Dépenser au nom de Dieu

Mar 13, 2019 par

Naci Öztürk

L’un des signes les plus manifestes de la foi en Dieu est la mobilisation des grâces et des moyens que l’on dispose en vue de l’intérêt d’autrui. Le terme le plus apprécié pour illustrer cette réalité est la générosité. La générosité décrite comme la caractéristique du saint (wali) est l’unique signe qui détermine la sûreté qu’on a de la puissance, la charité, la bonté et la bienfaisance de Dieu. L’homme qui compte chacune des révélations des Attributs et des Noms du Créateur des choses et des incidents (ce qui est le vrai sens du religieux) sait bien qu’al-Razzaq est un de ces Noms et croit en conséquence que Dieu a entrepris de nourrir toutes les créatures en vertu de ce Nom.

 

« Il n’y a point de bête sur terre dont la subsistance n’incombe à Allah qui connaît son gîte et son dépôt ; tout est consigné dans un livre explicite. » (Houd 11/6)

Une conscience qui croit en cela ne verra aucun danger au fait de donner abondamment ce qu’il possède ; au contraire, à travers cette démarche, tout un chacun entreverra la prospérité en se rendant compte qu’il prend part aux activités divines. Et à chaque fois que tu donnes, Dieu donne… Quand Ibn Abbas (que Dieu soit satisfait de lui) décrit la générosité de notre Prophète (pbsl), il le fait de la manière suivante : « Je jure que l’accomplissement d’un acte de grâce du Messager de Dieu, par analogie, est encore plus généreux qu’un vent qui éparpille toute chose en les propulsant à l’air libre. » (Bukharî)

Un autre hadith établit cette intéressante mesure : « Est considéré comme martyr quiconque se consacre au service des pauvres et des veuves, qui combat dans le chemin de Dieu, qui vit en jeûnant le jour et qui consacre la nuit aux prières. » (Bukharî)

« Quiconque se prémunit contre sa propre avarice, ceux-là sont ceux qui réussissent. » (al- Hashr, 59/9)

 

« Or, il ne s’engage pas dans la voie difficile ! Et qui te dira ce qu’est la voie difficile ? C’est délier un joug [affranchir un esclave] ou nourrir, en un jour de famine, un orphelin proche parent. Ou un pauvre dans le dénouement. Et c’est être, en outre, de ceux qui croient et s’enjoignent mutuellement l’endurance, et s’enjoignent mutuellement la miséricorde. » (al-Balad, 90/ 11-17)

Pour briser la cupidité, il est nécessaire de donner plus ou moins quand on est aisé ou dans le besoin. Quiconque ne donne pas alors qu’il est dans le besoin ne donnera jamais quand il sera aisé. Nous devrions en conséquence nous intéresser au chiffre. Le chiffre est une question matérielle alors que ce qui nous est demandé c’est de parvenir à pouvoir donner. La moindre chose que nous donnons ne peut en aucun cas nous apporter du mal. Celui qui ne donne pas dans la restriction ne donnera jamais dans l’abondance.

La générosité doit être exprimée par le biais de ce qui nous est cher, des choses précieuses. Le Coran stipule à ce propos : « Vous n’atteindriez la (vraie) piété que si vous faites largesse de ce que vous chérissez. Tout ce dont vous faites largesse, Allah le sait certainement bien. » (al-Imran, 3/92)

Nous voyons qu’au moment où ce verset fut révélé, les Compagnons du Prophète (pbsl) se faisaient concurrence pour s’acquitter de choses qu’ils chérissaient le plus. Par exemple, Abû Talha (que Dieu soit satisfait de lui) vint au jour auprès du Messager de Dieu et lui dit : « Ô Messager de Dieu ! Dieu Exalté a fait descendre sur toi “Vous n’atteindriez la (vraie) piété que si vous faites largesse de ce que vous chérissez”, et de tous mes biens rien ne m’est plus cher que « Bayhura ».[1] Aussi est-elle désormais de ma part une aumône pour Dieu Exalté. J’espère y trouver un bien dans ce monde et dans l’autre auprès de Dieu Exalté. Place-la donc, ô Messager de Dieu, à l’endroit qu’Il te fera voir. » Le verset coranique ci-dessous établit encore plus clairement cette règle :

« Ô les croyants ! Dépensez des meilleures choses que vous avez gagnées et des récoltes que Nous avons fait sortir de la terre pour vous. Et ne vous tournez pas vers ce qui est vil pour en faire dépense. Ne donnez pas ce que vous-mêmes n’accepteriez qu’en fermant les yeux ! Et sachez qu’Allah n’a besoin de rien et qu’Il est digne de louange. » (al-Baqara, 2/267)

« La sadaqa élevée (en degré) est celle qui est faite alors que tu es bien portant, très attaché à l’argent, craignant la pauvreté et souhaitant la richesse. N’attend pas d’être à l’article de la mort pour la remettre et dire à cette occasion “ ceci à un tel et cela à un autre” alors que cela est devenu leur droit (par l’héritage). »

L’homme est particulier doué pour trouver toutes sortes de prétextes persuasifs pour détourner son ego de tout esprit de sacrifice. L’homme, présentement, entreprend d’investir dans un luxueux gâteau sucré qu’il compte manger dans trente ans et ne voit pas les désespérés qui ne trouvent pas de pain pour (se nourrir) le soir même. Si vous demandez pourquoi cela, voici la réponse : « Moi aussi je vis avec un manque évident de moyens de subsistance. »

Le manque de moyens de subsistance… cette expression a un sens différent selon les personnes. Le souci d’un père qui n’a pas la possibilité d’acheter de l’aspirine pour son enfant malade est un manque de moyens de subsistance. L’est aussi le souci d’un père qui n’arrive pas à trouver de l’argent pour acheter à son fils la voiture « dernier modèle ». Afin de faire une distinction entre ces deux cas, il est nécessaire d’y réfléchir en s’arrachant de son ego cruel. L’ego ne voit aucune différence entre ces deux soucis. Pour ce fait, le monde que l’ego gouverne est un monde pleinement obscur. L’homme qui se trouve sous la domination de l’ego trouve toutes sortes de prétextes incroyables pour ne pas se livrer aux autres. Il ingénie les besoins. Il fait peur au point qu’il devient esclave d’un sentiment semblable à une personne qui dispose de moyens suffisants pour mener une vie paisible durant des années et qui se voit appelée le lendemain à rester affamée. Une telle personne est incapable de faire sortir de sa poche un seul centime. Le Coran exprime en ces termes le caractère le plus stupide de l’homme, peut-être même le plus féroce :

 Dis : « Si c’était vous qui possédiez les trésors de la miséricorde de mon Seigneur ; vous lésineriez, certes, de peur de les dépenser. Et l’homme est très avare ! » (al-Isra, 17/100)

Quand nous disons ceci « donnez aussi à ceux qui par crainte de la faim s’attachent une pierre au ventre » à ceux qui ne se suffisent pas de manger, ils diront « ça ne nous suffit pas aussi… pourquoi devrions-nous donner ? » Ces deux hadiths sont une réponse nette à celui-ci :

« La nourriture de deux personnes suffit pour trois et la nourriture de trois suffit pour quatre. » (Bukharî). Ceci signifie que donner n’est pas une question de moyen, mais plutôt un problème de caractère.

Vouloir concentrer dans les mains d’une seule personne une grâce offerte pour nourrir cent personnes est la plus grande révolte aux lois de la création et la plus grande oppression faite à l’homme. Tant que cette oppression n’est pas dépassée, il ne faut pas s’attendre à ce que l’humanité regagne sa paix.

« II ne se lève pas un seul jour sur l’humanité sans que deux Anges ne descendent du ciel. L’un d’eux dit : « Seigneur Dieu ! Remplace sa dépense à celui qui a dépensé ! » Et l’autre dit : « Seigneur Dieu ! Frappe de perte celui qui s’est montré avare ! » (Tecrit 5/190)

« A ceux qui thésaurisent l’or et l’argent et ne les dépensent pas dans le sentier d’Allah annonce un châtiment douloureux. Le jour où (ces trésors) seront portés à l’incandescence dans le feu de l’Enfer et qu’ils en seront cautérisés, front, flancs et dos : voici ce que vous avez thésaurisé pour vous-mêmes. Goûtez de ce que vous thésaurisiez. » (at-Tawba, 9/34-35)

Enfin, quand Junayd al-Baghdadî (que Dieu agrée son âme) s’adressa à son oncle et guide Seriyi Sakati en ces termes : « Puis- je te montrer un court chemin qui mène au Paradis : Ne demande rien aux gens et distribue les choses dont ils peuvent profiter sans en garder accumulées dans tes mains. »

[1] AbûTalha (que Dieu soit satisfait de lui) était, parmi les Ansars, le plus riche propriétaire de palmeraies. La palmeraie qu’il aimait le plus était celle nommée «Bayruha» et qui faisait face à la mosquée.

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