hadith saint, il est dit : « J’étais un trésor caché, J’ai fait recours au savoir, c’est-à-dire J’ai voulu Me faire connaître et J’ai créé les êtres vivants ». Le recours d’Allah au savoir fut à l’origine de la création des hommes et des djinns. Par ailleurs, dans un verset, Allah dit : « Je n’ai créé les hommes et les djinns que pour m’adorer ». Dans son interprétation de ce verset, Ibn Abbas pense que l’expression « pour M’adorer » signifie « pour Me connaître ». Il existe un lien entre la causerie et le savoir. Quand l’homme fait connaissance de quelque chose, il l’aime, après l’avoir aimé, il le connaît mieux. La causerie devient alors une source de prospérité.

De la même façon que l’amour est la raison de la création de l’univers, la pérennité de cet univers dépend de la loi dictée par cet amour. De la même façon que la pérennité et la reproduction des espèces se font dans le cercle de l’attraction et de l’amour, les systèmes de croyance et l’ordre social sont également basés sur les principes de l’amour. Si les systèmes religieux et sociaux ne se basent pas sur ces principes, ils ne peuvent pas épanouir l’homme de façon durable. Par ailleurs, pour atteindre la foi parfaite de notre Prophète (saw) bien aimé, la condition principale est d’aimer Allah plus que tout. L’atmosphère de joie, qui régnait comme une pluie d’amour à l’époque du Prophète (saw), résultait non seulement de la grâce divine mais aussi de la solidarité des fidèles. La conversation avec Dieu, raviver l’envie d’être avec Lui et établit l’union des cœurs par un vent doux de grâces. Les sentiments et la spiritualité qui se manifestent auprès d’Allah ont été transmis par le truchement du Prophète à ses Compagnons et à sa communauté. Les Compagnons du Prophète (saw) étaient tellement captivés par la densité et la profondeur de ses récits qu’ils écoutaient dans le silence total. Par la suite, ils ont transmis la spiritualité qu’ils ont reçue du Prophète (saw) aux tabi’i (deuxième maillon de la chaîne de transmission de l’Islam après le mort du Prophète (saw)) et les tabi’i à leur tour l’ont transmise aux tab’ tabi’i (ceux qui constituent le troisième maillon de la chaîne de transmission de l’Islam). Cette chaîne de transmission constitue ce que les soufis appellent « transfert de spiritualité », car ce transfert a été pérennisé jusqu’à nos jours par une chaîne spirituelle de transmission. Cette acception du mot spiritualité renvoie à l’ouverture du cœur par les fidèles et son remplissage par l’inspiration et la grâce divine. Le hadith qui annonce que le Prophète (saw) « descendra sur le lieu de commémoration des fidèles » confirme l’existence de ce genre de grâce. L’imam Ghazalî, dans son commentaire de ce hadith, lie tout à la condition d’action et de bienfait en déclarant que « le moyen par lequel la descente du Prophète (saw) se fera est la naissance de l’envie de ressembler aux prophètes ». Les soufis aussi se sont appropriés ce point de vue en établissant que la fertilité est liée au bienfait d’une foi ferme.

Les soufis utilisent le mot « abondance » pour exprimer la miséricorde d’Allah qui accorde excessivement Ses bienfaits à Ses fidèles. Dieu rapproche ses fidèles qui ont la foi en Lui à travers sa grâce. En revanche, ceux qui sont épris d’un amour vain pour les mondanités perdent tout contrôle de soi sous l’effet du vin. Les personnes qui se trouvent dans leur environnement sont affectées par cette situation. C’est pour cela que les hommes doivent s’inspirer d’un verset clairement ordonné, à savoir « soyez avec les véridiques ». De la même façon que celui qui entre dans le hammam ressentirait sur sa peau l’influence de la chaleur qu’il ne voit pas à l’œil nu, toute personne qui se trouve sous l’influence de la densité des causeries portant sur la science, le savoir et la religion, verra son intention et sa volonté affectées. Cette influence ne s’accomplit qu’en fonction de l’aptitude et de la disposition de tout un chacun. D’ailleurs un poète disait :

L’abondance des œuvres dépend de la disposition du peuple.
Quand les pluies d’avril tombent sur une coque de mollusque, elle devient une perle, pourtant ces pluies constituent un poison pour le serpent.

Cela veut dire que chacun peut profiter de l’abondance de grâce divine en fonction de sa disposition. Pour atteindre la prospérité, il faut assister aux causeries éducatives portant sur la science, le savoir, la religion, et se rapprocher des personnes pieuses.

Dans le soufisme, la notion d’abondance est souvent utilisée dans un sens proche de la notion de bénédiction. L’abondance requiert la grâce d’Allah. Allah est la source de multiplication de toute chose. Le Coran, le Prophète (saw) et les fidèles n’étaient que des moyens de transmission de la spiritualité.

Dans le coran, il existe des versets qui racontent que les peuples qui ont la foi et qui craignent Dieu obtiendront le pardon ainsi qu’une grosse récompense, et ceux qui s’emprisonnent dans les mondanités sont sur la mauvaise voie.

Quant au terme « bénédiction » qui a la même racine sémantique que le mot grâce, il est utilisé pour parler des sujets aussi divers que le Coran et l’univers. L’utilisation répétitive du mot «salam » aux côtés des autres mots comme « bénédiction » et «miséricorde » montre à suffisance leur proximité sémantique. D’ailleurs, dans l’invocation « At-tahiyyatou », la demande de la paix, de la clémence et des bénédictions d’Allah sur le Prophète et sur les serviteurs vertueux démontre qu’ils sont ceux par qui les hommes doivent passer pour atteindre la miséricorde et la bénédiction d’Allah.

Le terme bénédiction signifie les « bienfaits d’Allah » car Il est le Dispensateur de toute chose sur terre. D’ailleurs dans le Coran, l’accouchement de la femme âgée du Prophète Abraham est considéré comme une bénédiction.

Plusieurs hadiths élargissent les ressources de bénédiction divine. Il s’agit de l’hadith selon lequel la tribu des serviteurs d’Allah dénommée « Abdal » est à l’origine des bénédictions terrestres et du hadith qui rapporte que la crainte d’Allah par les jeunes, la multiplication des animaux, l’allaitement des nourrissons par des femmes âgées sont des sources de bénédiction pour l’homme. Il en est de même du hadith qui parle des bonnes actions d’un fidèle musulman vis-à-vis de ses voisins.

Un croyant a foi au fait que tout bienfait, toute grâce, toute bénédiction, est un don d’Allah pour Ses serviteurs. Il oriente toujours toutes ses prières vers Allah. Il Lui soumet tous ses besoins. Cela est une nécessité pour tout croyant musulman. En outre, un croyant ayant pour objectif l’obtention de la miséricorde et de la bénédiction d’Allah sait qu’il fait partie d’une congrégation et que la prière qu’il effectue en congrégation est sept fois plus bénéfique que celle effectuée individuellement. L’objectif du dhikr, des causeries éducatives, des prières en congrégation chez les soufis est d’atteindre cette bénédiction afin de percevoir la grâce divine que portent les cœurs des croyants.
Dans la pensée soufie, la notion d’abondance est liée la multiplication des êtres vivants. Les êtres vivants se multiplient à tout moment par la grâce d’Allah. Dans ce sens il existe deux types d’abondance : l’abondance la plus sacrée et l’abondance bénie. L’abondance bénie apparaît quand l’homme donne la priorité au savoir. L’abondance la plus sacrée est au-delà du pouvoir humain. L’école de pensée d’Ibn ‘Arabî s’est formée sur la base de cette pensée.

Dans ce texte, nous n’entrerons pas dans les détails de cette acception du mot abondance. Nous avons juste voulu montrer quelques usages de ces termes dans le contexte du soufisme. Bref, la propagation de la spiritualité ainsi que la miséricorde et la bénédiction qu’elle implique donne naissance à la volonté et à l’effort.

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