La prière (as-salât)

Mar 12, 2019 par

Osman Nuri Tobpas

Le soleil, la lune, les étoiles, les prairies, l’herbe, les arbres…Toutes les créatures de l’univers vivent dans le rappel constant d’Allah (dhikr). La nature des oiseaux mélodieux qui volent dans le ciel, des montagnes ou des pierres stoïques n’est autre que l’adoration du Vrai (al-Haqq). Ils sont animés d’un rappel (tasbihat) qui nous est caché. Ainsi, les plantes proclament la louange d’Allah à travers le qiyam (la station debout de la prière), les animaux via le ruku’ (l’inclinaison au cours de la prière), et les créatures sans âme à travers la sajda(la prosternation au sol).Les anges connaissent quant à eux à la fois l’état du qiyam, duruku’, de la sajda, dutasbih(type de dhikr, rappel d’Allah) et dutahlil (répétition de l’attestation de l’Unicité divine, lâilahailla Allah).

Allah le Très Haut offrit aux hommes la prière (as-salât), culte qui comprend l’ensemble des adorations mentionnées et qui n’est autre que l’ascension céleste(mi’raj) du croyant. Par conséquent, un croyant qui réalise une telle connexion avec son Seigneur (la prière, as-salât[1])accomplit l’ensemble des adorations de toutes les créatures, et reçoit une récompense sans limite : il goûte aux manifestations spirituelles. Parmi toutes les créatures du monde, c’est le corps de l’homme qu’Allah créa parfaitement disposer pour la prosternation. Par conséquent, il existe un lien très fort entre l’homme et la salât.

La prière (as-salât) est l’union extatique et radieuse avec Allah, c’est un entretien avec Lui ainsi que la petite ascension céleste (mi’raj) offerte à toute la communauté de Muhammad (saws). La prière est aussi une source d’apaisement et de béatitude divine. Allah révèle dans le Coran : « Prosterne-toi et rapproche-toi ! »[2],

Le Messager d’Allah (saws) dit d’ailleurs :

« La prière est la lumière (nûr) de mes yeux ».[3]

La prière est l’un des piliers de la religion, elle est le signe distinctif du musulman. Du point de vue de la récompense divine, aucune autre adoration n’est comparable à la prière.

Le degré de la prière ici-bas reflète celui de la contemplation d’Allah dans l’au-delà. De fait, c’est lors de la prosternation, le front au sol, que l’adorateur est le plus proche d’Allah. Les délices les plus fins et les manifestations spirituelles les plus intenses surgissent lors de la salât.

Trois personnes parmi la tribu des Bani Uzra devinrent musulmanes après avoir rendu visite au Prophète (saws). Le Messager d’Allah demanda alors à ses compagnons :

« – Qui veut bien les accueillir chez lui ? »

« – MoiyâRasulullah ! » répondit Talha.

Alors que ces trois personnes restèrent près de Hazrat Talha (ra), le messager d’Allah envoya une troupe combattre à l’extérieur de la ville. Une des trois personnes des Bani Uzra participa à la bataille et mourût en martyr. Quelques temps plus tard, le Prophète (saws) envoya une nouvelle troupe au combat. L’une des deux personnes restantes la joignit et tomba martyr. Enfin, la dernière personne rendit l’âme pendant son sommeil. Talha (ra) expliqua :

« – En rêve, j’ai vu au Paradis les trois personnes que j’avais accueilli. La personne qui est décédée dans son lit est celle qui entra en premier, suivit par le deuxième martyr, puis enfin par le premier martyr. Je fus choqué de voir le frère mort dans son sommeil devancer les martyrs. Cette vision me laissa perplexe. J’allai donc voire directement le Prophète (saws) et je lui expliquai mon rêve. Le messager d’Allah (saws) me dit :

« – Tu n’as pas à être choqué ! Il n’existe pas de croyant plus pieux pour Allah que celui dont la langue ne cesse de L’invoquer par le tasbih, le takbir et le tahlil.[4][5]

Le Prophète (saws) délivra l’exemple suivant aux Compagnons (ra) afin de leur faire comprendre la valeur unique et l’honneur de vivre en tant que musulman :

“–Yatağında ölen o kişi, şehîd olan kardeşinden sonra Ramazan orucunu tutmadı mı, bir senede altı bin şu kadar rekât namaz kılmadı mı? (O hâldeikisiarasındabukadarfarktabiîkiolacaktır.)”(Ahmed, II, 333)

Cette tradition démontre que la salât n’est pas seulement un critère délimitant la différence entre le croyant et le kâfir, mais qu’elle peut aussi éclairer des différences de degrés spirituels entre les croyants.

Les personnes qui restent privés de la salât

Les personnes qui se tiennent loin de la prière (as-salât) connaissent une vie privée de bénédiction (baraka). Leur visage ne reflète pas la lumière de la beauté divine. Ils sont aussi privés de l’amour des hommes pieux. Le secret de le hadith suivant « Vous mourrez tel que vous avez vécu », réside dans sa conscience du dernier souffle. En d’autres termes, il nous rappelle la manière triste et douloureuse avec laquelle les gens qui ne prient pas rendent l’âme. Leur tombe les compresses, devenant ainsi un des trous de l’Enfer. Le Jour du Jugement, ils trouveront Allah furieux. Leurs comptes seront très difficiles et ils seront finalement jetés dans le Feu.

Un matin, le messager d’Allah (saws) s’adressa aux Compagnons (ra) en ces termes :

« Cette nuit dans mon rêve deux personnes (Jibril et Michail) vinrent vers moi. Ils me réveillèrent et me dirent « Allez, on-y va ». Je partis avec eux. Nous atteignîmes un homme qui dormait. Une autre personne pressait la tête du dormeur avec une énorme pierre dans sa main. Il broyait sa tête à l’aide du rocher, et dès que cette dernière s’échappait de sa main en déroulant, il la reprenait et la ramenait sur sa tête. Entre le moment où la pierre partait et revenait, le visage du dormeur guérissait et reprenait son état originel. L’homme malheureux revenait à cette même place pour dormir et subissait à chaque fois le même sort. Je demandai aux anges :

– SubhanaAllah, que cela veut-il dire ?

– Nous allons te l’expliquer. Cet homme a la situation de celui qui apprit le Saint Coran puis l’abandonna et repoussa la prière obligatoire (en particulier celle de fajr) à cause de son sommeil.[6] »

Le jeune croyant se doit de se protéger consciencieusement des pièges tendus par Shaytan (Satan). Et quelle que soit les causes de ses prières ratées, il doit s’empresser de les rattraper. Ainsi, le hadith nous prévient :

« Quiconque oublie une prière doit la rattraper au moment même où il s’en rappelle. Il n’a pas d’autre expiation en dehors de cela ».[7]

L’adorateur qui ne met pas en pratique ce conseil du Prophète (saws), verra sa dette de prière s’empiler-t-elle une montagne jusqu’au Jour du Jugement. Cette dette le conduira à la faillite au Jour des Comptes.

Les cinq temps de la prière (as-salât)

Chacun des cinq temps de prière possèdes à propre valeur et importance. Le fait que les heures de prières soient clairement établies renferme mille bienfaits et mille sagesses pour l’âme et le corps de l’homme. C’est la raison pour laquelle chacune de ces prières doit être observée avec un soin et une délicatesse particulière.

Le Messager d’Allah (saws) évoqua les cinq prières quotidiennes en ces termes :

« Allah le Très Haut me dit : « J’ai donné à ta communauté cinq prières quotidiennes obligatoires. Ceci est une parole donnée en Ma Présence : celui qui accomplie ses prières dans leur temps, Je le placerai certainement au Paradis. Celui qui ne prend pas soin de sa prière, Je n’ai aucune promesse pour lui. »[8]

Le Prophète (saws) dit aussi :

« Il n’y a pas un seul musulman qui vient pour une prière obligatoire, prend ses ablutions avec soin, accomplit parfaitement ses inclinations avec sincérité et humilité (khushu’) sans que cette prière soit une cause d’expiation pour les péchés antérieurs tant qu’il n’a pas commis de grand péché et ceci pour toute sa vie. »[9]

La prière du vendredi

La prière du vendredi est un acte rituel obligatoire (fardh) pour les hommes musulmans. Allah le Très-Haut dit dans le Coran :

« Ô vous qui avez cru ! Quand on appelle à la Salât du jour du Vendredi, accourez à l’invocation d’Allah et laissez tout négoce. Cela est bien meilleur pour vous, si vous saviez ! »[10]

Selon l’interprétation du Coran, il est donc interdit (haram) aux hommes d’occuper son temps avec autre chose que la prière – tel que le commerce – au moment de la prière du vendredi.

Le messager d’Allah (saws) explique la prière du vendredi comme suit :

D’après Abu Hureira (ra), le Prophète (saws) a dit : « Celui qui fait les ablutions parfaitement puis se rend au jumu’a puis écoute et se tait, il lui est pardonné ce qu’il y a entre ce moment et le vendredi suivant et trois jours en plus. Celui qui s’amuse avec des cailloux pendant le sermon a certes fait une futilité tant il perd la vertu du jumu’a. »[11]

« Certaines personnes sont devenus insouciantes (gafil), soit après qu’elles aient abandonné la prière du vendredi, soit après qu’Allah leur ait scellé leur cœur. »[12]

Le recueillement et l’humilité (khushu’) lors de la prière

Le Messager d’Allah (saws) dit au sujet d’un homme qui jouait avec sa barbe lors de la salât :

« Regardez. Si le cœur de cet homme était plein de soumission sincère(khushu’) les membres de son corps le seraient aussi ».[13]

Tous les actes d’adoration doivent être animées d’une profonde émotion de l’âme. Ainsi, la prière doit être habitée par cette déférence intime (khushu’). Le Coran nous dit ainsi :

« Malheur donc, à ceux qui prient, tout en négligeant (et retardant) leur Salât »[14]

Le Prophète (saws) insiste :

« Celui qui accomplit son inclinaison et sa prosternation de la plus belle des façons, alors la prière (as-salât) l’invoque en ces termes :

« Qu’Allah te protège de la même façon que tu m’as protégée ». Sa prière est élevée (et exaucée). En revanche, la personne qui n’accomplit pas pleinement sa prière (avec soin et sincérité), alors la prière lui dit :

« Qu’Allah t’oublie de la même façon que tu m’as oubliée ! »La prière qu’il vient d’effectuer se rassemble tels des morceaux de vêtement éparpillé et le frappe au visage ».[15]

L’état de recueillement et d’humilité (khushu’) lors de la salât est tellement important qu’il entrouvre au croyant une voie vers la délivrance et le salut.

Il est ainsi dit dans le Coran :

« Bienheureux sont certes les croyants, ceux qui sont humbles dans leur Salat »[16]

“Kişinamazınıbitirir de onaancaknamazınınondabiri, dokuzdabiri, sekizdebiri, yedidebiri, altıdabiri, beştebiri, dörttebiri, üçtebiriveyayarısıyazılır.”(EbûDâvûd, Salât, 123-124/796; Ahmed, IV, 321)

“Kişiyenamazından, ancakkalbininhazırolduğukısımyazılır.” (Süheylî, Ravdu’l-Ünf, II, 208)

En d’autres termes, le croyant est récompensé lorsqu’il accomplit sa salât dans un état de profonde humilité (khushu’) et d’apaisement (huzur).

Le Prophète (saws) campa au cours d’un voyage. Il demanda tout en se tournant vers ses compagnons :

« Qui veut bien nous garder cette nuit ? »

‘Amar bin Yasir des Muhajiruns(les Mecquois qui ont émigré à la Médine) et Abbad bin Bishr des Ansars(les Medinoisqui ont accueillis les immigrés Mecquois) répondirent directement :

« Nous ! Nous ferons la garde ô Messager d’Allah. Le Prophète (saws) de répondre :

« Attendez la voie de votre bouche ! ». Abbad (ra) dit alors à Ammar (ra) :

« Préfères-tu tenir la garde en début ou en fin de nuit ? ». ‘Amar répondit :

« Je préfère tenir la garde lors la dernière partie de la nuit. » Puis il s’endormit. Abbad commença à prier. Il lit la sourate al-Kahf pendant sa prière. Alors qu’il lisait, un mécréant s’approcha près du camp. Voyant l’ombre d’un homme debout, il comprit (qu’il s’agissait d’un musulman) et lança une flèche. Cette dernière atteignit Abbad. Cependant, ce Compagnon béni retira la flèche et continua la prière. L’homme lança une deuxième puis une troisième flèche qui atteignirent à chaque fois leur cible. Abbad resta inflexible et retira à chaque fois la flèche pour mieux continuer la prière. Il accomplit ses inclinaisons et ses prosternations. Puis, après avoir passé le salaam marquant la fin de la prière, il réveilla son ami :

« Lève-toi ! J’ai été blessé ! », dit-il.

‘Amar (ra) se leva brusquement. Le mécréant qui assista à toute la scène fut repéré et fuit de peur. ‘Amar (ra) s’exclama en voyant le sang de son frère :

« Subhanallah ! Pourquoi ne m’as-tu pas réveillé après avoir été frappé par la première flèche ?! » Abbad lui fit cette magnifique réponse :

« Je lisais une si belle sourate que je ne voulais pas interrompre ma prière avant d’avoir pu la finir. Cependant, les flèches continuant de me frapper, j’ai coupé ma récitation et accompli une inclinaison. Par Allah (Wallah), si le Messager d’Allah (saws) ne m’avait pas ordonné de tenir ma position, j’aurais préféré mourir plutôt que de finir ma prière au milieu de cette sourate. »[17]

Lorsque nous prions, nous devons donner à chaque inclinaison l’intention particulière (hakk) qu’il lui revient. Un jour le messager d’Allah dit :

« Le plus mauvais des voleurs est celui qui vole la salât ».

Les compagnons (ra) lui demandèrent alors :

« Ô Messager d’Allah, comment quelqu’un pourrait-il voler la salât ? »

« En n’accomplissant pas complètement ses inclinaisons et ses prosternations. Quand il se relève entre l’inclinaison et la prosternation il ne tient pas son buste droit (tellement il effectue la prière rapidement). »[18]

Dans un autre hadith, le Prophète (saws) nous prévient de la sorte :

« Celui qui ne se tient pas droit entre l’inclinaison et la prosternation, Allah ne regarde pas (n’accepte pas) sa salât. »[19]

Cependant, il arrive au croyant de ne pas atteindre la perfection dans la prière même lorsqu’il en a l’intention sincère. Etant avant tout un être humain, il arrive au musulman de commettre des erreurs dans sa salâtou de connaitre des manquements. Pour cette raison, nous devons donner beaucoup d’importance aux salât surérogatoires (nafile) ainsi qu’aux istighfar (invocations que le croyant formule afin de demander le pardon d’Allah : Astarghfirullah al-‘Athim). Ainsi le messager d’Allah nous informe sur cette situation :

« La première œuvre de l’adorateur d’Allah qui rejaillira le Jour du Jugement est la prière (as-salât). Si ses prières étaient correctement accomplies alors son jugement serait facile et il sortira gagnant. Cependant, si ses prières n’étaient pas bien effectuées, il ressortirait perdant. Si jamais il se trouve des manquements dans ses prières obligatoires (fardh), Allah, le Tout-Puissant, le Majestueux, dira :

« Regardez les prières surérogatoires de mon adorateur ? ». Car les prières surérogatoires complètent les manques des prières obligatoires. Les comptes seront rendus de la même façon pour les autres actions.»[20]

Accomplir la prière au début de son temps (waqt)

Le fait d’effectuer la prière au début de son temps fait partie des sensibilités que nous devons observer. En effet, repousser la prière jusqu’à la fin de son temps et l’effectuer rapidement sans aucun amour conduit à l’hypocrisie. Qu’Allah nous en préserve ![21]

Le Messager d’Allah (saws) nous met en garde de repousser la salât de la façon suivante :

« La prière accomplie au début de son temps conduit à la satisfaction d’Allah alors que la prière accomplie à la fin conduità Son pardon. »[22]

En d’autres termes, la prière accomplie au début est la cause de la satisfaction d’Allah tant elle démontre la sincérité et la sensibilité du croyant envers les ordres divins. Il en va autrement pour la prière qui est négligée, repoussée au dernier moment et effectuée dans la précipitation. Parce qu’elle est la preuve d’un défaut dans la sensibilité de l’adorateur, Allah ne lui offre pas de récompense particulière et lui accorde uniquement Son Pardon pour avoir repoussé la salât.

Ala Ibn Abdurrahman rapporte le hadith suivant :

Un jour, je suis allé auprès de Anas Ibn Malik l’après-midi. Anas (ra), nous voyant arriver, se leva aussitôt et accomplit la prière de ‘asr. Nous lui fîmes remarquer qu’il venait d’effectuer sa prière très tôt. De façon très humble il nous expliqua son action :

« Notre Prophète (saws) dit : « Ô la prière des hypocrites ! ». Puis il continua de la façon suivante :

« Parmi eux il y a celui qui reste assis longtemps et se lève précipitamment le Shaytan au cou, lorsque que tout le soleil est devenu rouge et qu’il a déjà décliné. Alors, tel le frétillement de l’oiseau qui rassemble ses graines, il effectue rapidement quatre unités de prières en n’invoquant que très peu Son Enseigneur ».[23]

Abu Dhar (ar) rapporte la chose suivante :

« Le Messager d’Allah (saws) me dit :

“Namazı geciktiren veya onurûhu çıkmış ölü bir ceset hâline getiren kimseler başına idâreci olduğunda hâlin nice olacak ? » bu­yurdu.”

Abu Dhardemanda:

« Dans ce cas, que m’ordonnez-vous ? »

Le messager d’Allah (saws) de répondre :

« Accomplie la prière à l’heure ! Si tu les atteins alors qu’il prie, rejoins-les et prie avec eux ! Ce sera pour toi une prière surérogatoire (nafile). »[24]

On demanda au Prophète (saws) :

« Quelle est l’action la plus vertueuse ? »

Il répondit :

« La prière (as-salât) au début de son temps ».[25]

Abdullah ibn Rawahah (ra) se comportait de façon sensible et distinguée envers la prière. Le Messager d’Allah (saws), après l’avoir salué et honoré par l’expression « mon frère », le loua de la façon suivante :

« Qu’Allah fasse miséricorde au frère Abdullah ibn Rawahah ! Quand l’heure de la prière (as-salât) arrive, quel que soit l’endroit où il se trouve, il s’arrête immédiatement et l’accomplie. »[26]

Le Messager d’Allah (saws) fut le premier à mettre en pratique cette habitude pieuse avant de la conseiller à toute sa communauté. En effet, tout au long de sa vie, quel que soit l’endroit ou l’état dans lesquels il se trouvait, il accomplissait sa prière (as-salât) avec enthousiaste au début de son temps. Aisha (ra) rapporta à cet égard :

« Le Messager d’Allah (saws) ne repoussa pas une seule fois sa salât jusqu’à la fin de son heure. Allah le Très Haut l’éleva à Sa station ».[27]

La prièreen groupe (as-salâtal-jama’a)

Le Messager d’Allah (saws) dit :

« La prière en groupe est plus bénie et récompensée que la prière individuelle. La prière à deux est plus bénie et élevée que la prière accomplie seule. Plus le nombre de personnes composant le groupe est grand, plus la satisfaction d’Allah l’Exalté est grande. » [28]

L’un des points les plus importants concernant de la prière est son accomplissement en groupe (pour les prières obligatoires, fardh). Prier engroupeest une sunna forte (muakkad) et considéré comme wajib(requis)dans le fiqh hanafite. Le Prophète (saws) n’accomplit jamais seule la prière obligatoire à l’exemption de celles qu’il fit au cours des derniers jours de sa vie.

Il répéta à sa communauté l’ordre de prier en groupe et souligna son importance dans l’éducation et la vie sociale en Islam. Ainsi, la prière en groupe est une action pieuse qui permet de renforcer le sentiment d’unité et de fraternité au sein de la communauté. Quel que soit l’endroit où une telle prière est effectuée, la conscience de l’Islam ainsi que son sens social commence à se diffuser.

Le verset que nous lisons à chaque unité de prière (rak’ât), soit au moins quarante fois par jour, « C’est Toi [Seul] que nous adorons, et c’est Toi [Seul] dont nous implorons secours » nous inculque la valeur de la prière en commun.

Il existe beaucoup de hadiths à ce sujet :

« La prière en groupe a un degré 27 fois plus élevé que la prière individuelle ».

« … Je veux que vous priiez en groupe et que vous évitiez de vous disperser et de vous séparer les uns les autres. LeShaytan est en effet avec ceux qui vivent seuls. Ne serait-ce que deux personnes permettent d’éloigner la présence du Shaytan. Celui qui souhaite se trouver au milieu du Paradis doit constamment se trouver en groupe (en communauté) … »[29].

Un jour le Messager d’Allah vit une personne prier toute seule :

« Cet homme n’a-t-il trouvé aucun généreux pour l’accompagner dans sa prière ? »[30]

Selon d’autres versions de ce même hadith, la personne en question accomplissait la salât obligatoire de dhor (du midi). Le Messager d’Allah (saws) aurait ainsi souhaité qu’il reçût plus de récompense en priant en groupe.

Selon ce qui a été rapporté, Allah le Très-Haut demandera au anges le Jour du Jugement :

– Où sont mes voisins ?

– Qui peut bien être tes voisins ô Seigneur ?

– Ceux qui prient constamment dans mes mosquées.[31]

Le Messager d’Allah (saws) ne faisait aucune concession concernant la prière en groupe. Un jour, le compagnon aveugle Abdullah ibn Umm Maktum dit :

– Ô Messager d’Allah ! Il y a à Médine de nombreux insectes venimeux ainsi que des animaux féroces (J’ai peur que ces animaux me fassent du mal. Est-ce que je peux quitter le groupe et prier à la maison) ?

– Entends-tu l’appel à la prière, hayyeale’s-salâhethayyeale’l-felâh’ ? Si oui, alors ne reste pas chez toi et viens à la mosquée.[32]

Yazid ibn ‘Amr raconte :

« J’approchai le Messager d’Allah alors qu’il priait. Je m’assis sans participer à la prière collective. A la fin de la prière le Prophète (saws) se retourna vers nous et regarda dans ma direction :

– Ô Yazid, n’es-tu pas musulman ?

– Je le suis ô Messager d’Allah !

– Dans ce cas, pourquoi ne participes-tu pas à la prière en groupe ?

– J’étais sûr d’avoir effectué à la maison la prière que vous étiez en train de faire.

– Si jamais vous venez à la mosquée et que vous trouvez des gens prier, alors priez avec eux ! Si vous aviez déjà accompli cette prière, cette dernière serait alors pour vous une surérogatoire (nafile) et celle que vous avez priée à la maison sera considérée comme l’obligatoire (fardh).[33]

De la même façon, le Messager d’Allah avertit à de nombreuses reprises ceux qui ne priaient pas continuellement en groupe. Ubey ibn Ka’b raconte :

« Un jour le Messager d’Allah (saws) dirigea la prière de fajr et nous demanda :

– Untel est-il venu à la prière ?

– Il n’est pas venu. Répondit la communauté.

– Et est-ce qu’untel est venu ?

– Non plus.

Il nous annonça alors :

– Ainsi, ces deux prières (celles de fajr et de ‘isha) sont les plus difficiles à accomplir pour les hypocrites. Si seulement vous saviez la récompense et la valeur de ces deux prières, vous viendriez à la mosquée par tous les moyens possibles, quand bien même il vous faudrait venir à genoux. Le premier rang est tel le rang des anges. Si vous connaissiez ses dix vertus, vous vous combattriez afin d’y parvenir… »[34]

La prière en groupe (as-salât al-jama’a) est tellement importante dans notre religion que le grand ouléma ottoman Molla Fenârî refusa le témoignage du Sultan Yıldırım Bayezid au tribunal parce qu’il avait remarqué que ce dernier ne priait pas toujours en groupe (à la mosquée).

Devant la surprise du Sultan, le Molla s’expliqua franchement :

« Mon Sultan ! Je ne vous vois pas à la mosquée, alors même qu’en tant que guide de la communauté musulmane vous devriez prier au premier rang. En d’autres termes, vous avez l’obligation d’être un exemple de piété… Si jamais vous ne vous joignez pas à la communauté (de prieurs), vous deviendriez un mauvais exemple pour le peuple et votre témoignage ne serait pas pris au sérieux… »

Selon une autre source, cet incident survint à l’époque où les Ottomans remportèrent la bataille décisive de Nicopolis (Niğbolu, au Nord de la Bulgarie actuelle, en 1396). En guise de remerciement pour cette victoire, le Sultan Bayezid aurait fait construire la célèbre mosquée Ulucamî de Bursa et y aurait prié les cinq salât quotidiennes de façon régulière.

La prière jusqu’au dernier souffle (son nefes)

Il n’existe aucun motif acceptable justifiant l’abandon ou la négligence de la salât. Même lors d’une bataille, les musulmans s’alternent afin de pouvoir accomplir la prière en groupe.[35]

Pour cette raison, tant que nous n’avons pas donner notre dernier souffle, nous devons accorder à la salât tout notre amour et toute notre concentration. A cet égard, Anas (ra) raconte les derniers moments du Messager d’Allah (saws) :

« J’étais près du Messager d’Allah (saws) au moment de son départ (pour l’au-delà). Il (saws) nous dit à trois reprises :

– Au sujet de la prière, craignez Allah (portez la crainte révérencielle d’Allah, ayez une conscience profonde de Sa présence).

Puis il continua :

– Craignez Allah quant il s’agit des personnes que vous gouvernez. Craignez Allah au sujet de deux faibles : la femme veuve et l’orphelin. Craignez Allah dans votre salât!… »

Ensuite, le Messager d’Allah (saws) commença à répéter les termes suivants : « la salât, la salât… ». Il (saws) ne cessa de répéter cela jusqu’au moment où Il (saws) rejoignit le Plus Elevé des Ami (Allah).[36]

La victoire vient avec la salât

Alors que la bataille des Dardanelles[37]se poursuivait, vint la fête de Arafa célébrant la fin du Ramadan. Le commandant Vehip Pacha appela l’imam de la neuvième division et lui dit tristement :

« Hafiz ! Demain c’est la fête de Ramadan. Les soldats veulent accomplir la prière de l’Aïd en groupe. Cependant, je ne peux pas revenir sur ma parole. Une telle prière donnerait l’opportunité à l’ennemi de nous éliminer tous sans exception. Va voir nos hommes et explique-leur de façon sage et appropriée que nous ne pouvons accomplir la prière de l’Aïd en groupe ! »

Le Pacha avait à peine quitté l’imam qu’un homme au visage radieux s’approcha de ce dernier :

« Mon fils ! Ne dis rien aux soldats, sois sans crainte ! Que la fête soit, ainsi que le bien. N’advient que ce qu’Allah décide. »

Le lendemain matin advint en effet une manifestation divine pour le moins surprenante. Descendirent du ciel des amas de nuages, plein d’amour pour Allah, qui cachèrent les croyants. Désormais, les troupes ennemies ne percevaient à travers leurs jumelles rien d’autre que des nuages blancs. De leur côté, les soldats accomplirent leur prière de l’Aïd dans un état spirituel indescriptible. Leurs takbirs[38]abondants, puissants et sincères s’élevèrent jusqu’aux cieux.

A ce moment même, de multiples désordres et tumultes surgirent au sein des troupes britanniques. Au sien de cette armée se trouvait en fait de nombreux soldats musulmans issus des colonies. En entendant au loin le son des takbirs et des tawhid, ils venaient de comprendre qu’ils combattaient un peuple musulman. Devant cette situation inattendue, les occupants britanniques ne savaient plus quoi faire. Ils exécutèrent une partie des révoltés, et ordonnèrent le retrait des autres.

Ainsi, le Coran nous interpelle de la façon suivante :

« Ô les croyants ! Cherchez secours dans l’endurance et la Salat. »[39]

[1]Dans son encyclopédie monumentale Une approche du Coran par la grammaire et le lexique, Maurice Gloton nous renvoie aux différentes occurrences de la racine du mot as-salât à savoir ولص : « Idée d’arriver derrière qqn et de le rattraper – Toucher, atteindre, blesse qqn au dos ; être second à la course, essayer de rattraper qqn, effectuer la liaison (de grâce) avec, entrer en compétition, courir après, accéder à, prier, faire la prière, bénir ». Ainsi, dans sa conception islamique, la prière (as-salât) doit être perçue comme une véritable « liaison » avec Allah, un « rapprochement » vers Lui, un « acte de grâce d’union ».  cf. Maurice Gloton (2004) Une approche du Coran par la grammaire et le lexique, « entrée 0874 (99) : ولص », Al Bouraq, Paris

[2]Sourate al-‘alaq (l’adhérence), verset 19

[3]Nesâî, Işretü’n-Nisâ, 10 ; Ahmed, III, 128, 199

[4]Il s’agit de trois façons de se rappeler Allah (dhikr) à savoir : répéter « subhanallah » (tasbih, Gloire à Allah), « Allahuakbar » (takbir, Allah est le plus Grand), et « lâilahailla Allah » (tahlil, il n’y a d’autres divinités qu’Allah).

[5]Ahmed, I, 163

[6](Buhârî, Ta’bîr 48, Cenâiz 93)

[7](Müslim, Mesâcid, 314)

[8](İbn-iMâce, İkāmetü’s-Salâh, 194)

[9](Müslim, Tahâret, 7)

[10]Sourate Jumu’a (Vendredi) verset 9

[11](Müslim, Cum’a, 27)

[12](Müslim, Cum’a, 40)

[13](Ali el-Müttakî, VIII, 197/22530; Abdurrazzâk, Musannef, II, 266-267)

[14]Sourate al Ma’un (l’ustensile) versets 4-5

[15](Beyhakî, Şuab, III, 143; Süyûtî, Câmi, I, 58/364)

[16]Sourate al- Mu’minun (les croyants) versets 1-2

[17]cf. EbûDâvûd, Tahâret, 78/198; Ahmed, III, 344; Beyhakî, Delâil, III, 459; İbn-iHişâm, III, 219; Vâkıdî, I, 397.

[18](Ahmed, V, 310; Dârimî, Salât, 78)

[19](Ahmed, II, 525)

[20](Tirmizî, Salât, 188/413)

[21]Sourate an-Nisa (les femmes) verset 142.

[22](Tirmizî, Salât, 13/172)

[23](Muvatta’, Kur’ân-ı Kerîm, 46; Müslim, Mesâcid, 195)

[24](Müslim, Mesâcid, 238-240; Dârimî, Salât, 25)

[25](Tirmizî, Salât, 13/170; EbûDâvûd, Salât, 9/426)

[26](Heysemî, IX, 316)

[27](Tirmizî, Salât, 13/174; Ahmed, VI, 92)

[28](EbûDâvûd, Salât, 47/554; Nesâî, İmâmet, 45/841)

[29](Tirmizî, Fiten, 7/2165)

[30](EbûDâvûd, Salât, 55/574; Tirmizî, Salât, 164; Dârimî, Salât, 98)

[31](Ali el-Müttakî, VII, 578/20339)

[32](EbûDâvûd, Salât, 46/553)

[33](EbûDâvûd, Salât, 56/577)

[34](EbûDâvûd, Salât, 47/554; Nesâî, İmâmet, 45)

[35]Sourate al Nisa (les femmes), verset 102

[36](Beyhakî, Şuab, VII, 477)

[37]Bataille des Dardanelles ou Guerre de « Çannakale », qui eut lieu du 25avril1915 au 9janvier1916 dans l’actuelle Turquie (à l’entrée du détroit des Dardanelles dans la région de Çannakale). L’empire Ottoman fait alors face à la coalition des forces britanniques, françaises et russes. Selon historiens les pertes humaines varient entre 300 000 et 500 000 de part et d’autre. NdT

[38]Les croyants répètent lors de la prière de l’Aïd le takbir suivant:Allahu Akbar Allahu Akbar – Lâilahailla Allah – Allahu Akbar Allahu Akbar – Wa lillahilhamd

[39]Sourate al Baqara (la vache), verset 153

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