De la zakat et de la purification

Mar 13, 2019 par

Prof. Dr. Hasan Kâmil Yılmaz

Zakat vient de la même racine que purification. Ce terme signifie à la fois purification et multiplication. La zakat, selon le Coran, « et dans leurs biens, il y avait un droit au mendiant et au déshérité. » (ad-Dariyat, 51/19 ; al-Maarij, 70/25) assure la purification matérielle et spirituelle de l’homme. L’aspect matériel relève de la purification des biens, l’aspect spirituel du cœur et de l’âme. À cet effet nous pouvons lire dans le Coran : « Ne savent-ils pas que c’est Allah qui accueille le repentir de Ses serviteurs, et qui reçoit les Sadaqat, et qu’Allah est L’Accueillant au repentir et le Miséricordieux. » (at-Tawba, 9/104)

La zakat purifie les biens de tous les doutes qu’il peut y avoir sur le gain sans que l’on s’en rende compte. Mais jamais le gain obtenu par des voies douteuses et illicites ne peut être purifié par la zakat.

La présence en plus de trente endroits dans le Coran de cette recommandation : « Accomplissez la prière (salât) ! » venant juste après celle de « donnez l’aumône ! » doit faire l’objet de preuve manifeste de l’influence commune que ces deux adorations font naître chez l’homme.

Dans le Coran, la détermination affichée par le verset : « En vérité la Salat préserve de la turpitude et du blâmable » (al-Ankabut, 29/45) montre l’efficacité de la purification spirituelle ; un autre verset coranique relie cette influence à la condition de l’humilité : « Bienheureux sont certes les croyants, ceux qui sont humbles dans leur Salat » (al-Muminun, 23 /1-2). De ce verset, il ressort que la puissance de la prière dans l’initiation de l’âme relève de l’humilité.

Fait stipulé dans le Coran, après s’être donné par amour à Dieu et s’être orienté vers Lui en toute humilité (voir al-Hajj, 22/34), la culture du sentiment de générosité propre, qui est le caractère le plus exalté de l’âme, est la condition nécessairement recherchée. De même que le sentiment d’humilité rend l’homme sensible à la grandeur de Dieu et le prépare à se retrouver dans Sa sérénité, étant donné que la générosité est un attribut angélique, il est prompt à mettre fin à la domination des sentiments sauvages qui habitent en l’homme.

L’homme peut se prémunir de l’avarice grâce à la générosité qui est une qualité. L’avarice fait partie des caractères délétères à la fois pour la vie d’ici-bas et pour celle de l’au-delà. Quand l’avare meurt, aussi malicieux qu’il eût été et en raison d’un cœur attaché aux biens terrestres, son châtiment n’en sera que plus rude dans l’au-delà.

Quiconque s’habitue à s’acquitter de la zakat se prémunit de l’influence de l’avarice. Toutefois, pour pouvoir acquérir les qualités propres à la générosité, il est nécessaire de posséder aussi un certain nombre d’habitudes. Quelques-unes d’entre elles peuvent être classées de la façon suivante : donner en dépit du besoin que l’on a de la chose, être en mesure de pardonner à ceux qui nous ont affligés, patienter en vue et par crainte de l’au-delà alors qu’on se trouve devant des dispositions difficiles et particulièrement lourdes pour l’âme. Tous ces comportements peuvent être considérés comme une préparation à la générosité.

Tout comme l’humilité est à la fois l’âme et l’essence de la prière, la générosité l’est également pour la zakat. L’éducation initiale de l’âme commence par une familiarisation avec le principe de générosité. La raison en est que la générosité se manifeste par un attribut nommé « jûd », un attribut divin. Grâce à sa générosité, le serviteur de Dieu est au bout du compte façonné par la moralité divine en se caractérisant par « Jawad » qui est aussi un attribut de Dieu.

L’avarice est la première des turpitudes devant laquelle on doit se tenir éloigné. Quiconque ne s’acquitte pas de la zakat par avarice sera lui-même victime de perte. Tout comme le stipule le hadith, cette perte se manifestera déjà dans ce monde ici-bas : « Au matin de chaque nouvelle journée deux anges descendent du ciel. L’un d’eux dit : « Seigneur Dieu ! Donne à toute personne qui dépense (dans les œuvres de bien) la compensation de ce quelle dépense. » Et l’autre dit : « Seigneur Dieu ! Donne à tout avare un fléau pour l’emporter ou emporter ses biens. » (Bukhârî, Zakât, 27; Muslim, Zakât, 57)

Dans le but de vilipender l’avarice et de louer la générosité, le Messager de Dieu (pbsl) disait :

 

« Craignez l’avarice, car elle a causé la perte de ceux qui étaient avant vous. » (Muslim, Birr, 56)

« Je ne m’inquiète pas trop de votre pauvreté. Ce qui m’inquiète davantage, c’est la destruction qui surviendra sur vous lorsque vous vous engagerez dans la concurrence tout comme vos prédécesseurs. » (Bukharî, Jiziya, 1 ; Muslim, Zuhd, 6)

« Le généreux est proche de Dieu, proche des gens, loin de l’enfer. Quant à l’avare, il est loin de Dieu, loin du paradis, proche de l’enfer. Il est certain qu’un généreux illettré est plus aimé de Dieu qu’un serviteur avare. » (Tirmidhî, Birr, 40)

La proximité dont bénéficie le généreux en Dieu, c’est la capacité de Le connaître, d’ouvrir à demi le voile qui le sépare de Lui. Il est dit dans le Coran que la zakat (l’aumône légale ou impôt purificateur) et la sadaqa (l’aumône simple) qui sont offertes par le serviteur généreux sont directement reçues par Dieu. Cela montre effectivement la disparition des voiles intermédiaires pour faciliter la proximité spirituelle. Il est dit dans le Coran : « Ne savent-ils pas que c’est Allah qui accueille le repentir de Ses serviteurs, et qui reçoit les Sadaqa, et qu’Allah est L’Accueillant au repentir et le Miséricordieux. » (at-Tawba, 9/104)

Le Messager de Dieu (pbsl), quant à lui, a dit : « Celui qui a fait aumône de la valeur d’une datte provenant d’une acquisition pure (et Dieu n’accepte que ce qui est pur), Dieu l’agrée et la prend de Sa Main droite (c.à.d. en la bénissant) puis la lui fait prospérer comme l’un de vous engraisse son poulain. » (Bukharî, Zakât, 8 : Muslim, Zakât, 64)

La nature de l’homme l’a rendu nécessairement amateur de biens et de richesses. C’est à cause de cela que bien souvent il devient esclave de l’argent, délaissant son devoir de serviteur de Dieu. Le Messager de Dieu (pbsl) a dit à ce sujet : « Ceux qui se sont rendus esclaves du dinar et du dirham ont été anéantis. » (Bukharî, Djihâd, 70 ; Riqaq, 10 ; Ibn Maja, Zuhd, 8)

On n’attend pas un quelconque avancement chez quelqu’un qui se livre à l’argent et aux choses matérielles ; on n’attend pas d’une telle personne une entrée remarquée dans le monde des esprits et des anges. L’âme qui s’est souillée par amour pour les biens terrestres, le cœur qui s’est noirci par amour pour l’argent, les yeux qui ont été éblouis par la lueur de l’or et de l’argent, ainsi que l’esprit confus, constituent dans leur ensemble des barrières aux réalités humaines et aux mystères divins. Seulement, grâce à l’effet purificateur de la zakat et de la sadaqa, le cœur et l’ego sont au bénéfice de la purification. De même que le traitement de chaque maladie se fait grâce aux éléments issus de la même espèce, les maladies issues des choses matérielles peuvent être traitées de la même manière. La mise en garde du Messager de Dieu (pbsl) à ce sujet est encore plus impressionnante : « La foi et l’avarice ne peuvent jamais coexister dans le cœur d’un croyant. » (Nasaî, Djihâd, 8). En résumé, tout ce qui a été cité plus haut fait partie des éléments d’importance et d’utilité qu’apporte la zakat à l’éducation humaine.

Ainsi donc la zakat a une importance et une utilité considérables en ce qui concerne l’assurance de l’ordre social. Toute organisation sociale est constituée de gens pauvres et de gens riches. En réalité, la richesse et la pauvreté sont comme tous les faits et les choses, c’est-à-dire temporaires. Voire même que ceux qui sont riches aujourd’hui peuvent devenir pauvres demain et vice-versa. Le soutien qu’apportent à travers la zakat les personnes nanties aux personnes pauvres assure la justice sociale dans la société et empêche que toute rancœur ne s’installe sur le plan de la distribution des biens. Le riche qui, chaque année, est dans l’obligation de se séparer d’un peu de ses biens pour le donner investit dans la production afin que « la zakat ne finisse pas ses biens ». Par conséquent l’économie nationale est à même de s’activer. Le fait que les propriétaires des biens et des capitaux n’introduisent pas ceux-ci dans le marché provoque systématiquement une régression dans l’économie et dans la production. La zakat, à ce point de vue, motive les gens à maintenir leurs capitaux en circulation. L’une des importantes mesures prises par l’Allemagne pour relancer son économie après sa défaite au lendemain de la Seconde Guerre mondiale fut l’orientation du peuple allemand à obéir aux obligations disposées par l’État en faveur de l’industrialisation et de la production en collectant des impôts sur les capitaux placés dans les banques.

Tout homme présente des particularités physiques et spirituelles différentes, des habilités et des aptitudes tout aussi différentes. Grâce aux actions qu’il pose selon ses habilités et aptitudes, ce même homme est à même d’entrer au paradis. À cet effet, le Messager de Dieu (pbsl) a dit : « Il y a huit portes pour accéder au paradis. Celui qui fait partie des pratiquants fervents de la prière est appelé à partir de la porte de la prière. Celui qui fait partie des volontaires fervents à la guerre sainte est appelé à partir de la porte de la guerre sainte. Celui qui fait partie des pratiquants fervents du jeûne est appelé à partir de la porte dite « du Rayyan» et celui qui fait partie des dispensateurs fervents d’aumônes est appelé à partir de la porte de l’aumône. » (Bukharî, Sawm, 4 ; Nasaî, Zakât, 1)

À la lumière de ce hadith, tout homme est doté d’une capacité, d’une prédisposition angélique supérieure ; son côté animal lui donnant en revanche la capacité de succomber. En fait, grâce à la prière, avoir en soi des qualités d’humilité et de pureté, c’est la maîtrise de la prière ; la pratique de l’indulgence et de la générosité est liée à la zakat et à la sadaqa (aumône simple) ; celui qui brise son ego en le combattant spirituellement bénéficiera de ce genre de don grâce au jeûne. Toutes les qualités des autres formes d’adoration, de la morale, du savoir et de la justice peuvent être prises pour leurs compléments.

Le fondement de la zakat, c’est le fait d’accomplir un devoir de remerciement pour toute grâce reçue – chaque organe étant sujet à une zakat – c’est de consacrer chaque organe au service (de Dieu) pour maintenir une conscience engagée dans l’adoration et éviter de s’engager sur les chemins glissants des jeux et des divertissements.

Pour accomplir correctement leur devoir portant sur l’acquittement de la zakat, les sultans du cœur ont recours aux quatre conditions suivantes :

  1. Obtenir tout bien par voie licite.
  2. Ne pas se nourrir du sentiment de vouloir collecter des biens au détriment des plus pauvres.
  3. De par un caractère généreux être avant tout un exemple pour ses propres enfants et les traiter convenablement.
  4. Ne pas causer de peine au bénéficiaire de la zakat en lui réclamant une reconnaissance ou en lui faisant des reproches.

La zakat est un droit que Dieu octroie aux pauvres sur les biens des riches. Et comme verser la zakat aux pauvres revients à s’acquitter d’une dette envers eux, on leur doit de ce fait reconnaissance. Parce que s’il n’y avait pas de pauvres, il n’y aurait alors aucune conséquence, compte-tenu du fait que le devoir qui nous est propre ne sera pas accompli ; et, à cet effet, l’ego du riche, ainsi que ses biens, ne seront guère purifiés.

 

 

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