La responsabilité

Mar 14, 2019 par

Osman Nûri Topbaş

L’homme est la plus honorable des créatures et le trésor le plus précieux du monde. Allah octroya à l’homme toutes sortes de richesses et des facultés qu’Il n’accorda pas aux autres créatures. En contrepartie de ces exceptionnelles faveurs, Il lui céda certaines responsabilités.

Dans le but de nous éprouver, nous Ses serviteurs, Allah le Tout-Puissant céda à notre âme (nafs) les principes de péché (foujour) et de crainte révérencielle (taqwa), et, entre ces deux, Il nous laissa la liberté de choix. Ainsi, nous pouvons orienter librement notre volonté vers le bien ou le mal, à la condition d’en accepter les conséquences.

À titre d’épreuve du monde d’ici-bas, Il a donné à chacun de Ses serviteurs des conditions de vie différentes. Cela signifie que l’homme, en raison de l’harmonie, la cohésion et la paix sociale de la communauté dans lequel il évolue, a été créé à des degrés très différents, du point de vue physique et moral.

Si les hommes bénéficiaient des mêmes capacités, des mêmes aptitudes professionnelles et des mêmes facultés physiques et morales, on ne pourrait instituer de hiérarchie dans la société ; par conséquent, il ne pourrait y avoir d’organisation harmonieuse. C’est pourquoi les hommes ont besoin des uns des autres au sein de la communauté, telle la main nécessitant sa paire pour se laver. Ils sont chargés de se compléter dans leurs différences afin de former les éléments d’un tout, pour que la vie puisse continuer. En conséquence, dans ce monde d’épreuves, le fait que les hommes soient possesseurs de moyens très différents n’est pas dénué de sens.

Cette situation produit parmi les croyants certains droits et certaines responsabilités religieuses et morales. Allah le Tout-Puissant ordonna aux faibles parmi les gens, aux vulnérables et à ceux vivant dans la privation de patienter dans leurs épreuves pour obtenir leurs récompenses ; d’un autre côté, Il ordonna à Ses serviteurs puissants, intelligents, riches et doués de garder les pieds sur terre et de Le remercier.

Le remerciement ne peut se faire uniquement avec la langue. Le véritable remerciement se réalise lorsqu’on donne de nos biens à ceux qui en sont privés. La plus belle expression du remerciement est, pour l’amour d’Allah, d’être toujours auprès des faibles, essayer de remédier à leur privation et d’obtenir la faveur de leurs invocations.

En réalité, de temps à autre, nous devons nous demander la chose suivante : « Moi, je suis fort et en bonne santé. Par contre, pourquoi untel est-il malade ou handicapé ? Je suis riche, pourquoi untel est-il pauvre et souffre-t-il de privation ? » En réponse, nous devons nous dire : « Allah le Tout-Puissant m’a confié cette personne et m’en a rendu responsable. J’ai des moyens et, dans ce cas, je suis dans l’obligation de faire l’effort de les partager avec ceux qui en sont privés !… »

D’ailleurs, notre Prophète (sallallahu ‘alayhi wa salam) dit à ce sujet :

 

« Le croyant qui ne se soucie pas des peines de son frère n’est pas des nôtres. » (Hâkim, IV, 352 ; Heysemî, I, 87)

La sensibilité de la responsabilité résultant de la fraternité de foi est très importante. Même s’ils évoluent dans des corps différents, les croyants sont dans l’obligation de se considérer comme les organes reliés à un unique cœur, appartenant au même corps. Tout comme la douleur d’un organe est ressentie à travers tout le corps, entendre la souffrance ressentie par ses frères de foi est un réel examen de conscience pour tous les croyants.

L’exemple suivant de notre Histoire expose ce que fut le cœur d’un croyant pieux :

Au moment où la citadelle de Özi fut perdue et que son peuple innocent fut massacré, le Sultan ottoman Abdulhamid Han 1er s’écria :

« Quel malheur ! Mes (enfants) soldats et mon peuple innocent ont été décapités ! » À cause de sa tristesse, il devint paralysé et ne supportant cette souffrance, il décéda peu après. Cet état est assurément la manifestation d’un profond sens de la responsabilité ! Quelle magnifique sensibilité de foi qu’eut ce grand sultan ! Elle fut telle que son cœur souffrit passionnément et cela lui coûta la vie.

Lorsque cette sensibilité religieuse est perdue, il n’y a plus de conformation avec le droit de la fraternité en religion et, de cette façon, les responsabilités sont transgressées.

Les croyants doivent être conscients que pour mériter la satisfaction divine, il faut s’aimer, s’entraider, se protéger.

Par ailleurs, les croyants ont constamment besoin des uns des autres dans le bien et dans les prières. Le croyant faible et dans la détresse a besoin de la charité du croyant puissant et riche, le croyant fortuné a besoin des prières du croyant faible et souffrant.

Mawlânâ Djalal ud-Din Rumî exprime cette vérité de la plus belle des façons :

 

« Tout comme les belles cherchent un miroir pur et clair, la générosité demande des gens pauvres et faibles,

Le visage des belles se reflétant dans le miroir est charmant, la beauté de l’offrande et de la charité se dévoile avec les pauvres et les nécessiteux. »

Par ailleurs, les personnes qui vivent certaines difficultés de la vie ne doivent pas considérer les peines et les souffrances qui peuvent les toucher comme une sanction. Elles doivent savoir que tout cela ne s’agit que d’épreuves venant du Tout-Puissant. Dans tous les cas, elles se doivent de patienter, de Le remercier (de leur permettre d’avoir des épreuves difficiles) et d’attendre leurs récompenses.

C’est pourquoi, les riches qui remercient Allah et les pauvres qui patientent obtiennent la satisfaction divine de manière équivalente. Leur seule différence est que l’un est éprouvé par la privation et l’autre par la richesse.

Comme exemple, Allah le Tout-Puissant évoque les situations des prophètes Suleyman (Salomon) et Ayyûb (Job) :

Suleyman (qu’Allah soit satisfait de lui), possesseur d’une immense fortune, n’a jamais été orgueilleux. L’amour des biens de ce bas-monde n’a jamais pu pénétrer dans son cœur. Il était toujours en état de remerciement d’Allah, Le véritable possesseur des biens. En raison de sa belle conduite, il a été honoré des compliments du Tout-Puissant : « Quel bon serviteur »[1].

D’autre part, éprouvé par la pauvreté et la maladie, conscient que sa situation lui avait été décrétée par Allah, Ayyûb (qu’Allah soit satisfait de lui) était constamment en état de satisfaction (des épreuves choisies par son Créateur) et ne plaignait jamais. Tout comme Suleyman (qu’Allah soit satisfait de lui), en raison de l’acceptation et de sa soumission, Ayyûb (qu’Allah soit satisfait de lui) obtint les compliments de son Seigneur : « quel bon serviteur »[2]. Par conséquent, le plus important n’est pas comment le serviteur est éprouvé, mais de quelle manière il répond à cette épreuve.

C’est pourquoi le véritable croyant doit avant tout utiliser sa raison dans le but d’obtenir la satisfaction d’Allah. Et afin d’enraciner cette sensibilité, il se doit de considérer les qualités morales des plus vertueux et d’en prendre exemple ; à l’opposé, il doit considérer les plus pauvres que lui afin d’augmenter ses remerciements à Allah. Il ne doit pas se plaindre des privations choisies par Allah Lui-même, doit considérer la vie d’ici-bas et de l’au-delà comme un tout, se réconforter à la pensée que dans le monde éternel, sa part de responsabilité sera amoindrie.

Car parmi Ses serviteurs, Allah le Tout-Puissant demandera davantage de comptes à ceux qui ont reçu plus de faveurs de Sa part et moins à ceux qui en ont reçu moins. En d’autres termes, les comptes demandés dans l’au-delà seront proportionnels aux richesses de ce monde d’ici-bas. La justice divine sera appliquée de cette façon.

Dans cette considération et à titre d’exemple, l’acceptation de ses propres responsabilités et les conditions religieuses entre une personne venue au monde au sein d’un clan primitif ou bien vivant dans une communauté ignorante (de la Religion), et une personne très vertueuse ou évoluant dans un monde civilisé ne peuvent en aucun cas être semblables. Par conséquent, tous les biens accordés au serviteur sont les éléments qui vont déterminer les limites de ses responsabilités et sa quantité de charge.

En témoigne l’expression du verset coranique suivant :

« Allah n’impose à aucune âme une charge supérieure à sa capacité. » (Coran, Al-Baqara, 2/286)

Allah tient donc (Son serviteur) responsable autant qu’Il lui accorde de la force et des moyens. À contrario (du verset coranique), un serviteur qui ne réalise pas les choses qu’il pourrait faire en sera également tenu responsable. C’est-à-dire nous devons obligatoirement prendre en considération que si nous avons les capacités nécessaires de faire le bien, de conseiller le bien et les bonnes actions, d’interdire la tyrannie et le mal, mais que nous ne le faisons pas, nous devrons en rendre compte dans l’au-delà.

Il ressort de ce point une dimension très importante pour nous croyants. Il est facile de déterminer le quorum d’un impôt matériel comme la « zakât » (impôt obligatoire), et ainsi de savoir à partir de quelle quantité donnée nous nous déchargeons de cette responsabilité. Par contre, il est très difficile de quantifier la responsabilité du serviteur concernant tous les biens matériels et spirituels qu’Allah lui a octroyés. Par exemple, faire l’effort dans le sentier d’Allah est une obligation imposée par le Tout-Puissant. En revanche, à l’inverse du « zakât », ni la quantité ni la proportion n’est claire.

La charge de responsabilités échue aux personnes ayant obtenu peu de faveurs peut être comparée au volume d’un « verre d’eau », tandis que celle échue aux autres personnes peut être comparée au volume d’une « marmite ». C’est-à-dire que la part d’attribution qu’Allah a destinée à Son serviteur lui impose des responsabilités différentes. Si quelqu’un déverse un verre d’eau dans la marmite qu’il possède, il verra sa marmite vide. Également, un homme dont la dette s’étend à cent milliards de « zakât » ne verra pas sa dette effacée en s’acquittant de dix milliards ; les responsabilités liées aux autres bienfaits sont engendrées de la même manière.

Ainsi, étant donné qu’il est impossible de connaître la quantité de responsabilités liée à nos faveurs, nous ne devons pas faire confiance à la quantité de nos prières, supplications, de charité et de bonnes actions. Car il se pourrait que la capacité du récipient (de responsabilités) soit beaucoup plus grande et que nos bonnes actions se perdent en son intérieur.

Maints exemples ont été vécus durant l’Ère du Bonheur (davr-i saâdat). Un Bédouin vint et déclara qu’il ne pratiquera que les obligations (religieuses). Le Prophète (sallallahu ‘alayhi wa salam) dit à son sujet :

« S’il tient parole, il sera sauvé. »[3] Parce que son récipient était équivalent à un verre.

A l’opposé, le Prophète (sallallahu ‘alayhi wa salam) disait régulièrement à Mu’az (qu’Allah l’agrée), un vertueux choisi parmi ses Compagnons : « Ce n’est pas suffisant ! » en le conseillant constamment. Enfin, il lui demanda :

 « Veux-tu que je t’informe à quoi est lié toute cette consistance ? »

Mu’az (qu’Allah l’agrée) lui répondit :

« Oui, informez-moi, ô Messager d’Allah ! »

Le Prophète (sallallahu ‘alayhi wa salam) lui dit alors :

« Protège ta langue ! »

 

Mu’az demanda :

« Allons-nous également rendre des comptes de nos paroles ? »

Le Prophète (sallallahu ‘alayhi wa salam) lui répondit :

« Puisse Allah t’accorder le bien ô Mu’az ! Ce qui va traîner les hommes face contre terre vers l’enfer n’est en fait que le produit de leur langue ! »[4]

 

En résumé, nous ne pouvons savoir de manière catégorique si nous avons en main un verre ou une marmite, en termes de mesure de responsabilité. De toute manière, notre ego (nafs) ne voudrait pas que nous le sachions, parce qu’il se pourrait que nous ayons une marmite et que nous essayions de nous consoler en nous disant : « Moi, je possède un verre, ceci me suffira, c’est-à-dire que les bontés, les bonnes actions et les œuvres pieuses que j’ai faites me sauveront (de l’enfer) ! » Combien de propriétaires de marmites se comparent à ceux qui ne possèdent qu’un verre et croient la chose suivante : « Moi, j’ai ce qu’il me faut (comme bonnes actions) ! » De la même manière que de nombreuses personnes veulent aveuglément comparer un océan à un étang, nombre d’humains veulent se donner bonne conscience en comparant leur situation au reste de la population.

En réalité, les bienfaits octroyés par Allah à la communauté (de manière globale) et ceux accordés à l’individu seul sont totalement différents. C’est pour cette raison qu’il ne faut jamais croire les services rendus dans le sentier d’Allah comme suffisants, que nous avons atteint la totalité des services que nous pouvons réaliser. Afin de pouvoir s’affranchir de nos responsabilités, nous devons faire l’effort nécessaire, avec toute notre énergie, jusqu’à notre dernier soupir.

Par ailleurs, nous devons nous garder de nous voir exemptés de rendre service dans le sentier d’Allah à cause de diverses privations. À ce sujet, quel bel exemple est la situation des dévoués Compagnons :

Parmi les Compagnons, Abdullah Ibn Oumm Maktoum (qu’Allah l’agrée), bien qu’exempté de participer aux batailles parce qu’il était aveugle, avait participé à la bataille de Kadisiye en disant : « Moi aussi, je veux porter l’étendard ». Un pauvre parmi les Compagnons, n’ayant trouvé de monture pour participer à l’expédition de Tabûk, en était exempt. Pourtant, il s’est arrangé avec un cavalier en lui promettant que s’ils remporteraient la victoire et devenait lui-même un blessé de guerre (gâzi, à l’inverse de chahîd, qui signifie martyr), il lui léguerait sa part du butin du combat. Ainsi, il partagea la monture de celui-ci et ne s’en était donc pas pour autant abstenu. Car ces nobles Compagnons savaient très bien que la récompense des souffrances vécues et des sacrifices accomplis dans le but de réaliser une bonne action allait être la cause d’une élévation considérable.

Tous les services rendus de manière sincère dans la recherche de la satisfaction d’Allah sont les signes de la maturité du cœur. Ils sont le moyen de se rapprocher du Seigneur.

Pour cette raison, même si nous nous trouvons dans la maladie, dans le handicap, dans la pauvreté ou dans une semblable privation, au lieu de s’effacer en se disant « De toute façon, je suis excusé. », nous devons tout mettre en œuvre pour la réalisation d’œuvres pieuses, de bonnes actions, au service de la Religion d’Allah, en évinçant les contraintes éphémères qui sont sur le chemin.

Il est écrit dans le Saint Coran :

« Ô vous qui croyez ! Si vous faites triompher (la cause d’) Allah, Il vous fera triompher et raffermira vos pas. » (Coran, Muhammad, 47/7)

Pendant la période omeyyade (amawi), l’armée de l’Islam voulait être celle qui allait conquérir Istanbul, celle annoncée par le Prophète (sallallahu ‘alayhi wa salam). Elle était arrivée aux portes de cette ville. Dans ces troupes se trouvait également Abû Ayyûb al-Ansâri (qu’Allah l’agrée). Les Grecs combattaient dos aux frontières de la ville. Une personne parmi les auxiliaires (Ansars) mena son cheval en plein milieu des Byzantins. En voyant cela, un soldat de l’Islam se souvint du verset coranique suivant : « Et ne vous jetez pas par vos propres mains dans le danger » (Coran Al-Baqara, 2/195) et dans l’étonnement, dit :

« Il n’y a de Dieu qu’Allah (La ilaha illallah) ! Regardez ça ! Il se jette volontairement dans le feu ! » Ensuite, Abû Ayyûb al-Ansâri s’exclama :

« Ô croyants ! Ce verset est descendu sur nous les auxiliaires (Ansars). Lorsqu’Allah vint en aide au Prophète et fit triompher Sa religion, nous dîmes : « Nous devons désormais retourner protéger nos biens et nous occuper de leur croissance. » Ensuite, le verset suivant fut révélé : « Et dépensez dans le sentier d’Allah. Et ne vous jetez pas par vos propres mains dans le danger. Et faites le bien. Car Allah aime les bienfaisants. » (Coran, Al-Baqara, 2/195). Dans ce verset, « se jeter par ses propres mains dans le danger » signifie qu’il ne faut pas se plonger dans les choses éphémères de ce bas-monde comme les vignes, le jardin et qu’il ne faut ni renoncer, ni négliger ses efforts dans le sentier d’Allah. »

Abû Ayyub al-Ansâri, attaché en toute sincérité à cet avertissement divin, dans le souci permanent d’affranchir ses responsabilités vis-à-vis d’Allah, n’avait jamais considéré ses œuvres suffisantes et n’avait jamais refusé un service pour Allah. Âgé de plus de quatre-vingts ans, avec l’émotion de la foi, il atteignit le degré de martyr lors de cette bataille. (Voir Abû Dawud, Djihad, 22/2512 ; Tirmidhî, Tafsîr, 2/2972)

‘Umar ibn Abdulaziz, qui a également laissé ses empreintes dans l’Histoire de l’Islam durant les deux ans et demi où il fut calife, faisait constamment son examen de conscience. Lorsque son épouse cherchait à le consoler, il lui répondait modestement :

« Eh Fatima ! Demain, lorsque mon Seigneur me demandera de rendre des comptes au sujet des personnes qui sont sous ma responsabilité, si le Prophète se plaint de moi et me fait des reproches, comment vais-je répondre ?! » Et il avait le comportement de l’oiseau blessé tombé dans l’eau cherchant à se débattre.

D’autres versets coraniques expriment cette réalité :

« Ô les croyants! Craignez Allah comme Il doit être craint. Et ne mourez qu’en pleine soumission. » (Coran, Al-Imran, 3/102)

« Et adore ton Seigneur jusqu’à ce que te vienne la certitude (la mort). » (Coran, Al-Hijr, 15/99)

« Quand tu te libères, donc, lève-toi, et à ton Seigneur aspire. » (Coran, Ash-Sharh, 94/7-8)

Conformément aux versets précités, nous devons nous efforcer de nous mettre au service d’Allah avec un amour continuellement croissant, jusqu’à la fin de notre vie. Nous devons pour cela prendre exemple sur notre Prophète (sallallahu ‘alayhi wa salam). Bien que tous ses péchés passés et futurs aient été pardonnés, il priait toute la nuit jusqu’à l’aube en pleurant, en demandant pardon.

Lors de construction de mosquées, il portait des pierres sur son dos béni.

Lorsqu’il partait en voyage, il ramassait du bois pour cuire les repas.

En partance pour la bataille de Badr, il se relayait avec trois Compagnons pour monter l’un après l’autre sur le chameau. Les Compagnons insistaient pour lui offrir leurs droits, mais il refusait en disant :

 « Vous n’êtes pas plus endurants que moi pour la marche. En outre, tout comme vous, je ne suis pas dispensé de gagner de bonnes actions (sawap) » (Ibn Sa’d, II, 21; Ahmed, I, 422)

En résumé, étant donné qu’il est impossible de connaître les capacités et les moyens qu’Allah nous (Ses serviteurs) a octroyés, nous nous devons de nous dévouer au service d’Allah, dans la mesure de nos possibilités.

*

D’autre part, la meilleure façon de remercier Allah pour Sa grâce de nous avoir donné la foi (en Lui) est de la transmettre (tabli’) et d’initier ceux qui n’ont pas la foi ou les pécheurs avec un langage doux et le visage souriant de l’Islam. Mais il faut faire attention à la chose suivante : les pécheurs sont comme les oiseaux blessés. Ce qui va leur être profitable n’est pas la colère, mais la compassion. C’est-à-dire qu’il ne faut pas reporter la haine ressentie à l’égard d’un péché sur le pécheur. Un tel sentiment pur et profond n’est accessible que dans un climat de tolérance et dans une ambiance où la mystique (tasawwuf) est dignement imprégnée.

De nos jours, beaucoup de personnes sont ignorantes, en raison de la faiblesse de leur foi. Nous nous devons donc d’avoir dans la foule la même sensibilité que celle du médecin circulant dans les couloirs de l’hôpital. Tour comme le médecin propose des remèdes aux maux de la personne malade en raison de ses responsabilités humaines et morales, nous avons l’obligation de porter la responsabilité d’éclaircissement des personnes atteintes de maladies spirituelles.

D’ailleurs, notre Prophète (sallallahu ‘alayhi wa salam) dit :

« La religion est conseil. » (Bukharî, Iman, 42)

Et afin d’enseigner l’importance de renouveler les conseils, il répéta trois fois cette parole :

« N’aie aucune confiance en tes actes ! »

Aucune (bonne) action du serviteur ne suffira complètement à rembourser sa dette due aux bienfaits qui lui ont été octroyés. C’est pour cela que les gens pieux, les sages, et même les prophètes sont dans le désir de rendre compte non pas uniquement par rapport à leurs actions, mais en y rajoutant la grâce et la miséricorde d’Allah.

D’ailleurs, un jour, le Messager d’Allah (sallallahu ‘alayhi wa salam) invita ses Compagnons à se tenir éloignés des excès et des détails, de vivre une existence de servitude équilibré et dit :

« Tenez la voie du milieu (en ce qui concerne la voie du Livre Saint et de la tradition prophétique (Sunna)), soyez droit. Sachez qu’aucun ne parviendra à la salutation grâce à ses œuvres. »

Les Compagnons demandèrent avec stupéfaction :

« Vous non plus n’êtes pas sûr d’être sauvé, ô Messager d’Allah ? »

Il répondit :

« Oui, moi non plus, je ne serais affranchi. A moins qu’Allah me pardonne, par Sa miséricorde et Sa grâce. Dans ce cas, c’est toute autre chose. » (Muslim, Munafikin, 76, 78)

Il est stipulé dans un autre hadith :

« Même si un homme se prosterne et ne relève jamais son front du sol depuis sa naissance à sa vieillesse et enfin jusqu’à sa mort, pour la satisfaction d’Allah et dans l’intention de se soumettre à Lui, il verra le Jour du Jugement (qiyâmah) ses actes toujours insuffisants. » (Ahmed, c. IV, s.185)

C’est-à-dire que même un croyant aussi dévoué comprend que ses actes ne suffiront pas à le sauver.

Bien que le Prophète (sallallahu ‘alayhi wa salam) priait les nuits jusqu’à ce que ses pieds enflassent, il déclara l’absolue faiblesse de l’être humain en implorant :

« Ô Allah ! Je suis dans l’impuissance de T’exalter et Te louer tel que Tu le mérites. Tu es comme Tu T’es exalté et loué. » (Muslim, Salât, 222)

En conséquence, il nous incombe à la fois de s’obstiner dans l’effort et de demander le pardon et la grâce d’Allah en n’essayant pas de nous contenter des œuvres que nous ayons pu faire.

*

En résumé, au jour où l’être humain est pris en tenailles par les saveurs éphémères et envies de son âme bestiale (nafs), où il périt dans le gouffre de la crise spirituelle, il est certain que les responsabilités vis-à-vis de notre Seigneur s’alourdissent.

Qu’Allah nous permette de faire tout notre possible (dans Sa voie), à la hauteur des responsabilités qui nous incombent ! Qu’Il pardonne nos défauts et nos insuffisances ! Qu’Il nous honore tous de Son paradis et de Sa beauté !

Amin !

[1] Voir Coran, Sâd, 38/30.

[2] Voir Coran, Sâd, 38/44.

[3] Hadith : voir Bukharî, Imân 34, Sawm I, Shahâdâ 26; Muslim, Imân 8,9.

[4] Hadith : Voir Tirmidhî, Imân 8 ; Ibn Maja, Fiten 12.

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